Transfert de gestion des routes nationales : c’est parti pour les régions Grand Est et Auvergne-Rhône-Alpes

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Depuis le 1er janvier 2025, les régions Grand Est et Auvergne-Rhône-Alpes ont pris en charge, à titre expérimental, la gestion de 1.280 kilomètres de routes nationales non concédées. Cette démarche s’inscrit dans le cadre de la loi 3DS (différenciation, décentralisation, déconcentration et simplification) du 21 février 2022, qui permet aux collectivités d’expérimenter des formes accrues d’autonomie dans certains domaines, et ce, pendant cinq ans (2025-2029).

Pour mémoire, en décembre 2024, invoquant un manque d’engagement financier de l’État, des incertitudes techniques et juridiques, et un contexte budgétaire tendu, la région Occitanie a renoncé au transfert de gestion des routes nationales sur son périmètre (RN88, RN20, RN22 et RN125)

Grand Est : un réseau routier stratégique à moderniser

Dans le Grand Est, la région devient responsable de 525 km de routes jugées stratégiques. Cette expérimentation est encadrée par une convention avec l’État, prévoyant que des services de la DIR Est et de la DREAL Grand Est accompagnent la transition. Parmi les axes concernés, figurent des infrastructures majeures telles que l’autoroute A31 (axe clé vers le Luxembourg), la RN4, l’A33, la RN44, l’A313, la RN431, l’A30 et la RN52. Ces axes supportent un trafic routier intense, notamment de poids lourds, dont 60 à 90 % sont étrangers ou hors Grand Est.

La région déplore un manque d’investissements de l’État ayant conduit à une dégradation des infrastructures. Aujourd’hui, plus de 50 % des chaussées nécessitent un entretien, et 12 % des ouvrages d’art nécessitent des travaux lourds. La région prévoit donc un budget de 92 millions d’euros en 2025, soit trois fois plus que ce que l’État avait prévu. En particulier, 34 millions d’euros seront alloués à la rénovation de 75 kilomètres de routes dès cette année.

Un effort particulier sera fait sur l’A31, un axe vital pour les travailleurs frontaliers vers le Luxembourg, qui devraient être de plus en plus nombreux dans les années à venir. Outre la réfection des chaussées, la région prévoit également l’installation de protections acoustiques sur certaines portions, attendues depuis plusieurs décennies.

 

Financement : un recours à l’éco-redevance poids lourds

Pour financer ces travaux, la région a voté un budget annexe afin d’éviter toute répercussion sur d’autres projets. Une éco-redevance poids lourds sera mise en place en 2027 pour assurer le financement de l’entretien des infrastructures. En attendant, la région recourt à des emprunts d’équilibre, en complément des 32 millions d’euros fournis par l’État au titre du droit à compenser.

Cependant, cette taxe est loin de faire l’unanimité. Si elle a été adoptée à la majorité par le conseil régional en décembre, elle rencontre une forte opposition du groupe RN et apparentés, qui estime que le Grand Est n’a pas les moyens d’entretenir les routes et que l’éco-redevance pourrait pénaliser les entreprises françaises au profit des grandes firmes étrangères. Pourtant, des dispositifs similaires existent déjà chez les voisins belges, luxembourgeois et allemands. À l’inverse, le groupe Les Écologistes considère cette taxe comme un levier prometteur pour la transition écologique et la justice territoriale.

Auvergne-Rhône-Alpes : un enjeu d’aménagement du territoire

De son côté, la région Auvergne-Rhône-Alpes reprend la gestion de 756 kilomètres de routes nationales non concédées, principalement en Auvergne et dans le couloir rhodanien. Pour la collectivité, il s’agit d’une expérimentation cruciale afin d’assurer un équilibre entre les besoins des grandes métropoles et ceux des zones rurales.

Le vice-président de la région en charge des transports, Frédéric Aguilera, a souligné l’importance de cette gestion pour le développement économique et la transition écologique. Selon lui, s’occuper des routes nationales est un enjeu majeur pour l’aménagement du territoire et la décarbonation des transports.

Vers un modèle pérenne ?

L’expérimentation menée par ces deux régions pourrait préfigurer une décentralisation durable de la gestion du réseau routier national. D’autres collectivités suivent de près cette initiative, notamment la Collectivité européenne d’Alsace (CEA), qui prévoit d’introduire une taxe spécifique, le R-pass, pour les poids lourds de plus de 3,5 tonnes empruntant l’autoroute A35 dès 2027. Cette mesure vise à réduire le trafic de camions qui, en raison des taxes élevées sur les autoroutes allemandes, transitent par l’Alsace.

Si l’expérimentation était concluante, il est possible que l’on se dirige vers une décentralisation plus large de la gestion des routes nationales en France, avec un pilotage plus direct des territoires et en fonction des besoins locaux ? Le nouveau gouvernement de François Bayrou se dit favorable à une nouvelle phase de décentralisation.

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