ZFE-m (zones à faibles émissions-mobilité) : le Sénat cherche à désamorcer la grogne sociale
Publié leActuellement, 11 métropoles ont mis en place une zone à faibles émissions mobilité (ZFE-m) : Grand Paris, Lyon, Aix-Marseille, Toulouse, Nice, Montpellier, Strasbourg, Grenoble, Rouen, Reims et Saint-Étienne. Dans ces zones, la circulation des véhicules les plus polluants peut être limitée et la prime à la conversion peut bénéficier d’un supplément. D’ici 2025, les 43 agglomérations de plus de 150 000 habitants devront avoir instauré une ZFE-m.
Pour circuler dans les territoires placés en zone à faibles émissions mobilité (ZFE-m), le certificat qualité de l’air est obligatoire. Dans ces zones, les véhicules les plus polluants identifiés par les vignettes Crit’Air 5, 4 et 3 peuvent être soumis à des restrictions de circulation lorsque le préfet instaure la circulation différenciée lors de pics de pollution.
Ces restrictions peuvent s’appliquer sur des plages horaires déterminées. Les collectivités territoriales sont libres de fixer des règles plus strictes.
Cela génère de fortes tensions et aussi des inquiétudes pour les usagers dans leur déplacements quotidiens, mais aussi les collectivités qui doivent mettre en place ces ZFE-m.
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Localtis a publié un article sur le sujet :
Déploiement des ZFE-m : les pistes du Sénat pour désamorcer la grogne sociale
Par Philie Marcangelo-Leos
La mission d’information « flash » du Sénat sur l’acceptabilité et la mise en œuvre des zones à faibles émissions-mobilité (ZFE-m) a présenté les conclusions de ses travaux ce 14 juin. Neuf recommandations conciliant amélioration de la qualité de l’air et déploiement apaisé du dispositif y sont formulées pour « sortir de l’impasse », tant le sujet cristallise tensions et inquiétudes, de la part des collectivités territoriales chargées de le mettre en place et des usagers, dont les mobilités quotidiennes sont affectées. Le rapport préconise entre autres de desserrer le calendrier et d’accroître le soutien de l’État aux ménages les plus impactés par les ZFE-m dans l’acquisition de véhicules peu polluants.
Améliorer l’acceptabilité des zones à faibles émissions-mobilité (ZFE-m) et identifier des pistes pour accompagner efficacement leur mise en œuvre : telle était la mission confiée au sénateur Philippe Tabarot (LR-Alpes-Maritimes), rapporteur de la mission « flash », dont les propositions (Le rapport et la synthèse) ont été présentées ce 14 juin. Une gageure alors que 86% des particuliers et 79% des professionnels se disent opposés à ce dispositif visant à bannir les véhicules les plus polluants des grandes agglomérations, selon les résultats de la consultation en ligne organisée par le Sénat.
Le rapport adopté par la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable dans la matinée, se veut donc « réaliste, concret et de bon sens » en dressant neuf recommandations en réponse aux inquiétudes remontées par le terrain. Philippe Tabarot y rappelle les obstacles majeurs auxquels se heurtent les ZFE-m, à défaut d’accompagnement suffisant de l’Etat, y compris en matière de contrôle, et d’offres alternatives à la voiture satisfaisantes, et exprime les craintes d’un déploiement qui « risque fort de laisser sur le bord de la route de nombreux usagers, à commencer par les plus fragiles et les plus éloignés des cœurs de ville ».
« Interdire de la circulation des plus grandes métropoles plus d’un tiers des véhicules qui les traversent quotidiennement », soit environ 13 millions de véhicules, « dans un délai d’un an et demi, risque inévitablement de creuser des fractures sociales et territoriales déjà importantes », prévient-il. D’autant que « le renouvellement d’un tel volume de véhicules dans des délais aussi contraints (…) semble matériellement difficile à envisager, compte tenu du coût des véhicules peu polluants ». A titre d’illustration, dans le 3e arrondissement de Marseille, le plus pauvre de France, 52% des véhicules sont classés Crit’air 5, 4 ou 3 et concernés par de futures interdictions de circulation. Un risque d’exclusion sociale en balance avec les bénéfices attendus en termes de santé publique… Un travail de « sensibilisation des citoyens » sur cet enjeu sanitaire serait donc à mener parmi les leviers d’acceptabilité.
La France toujours dans le collimateur de Bruxelles
Malgré les progrès notables de ces vingt dernières années, de nombreuses agglomérations demeurent confrontées à des dépassements récurrents des seuils réglementaires de qualité de l’air, multipliant les contentieux à l’encontre de l’État français, au niveau national et européen. Or, si les ZFE-m constituent sans conteste un outil pertinent pour réduire la pollution atmosphérique, le rapporteur n’y voit pas pour autant « l’alpha et l’omega » de l’amélioration de la qualité de l’air, notamment car elles « ne répondent que de façon limitée à l’exposition aux particules fines, qui proviennent plus majoritairement d’autres secteurs » (logement au premier chef). L’heure n’est pas encore au bilan des ZFE-m en France. Néanmoins, les retours d’expérience de nos voisins européens se révèlent « mitigés » et fortement dépendant des « contextes locaux » mais aussi « du périmètre de la ZFE-m et des restrictions mises en œuvre ».
Un déploiement en ordre dispersé
À ce jour, onze métropoles, dont les premières ont été Lyon, Grenoble et Paris, ont déployé des ZFE avec des calendriers différents, tandis qu’une généralisation du dispositif est prévue par la loi Climat et Résilience d’ici à 2025 dans les 43 agglomérations de plus de 150.000 habitants, « ce qui pourrait nuire encore davantage à terme à la lisibilité du dispositif pour les usagers », relève Philippe Tabarot. Les régions Hauts-de-France et Auvergne-Rhône-Alpes vont connaître la concentration de six ZFE à quelques kilomètres, illustre-t-il.
Des niveaux supplémentaires viennent ainsi s’ajouter à un « empilement » de régimes, déjà introduit par la loi d’orientation des mobilités (LOM), et souvent déployés « à marche forcée » et de manière « hétérogène », chaque agglomération fixant son propre calendrier de restrictions de circulation concernant les véhicules légers concernés par le schéma défini par la loi Climat et Résilience.
Afin d’anticiper le déploiement à plus grande échelle du dispositif et permettre une mise en œuvre « concertée des ZFE-m en cours avec celles à venir », le rapport préconise l’organisation de conférences régionales visant à mieux articuler les dispositifs entre eux et à engager « une planification de plus long terme ». « Cela ne signifie pas une harmonisation totale et des règles communes mais peut-être un référentiel commun et en tout cas, que tout le monde se mette autour de la table, probablement sous l’égide du préfet de région, pour rendre aux usagers la vie plus simple dans cette coordination indispensable », explique le rapporteur.
Accélérer le verdissement du parc
Trois leviers sont exposés dans un premier axe de recommandations inspirées de pistes déjà évoquées lors de la discussion de la loi Climat et Résilience, dont Philippe Tabarot était également l’un des rapporteurs.
La mission plaide ainsi pour renforcer et mieux cibler le bonus écologique et la prime à la conversion au profit des ménages modestes et de ceux résidant en dehors de la ZFE-m, par le biais de systèmes de majoration progressifs. En outre, elle propose de doter le dispositif du prêt à taux zéro (PTZ) « véhicules propres légers » d’un caractère pérenne et d’en étendre le champ d’application au bénéfice des ménages et entreprises établis dans ou à proximité de l’ensemble des 43 ZFE-m imposées par la loi. En complément, et pour accompagner la transition du parc des professionnels, un PTZ spécifique serait créé pour les poids lourds dédiés au transport de marchandises et aux autocars.
Le rapport souhaite également encourager le développement du marché d’occasion des véhicules propres et la conversion du stock de véhicules existants, en revalorisant la prime au rétrofit pour les ménages modestes résidant en dehors de la ZFE-m et en rétablissant la possibilité pour les poids lourds d’y recourir.
Philippe Tabarot souscrit par ailleurs à la recommandation formulée par la mission conduite par les députés Gérard Leseul et Bruno Millienne (lire notre article) visant à mettre en place un guichet unique des aides nationales et locales. Il privilégie cependant l’échelle régionale « afin que l’ensemble des échelons de collectivités territoriales susceptibles de proposer des aides aux particuliers et professionnels soient pris en compte dans le dispositif ».
Provoquer un « choc d’offre » de transports alternatifs à l’autosolisme
Il apparaît prioritaire à la mission de « synchroniser » le développement d’offre de transports en commun avec le calendrier des restrictions de circulation. Les alternatives au véhicule individuel devraient constituer « un préalable » au déploiement des ZFE-m. C’est pourquoi le rapport recommande « de dynamiser très fortement » le soutien accordé par l’État aux transports collectifs (services express régionaux métropolitains, car express, pôles d’échanges multimodaux, etc. ), au vélo ou encore le covoiturage, en portant une attention particulière aux territoires péri-urbains et ruraux.
Pour ce faire de nouveaux dispositifs incitatifs sont envisagés : TVA à 5,5 % sur les transports collectifs et mécanisme de financement de solutions alternatives de mobilité en cas de mise au rebut d’un véhicule polluant. Certaines agglomérations réfléchissent d’ores et déjà à mettre en œuvre des solutions de ce type, à l’image de la Métropole du Grand Lyon. Un dispositif national de « compte mobilité » pourrait ainsi être institué en complément au bénéfice de tous, y compris ceux vivant en périphérie des agglomérations.
Assouplir le calendrier
C’est le troisième axe du rapport qui alerte sur « un calendrier impossible à tenir ». Il propose donc de reporter « au plus tard au 1er janvier 2030 » la date butoir de mise en œuvre des restrictions de circulation (dans les ZFE LOM) s’appliquant aux véhicules classés Crit’air 3 et également de la décaler « au 1er janvier 2030 » concernant la création d’une ZFE-m dans les agglomérations de plus de 150.000 habitants. Et dans l’ensemble des ZFE-m rendues obligatoires, d’autoriser la circulation des véhicules Crit’air 2 pour les véhicules lourds jusqu’à 2030. Cette progressivité est « l’un des gages d’acceptabilité d’une ZFE-m » au regard des exemples étrangers , insiste le rapporteur
Enfin, le rapport juge pertinent d’individualiser la classification Crit’air en fonction du degré d’entretien des véhicules. Belgique et Pays-Bas (et bientôt Allemagne) ont déjà intégré un comptage des particules fines au contrôle technique des véhicules de leur parc. La délivrance d’une vignette « éco-entretien » pour les véhicules respectant des seuils d’émissions polluantes permettrait, le cas échéant, de déroger aux restrictions de circulation applicables dans les ZFE-m.
Des suites encore incertaines
Certaines préconisations réglementaires pourraient déboucher « assez rapidement », selon Philippe Tabarot, d’autres de nature législative (calendrier, bonus, PTZ, etc.) pourraient pour certaines être votées en loi de finances. Interrogé par le sénateur, lors de la séance des questions d’actualité, le ministre de la Transition écologique, Christophe Béchu, a salué « l’existence et la temporalité du rapport » y relevant « des idées pertinentes qui semblent aller dans le bon sens ». Il a également mis en perspective les travaux coordonnés par plusieurs représentants des acteurs concernés, dont Jean-Luc Moudenc, premier vice-président de France urbaine, maire de Toulouse et, président de Toulouse Métropole, et Anne-Marie Jean, vice-présidente de l’Eurométropole de Strasbourg, dont les conclusions sont attendues début juillet.
« Rien dans la loi ne prévoit d’imaginer un jour d’interdire les Crit’air 2 », a clarifié le ministre. « Pour les Crit’air 3, il n’y a que les agglomérations qui seraient en dépassement de seuil qui seraient concernées », a-t-il rappelé, sachant que le chiffre d’agglomérations susceptibles à l’heure actuelle de se retrouver dans ce type de situation « est au nombre de cinq ». La loi prévoit en outre « qu’une partie des 43 agglomérations concernées pourront bénéficier d’exonérations compte tenu de leur qualité de l’air », a-t-il insisté, soulignant que les chiffres sur le point d’être publiés « vont concerner de nombreuses agglomérations de plus de 150.000 habitants ».
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D’après l’article initialement publié par Localtis
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