Transition écologique et dialogue social : l’impulsion forte des partenaires sociaux
Publié leAprès plusieurs mois de discussions, les partenaires sociaux ont produit un accord national interprofessionnel (ANI) qui, s’il n’a pas de caractère contraignant, constitue une forte impulsion pour que la transition écologique devienne un objet de dialogue social. Il montre l’importance que patronat et syndicats accordent aux défis qui sont posés par les évolutions en cours à la fois pour les entreprises et les salariés en termes d’évolutions économiques, de conséquences environnementales et sociales. L’accord montre l’importance du dialogue social pour y répondre.
Un accord non normatif mais qui impulse et donne des pistes pour le dialogue social
Construit un peu comme l’ANI sur le télétravail le texte, que le patronat voulait au départ comme un document support pour les partenaires sociaux, est devenu un accord national interprofessionnel (ANI). Cela lui donne une solennité particulière et engage un peu plus les signataires dans sa mise en œuvre concrète. Il sera toujours temps d’évaluer les changements provoqués par l’accord dans le cadre d’un groupe de suivi qui se réunira tous les ans.
Pas de caractère contraignant donc, mais une forte incitation à faire dans le cadre du dialogue social, l’accord est conçu comme un mode d’emploi se basant sur des « repères » juridiques et « pratiques » qui accompagnent chacune des propositions du texte. Les partenaires sociaux ont retenu cinq chapitres qui balayent l’ensemble du périmètre du dialogue social de l’entreprise jusqu’aux territoires avec une place particulière pour la GPEC.
Une préambule qui marque l’engagement des partenaires sociaux
Qualifiant les défis de la transition écologique comme « majeurs », les défis économiques sociaux et environnementaux qu’ils posent sont multiples sur le plan industriel, sur l’emploi et les compétences et pour garantir la souveraineté énergétique. La transition écologique est aussi une opportunité qui génère de nouvelles activités, répond aux attentes des salariés et à l’évolution des métiers. Le texte note toutefois qu’elle est aussi porteuse de contraintes et d’incertitudes.
Les entreprises participent aux transformations indispensables pour une transition juste, pour une croissance responsable et durable. Pour cela, le dialogue social à tous les niveaux est indispensable. Il ouvre vers d’éventuels accords d’entreprise. L’accord l’affirme ainsi : « les partenaires sociaux élaborent une vision globale des enjeux économiques, sociaux et environnementaux ».
1er chapitre : identifier des leviers de changements dans le cadre d’un dialogue social éclairé sur la transition écologique
L’accord propose une méthode pour agir pour la transition écologique : dresser un bilan de la situation de l’entreprise, du groupe ou de la branche et ensuite hiérarchiser les priorités afin d’articuler les actions et chantiers dans le temps. Il encourage « les actions concrètes, réalistes, accessibles, opérationnelles à court et moyen et long terme » et propose des pistes d’actions, y compris des accords, qui pourraient être entreprises par les partenaires sociaux.
2ème chapitre : permettre aux dialogues social et professionnel de traiter les enjeux environnementaux au niveau de l’entreprise
L’accord évoque les leviers du dialogue social ,réglementés par le code du travail, qui peuvent être mobilisés dans l’entreprise (IRP, négociation, consultation, échanges…) mais aussi ce qui est appelé le « dialogue professionnel » dans les entreprises non pourvues de représentants du personnel ou par l’implication directe au travers du droit d’expression. L’accord accorde un rôle dans le domaine de la transition écologique aux représentants des salariés dans les conseils d’administration des entreprises quand il y en a.
Il détaille plus largement le rôle du CSE en incitant les partenaires de l’entreprise lors des informations/consultations diverses à formuler dans les avis du CSE « des propositions de nature à favoriser la transition juste dans l’entreprise qui seront examinées par l’employeur ». La politique environnementale de l’entreprise devrait aussi faire l’objet de points réguliers en CSE. L’accord donne des points de repères à la fois juridiques et pratiques sur le droit d’alerte, les informations à mettre dans la BDESE, sur la formation des représentants du personnel, le recours aux experts et le rôle que peuvent jouer les représentants de proximité. Il suggère aussi que les suppléants au CSE puissent bénéficier de formation ou encore que du temps de délégation supplémentaire soit donné aux représentants de proximité pour aborder « les questions soulevées par le changement climatique ».
3ème et 4ème chapitres : intégrer les enjeux environnementaux dans les négociations collectives ; traiter les enjeux environnementaux dans les espaces de dialogue social territoriaux et sectoriels
Ainsi, chaque négociation collective à tous les niveaux (entreprise, groupe, branche, interprofessionnel), pourrait prendre en compte les enjeux environnementaux. Dans les entreprises, l’accord invite à négocier les mesures visant à améliorer la mobilité des salariés entre le domicile et le lieu de travail en mobilisant « le forfait mobilités durables ». Il propose aussi de négocier un « plan de mobilité » à partir des bonnes pratiques.
L’accord suggère aussi aux branches de discuter sur la transition écologique sur trois thèmes : adaptation de l’organisation et des conditions de travail ; accord de méthode ; insertion de critères RSE dans les accords d’intéressement. Elles peuvent aussi définir des clauses spécifiques pour les entreprises de moins de 50 salariés.
Ces questions peuvent aussi être abordées au niveau des commissions paritaires professionnelles de négociation et d’interprétation (CPPNI) et des commissions paritaires régionales interprofessionnelles (CPRI) à la fois en soutien aux entreprises, leurs salariés mais aussi en termes d’anticipation.
5ème chapitre : traiter les enjeux relatifs aux emplois et compétences dans la mise en œuvre de la transition écologique : quelles opportunités ?
Il s’agit « d’atténuer l’impact environnemental des entreprises et réduire leur vulnérabilité face aux enjeux environnementaux ». D’où l’importance « de l’anticipation des mutations, l’adaptation et l’évolution des métiers, des compétences et des qualifications des salariés ».
Évidemment la GPEC est au cœur de la problématique. L’accord donne une sorte de mode d’emploi pour une gestion des emplois et des parcours professionnels et sur la mixité des métiers (GPEPPMM) permettant d’accompagner la mise en œuvre de la transition écologique au niveau des entreprises, des branches ou encore les Comités régionaux de l’emploi, la formation et l’orientation professionnel (CREFOP).
Un accord approuvé par la quasi-totalité des organisations patronales et syndicales
Tout en regrettant que l’accord ne soit pas plus offensif pour inciter les entreprises à s’engager dans cette démarche, la CFDT, la CFTC et FO ont ratifié l’accord. Réservée aussi la CFE-CGC ne signera pas. La CGT a refusé de signer cet accord. Les trois organisations patronales l’ont aussi approuvé.
Cet accord constitue un événement à plus d’un titre : il acte une prise de conscience des partenaires sociaux des enjeux de la transition écologique, une ouverture du dialogue social sur un thème jusqu’ici plutôt tenu à l’écart même après la promulgation de la loi sur le climat. Il démontre que le dialogue et l’écoute entre partenaires sociaux, même au cours d’une période de tension sociale, ça marche ! Aux partenaires sociaux maintenant de s’en saisir dans les entreprises pour donner vie aux intentions des signataires de l’accord.
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D’après l’article initialement publié par Les Clés du Social
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