Stand Up for Science France : « Pourquoi je me mobilise »

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Vous trouverez ci-dessous l’intéressant article de « The Conversation » intitulé « Stand Up for Science France : « Pourquoi je me mobilise »« . La CFDT-UFETAM rediffuse cet article en conformité avec la licence Creative Commons de The Conversation.

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Stand Up for Science France : « Pourquoi je me mobilise »

Par Emmanuelle Perez-Tisserant,
Université Toulouse – Jean Jaurès

En écho au mouvement Stand Up for Science qui s’organise aux États-Unis pour défendre la liberté académique, un appel à la mobilisation a été lancé pour ce vendredi 7 mars. Des conférences, des rassemblements et des marches sont organisées un peu partout en France, à l’initiative de scientifiques réunis derrière la bannière Stand Up for Science France. Engagé depuis ses débuts aux côtés de celles et ceux qui font avancer la recherche, « The Conversation » a demandé à Emmanuelle Perez-Tisserant, l’une des trois initiatrices du mouvement national, de nous expliquer pourquoi elle se mobilise.

Ce 7 mars est un jour d’action en soutien à la liberté des personnes travaillant dans le domaine de la recherche aux États-Unis et dans le monde entier – 153 villes sont recensées sur le site standuforscience2025.org. La nouvelle administration états-unienne a frappé fort dès le 20 janvier, jour de la deuxième investiture de Donald Trump, en s’en prenant à ceux qu’elle perçoit comme des opposants, car leurs recherches vont à l’encontre de leur idéologie et de leurs intérêts financiers.


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Ce n’est pas complètement venu comme une surprise. Historienne des États-Unis, j’avais suivi les développements de la campagne et la trajectoire du parti républicain. J. D. Vance, l’actuel vice-président, avait proclamé que « le professeur [était] l’ennemi » en 2021.

Le réchauffement climatique, un « canular chinois »

Le premier mandat Trump avait laissé des traces et une première Marche pour les sciences s’est déroulée en avril 2017, à la suite de ses tentatives de faire taire les scientifiques travaillant sur le dérèglement climatique, de son allégation que le réchauffement climatique était un « canular chinois », de sa déformation grossière de l’histoire du pays ou encore de sa sortie des États-Unis des accords de Paris. Avec des collègues, nous avions relevé le défi d’organiser en France des manifestations de soutien, qui à l’échelle mondiale ont rassemblé environ 1 million de personnes.

Des purges dans des organismes de recherche et de régulation

Comme tous les autres domaines de l’action fédérale, les organismes de recherche et de régulation ont subi de plein fouet les attaques du DOGE, le département de l’efficacité gouvernementale d’Elon Musk, contre les emplois publics et leur supposé trop grand nombre, leur manque de performance et d’efficacité. Ces purges ont principalement touché les plus précaires, aux contrats les plus récents, dont la sécurité de l’emploi était moindre. Certains ont été licenciés pour manque de performance alors même que, quelques semaines auparavant, on les avait encouragés à candidater à une promotion.

D’autres services sont menacés, soit selon cette pure logique comptable, soit dans l’idée de remplacer les services publics par des services privés. Mais un certain nombre d’entre eux ne peuvent l’être sans détourner leur mission, car ils sont au service du public et leur but ne peut pas être de générer du profit financier : il en est ainsi des services de prévision météorologique, par exemple. Les attaques visent aussi les agences de régulation et de contrôle : de l’alimentation, des épidémies, qui protègent la population états-unienne. Là encore, comment penser que le pays s’en portera mieux ? Y compris d’un point de vue financier, la prévention étant moins coûteuse que le « damage control ».

Au-delà d’une idéologie anti-État, il faut comprendre d’autres logiques à l’œuvre dans ces mesures du gouvernement Trump. Il y a bien sûr les intérêts économiques liés à l’extractivisme fossile, dont les acteurs ont largement financé la campagne électorale côté républicain (comme ils ont financé les campagnes de mise en doute du réchauffement). Au lieu d’une « urgence climatique », le président a proclamé une « urgence énergétique », selon lui plus proche des besoins immédiats des Étatsuniens moyens.

Une tentative de casser le thermomètre

Dans le même temps, les mentions du réchauffement climatique ont disparu de la communication publique des agences fédérales et la responsable états-unienne d’un des groupes de travail du GIEC s’est vue interdire de se rendre aux réunions de finalisation du rapport tandis que son équipe était démantelée, lui ôtant de fait toute capacité à finir sa mission correctement. Les agences chargées de l’observation et de la surveillance des océans et de l’atmosphère, souvent appelée la NOAA, son acronyme anglais, ont aussi vu leurs rangs dépeuplés : une tentative de casser le thermomètre ? Pourtant ces organismes jouent un rôle précieux dans la vie de millions d’Étasuniens, et au-delà.

Trump et ses proches obéissent aussi à l’agenda conservateur, opposé aux politiques de diversité et vent debout contre le féminisme, le droit des femmes à disposer de leurs corps, les études de genre et l’application d’un programme de droits civiques pour les personnes LGBT et surtout trans. Cela s’est particulièrement vu dans la politique de réexamen des attributions de bourses fédérales à des projets scientifiques. Sont actuellement passés au crible tous les projets soupçonnés d’inclure une perspective dite DEI (diversité, équité, inclusion), ou encore correspondant aux mots clés aussi vagues que « femmes », pour ne citer qu’un exemple.

Le 5 mars, après examen, un certain nombre de bourses, attribuées par les « National Institutes of Health » (NIH) – qui avec ses 27 instituts et centres de recherche est le plus grand centre de recherche biomédicale dans le monde – à des projets déjà évalués et sélectionnés par des scientifiques, ont été annulées du fait de ces ordres venus du pouvoir exécutif après réexamen, car elles entraient dans les catégories visées par les ordres du président et des membres de sa majorité.

Par exemple, une étude de longue durée sur la santé des personnes LGBT+ qui incluait la population trans, particulièrement sous le feu des républicains.

Ou encore, le National Park Service (Service des parcs nationaux), l’agence fédérale qui gère les parcs et monuments nationaux et les lieux de mémoire, a ainsi supprimé un certain nombre de pages Internet, de documents ou de mentions d’activistes trans ou gay, comme c’est le cas pour le fameux bar qui a été un berceau des mobilisations gays, Stonewall (New York).

Attaque contre la liberté d’expression

La communication officielle comme les enseignements sont ainsi aussi touchés par cette censure alors que l’un des premiers ordres exécutifs de Trump se targuait de « restaurer la liberté d’expression », celle qui est fameusement sanctuarisée dans le premier amendement de la Constitution des États-Unis.

Le 4 mars, sur son réseau social « Truth », le président a menacé de couper les financements fédéraux de toute université qui autoriserait la tenue de manifestations sur son campus, là encore, une infraction patente du principe de liberté d’expression. C’est notamment pour faire corps collectivement, et porter une voix menacée aux États-Unis, que sont organisées les manifestations Stand Up For Science, tandis qu’un certain nombre de nos collègues sont sidérés, tétanisés, effrayés de parler ou de s’exprimer lorsque leurs publications sur les réseaux ou leurs mails professionnels peuvent être scrutés, quand ils ne sont pas tout bonnement licenciés brutalement.

Abus de pouvoir

Ce qui est en train de se passer aux États-Unis relève d’abus de pouvoir, qui sont pour certains en train d’être attaqués en justice.

Le DOGE et Elon Musk, dont la création et la nomination n’ont pas été approuvées par le Congrès (et qui en profite en partie), sont en train de prendre des décisions budgétaires qui reviennent normalement à la branche législative. Or c’est une valeur fondamentale des États-Unis, depuis leur fondation, qui a été à la racine de leur indépendance : pas de taxation sans représentation ; les décisions budgétaires doivent être prises par les représentants élus par le peuple.

La recherche états-unienne au bord de l’effondrement

En attendant l’aboutissement de ces manœuvres judiciaires, et peut-être de la résistance des contre-pouvoirs et des citoyens que nous espérons constater aujourd’hui, aux dires de témoins, le système de la recherche états-unienne est au bord de l’effondrement, ce qui n’est pas une bonne nouvelle pour le monde.

Cette situation et l’observation d’autres pays où des gouvernements similaires exercent, ou ont déjà exercé, nous incitent à la vigilance. Par exemple, en Argentine, le gouvernement Milei est en train de couper les financements publics de la recherche, notamment en sciences humaines et sociales. Les chercheurs devraient, selon lui, trouver des financements privés : comment imaginer une recherche indépendante dans ces conditions ?

Il est clair que nous devons exprimer notre solidarité et la rendre concrète ; si nous ne parvenons pas à faire pression auprès des gouvernements pour rétablir la situation, il est essentiel de pouvoir offrir des formes d’asile à nos collègues états-uniens. La proposition de notre ministre de profiter des chaires juniors ou séniors ne saurait suffire et est difficile à accepter tant les postes, notamment les postes titulaires, sont rares en France, y compris pour nos brillants collègues en début de carrière, dans un contexte de coupes budgétaires tout à fait perceptible en France, et pas seulement aux États-Unis.

La situation en France

La situation n’est certes pas encore similaire en France, mais comment ne pas penser à une future arrivée au pouvoir de personnalités ayant ces mêmes idées, vu le contexte dans lequel nous nous trouvons ? On le sait, on le constate, l’obscurantisme est un outil stratégique de l’extrême droite. Plus largement, au plus haut niveau de l’État, n’a-t-on pas relayé des accusations contre les mythes que seraient la « théorie du genre » et « l’islamo-gauchisme » ?

Est-ce que les scientifiques du climat, de la biodiversité, de la justice environnementale ne sont pas désespérés de ne pas être écoutés ou pris au sérieux dans leurs alertes ? Est-ce que les attaques contre l’Office français de la biodiversité (OFB) ne sont pas minimisées ? N’assiste-t-on pas à des reculs en matière de réglementation des pesticides alors même que l’on connaît leur nocivité ? Est-ce que les universités, parfois sous pression du pouvoir, ne pratiquent pas déjà des formes de censure, d’interventions policières et de restrictions de la liberté d’expression ?

Il est certain que ces enjeux sont complexes et qu’ils nous obligent à repenser complètement nos modèles, à revoir une bonne partie de l’organisation de la société, mais ne doivent-ils pas être réfléchis, discutés et débattus collectivement à partir de ce que nous savons et de ce qui est établi ? Il est impératif, par ailleurs, que ces débats tiennent compte des perspectives de sciences humaines et sociales, car les sciences sont profondément encapsulées dans nos sociétés, historiquement et géographiquement situées.

Comment collectivement mettre à l’abri ce qui doit nous être cher, dans lequel nous avons déjà collectivement investi, le fruit d’un long et précieux travail au service du public ? Constitutionnaliser les libertés académiques est-il possible et suffisant et sous quelle forme ? Rappeler que, selon la déclaration de 1948, le droit de jouir de – et de participer à – la recherche scientifique est un droit humain fondamental ?

L’enseignement et la recherche publics sont des biens communs, des richesses, qui peuvent bénéficier à toutes et à tous, qui doivent nécessairement s’inscrire dans le temps long et indépendamment des intérêts politiques et économiques, bien qu’en dialogue fécond avec la société.The Conversation

Par Emmanuelle Perez-Tisserant,
Maîtresse de conférences en histoire,
Université Toulouse – Jean Jaurès

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Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.

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