Semaine en 4 jours : des retours d’expériences dans les collectivités

Publié le

Depuis quelques années, la semaine en 4 jours s’impose comme une alternative séduisante à l’organisation traditionnelle du travail. Si certaines entreprises privées ont déjà sauté le pas en réduisant le temps de travail à 32 heures hebdomadaires, le secteur public, contraint aux 1 607 heures annuelles, doit composer avec des exigences spécifiques.

Alors, la semaine en 4 jours est-elle adaptée aux agents publics ? Quels en sont les bénéfices et les défis ? Une récente note de réflexion du Syndicat National des Directeurs Généraux des Collectivités Territoriales (SNDGCT) apporte des premiers éléments de réponse, notamment issus des collectivités territoriales, mais qui peuvent nourrir la réflexion au sein de la Fonction Publique de l’État (FPE).

Pourquoi un tel engouement ?

En février 2024, un sondage révélait que 77 % des actifs français seraient favorables à la semaine de 4 jours, un chiffre qui monte à 83 % chez les 25-34 ans. Dans la fonction publique, la demande est également forte : 72,6 % des agents déclarent souhaiter un réaménagement de leur temps de travail.

Parmi les motivations les plus fréquentes :

  • Un meilleur équilibre entre vie professionnelle et personnelle
  • Une réduction du stress et des temps de transport
  • Une attractivité renforcée pour les administrations qui peinent à recruter. En effet, dans un contexte de pénurie de candidats, la semaine en 4 jours est perçue comme un atout pour attirer et fidéliser les agents.

Exemple :
À la Communauté de Communes du Terroir de Caux (Seine-Maritime), la mise en place de la semaine en 4 jours a permis de renforcer l’attractivité des postes. « Nous avons du mal à rivaliser avec le secteur privé en termes de salaires, alors nous nous démarquons autrement », explique Frédéryque Cottard, responsable RH. Résultat : un taux de candidatures en hausse et des recrutements facilités.

Une mise en œuvre plus complexe dans la fonction publique

Si l’idée séduit, son application dans la fonction publique soulève plusieurs défis :

  • Assurer la continuité du service public : certains métiers nécessitent une présence quotidienne (préfectures, administrations centrales, services déconcentrés).
  • Gérer l’allongement des journées : passer à 4 jours implique de travailler près de 9 heures par jour, ce qui peut être difficile à soutenir.
  • Éviter les inégalités entre les agents : notamment entre ceux qui peuvent télétravailler et ceux qui ne le peuvent pas. Par exemple, certaines collectivités « souhaitent limiter » la mise en œuvre de la semaine en quatre jours aux agents occupant « des postes non télétravaillables », par souci d’équité avec les agents qui ont la possibilité de travailler à distance

Exemple :
À la Métropole de Lyon, une expérimentation a été menée en 2024 auprès de 315 agents. Verdict ? 93 % des participants souhaitaient poursuivre l’expérience, mais certains services ont dû être exclus du dispositif en raison de contraintes organisationnelles.

Des effets contrastés sur la qualité de vie et la productivité

L’un des arguments majeurs en faveur de la semaine en 4 jours est l’amélioration de la qualité de vie. Avoir une journée de repos supplémentaire permettrait de mieux gérer ses obligations personnelles et de réduire la fatigue.

Cependant, certaines études nuancent ces bénéfices. D’après le CREDOC, 29 % des parents isolés jugent que l’allongement des journées complique la garde des enfants. De plus, des journées de travail plus longues peuvent entraîner une fatigue accrue et une baisse de vigilance, notamment dans les métiers nécessitant une concentration intense.

Exemple :
À Concarneau, où une expérimentation débutera en 2025, le maire explique : « L’objectif est de mieux concilier travail et vie personnelle, mais nous devons veiller à ne pas imposer un rythme trop intense aux agents. »

Un cadre expérimental avant généralisation

Même si l’on constate qu’en règle générale, peu d’agents sont concernés à ce stade dans les collectivités qui l’ont mise en place comme un des cycles hebdomadaires possibles du temps de travail, la semaine en 4 jours offre une nouvelle modalité d’organisation du travail qui améliore l’attractivité des collectivités territoriales dans un contexte de tension sur le marché de l’emploi. A ce titre, les modalités de mise en œuvre sont larges, il s’agit plutôt d’une semaine modulée que d’une semaine en 4 jours.

En effet, face aux incertitudes, de nombreuses collectivités optent pour des expérimentations avant de généraliser la mesure. Plusieurs modèles sont testés :

  • Semaine de 4 jours fixes (sans réduction du temps de travail)
  • Semaine en 4 jours une semaine sur deux
  • Semaine en 4,5 jours pour lisser l’impact

Ces expérimentations permettent d’évaluer les effets sur la productivité, la qualité du service et le bien-être des agents.

Exemple :
À Grand Lieu Communauté (Loire-Atlantique), une nouvelle organisation du travail a été mise en place : 36h30 réparties sur 4,5 jours, avec 9 jours de RTT. Cette mesure a permis de stabiliser les équipes et de réduire l’absentéisme.

Quelles perspectives pour la Fonction Publique de l’État ?

Si la semaine en 4 jours semble progresser dans certaines collectivités, elle reste encore marginale dans la Fonction Publique de l’État. Toutefois, les réflexions en cours montrent qu’elle pourrait être envisagée sous certaines conditions :

  • Des expérimentations ciblées : Le gouvernement a lancé en mars 2024 une expérimentation sur la semaine en 4 jours dans plusieurs administrations centrales et déconcentrées. Cette démarche vise à analyser l’impact sur la productivité et le bien-être des agents.
  • Une adaptation aux métiers : Certains services, notamment ceux en lien direct avec le public, auront plus de difficultés à adopter ce modèle. En revanche, les services support ou les administrations en télétravail pourraient être plus facilement concernés.
  • Un enjeu d’attractivité : Dans un contexte de tension sur le recrutement, notamment pour les cadres de catégorie A et les métiers spécialisés, la semaine en 4 jours pourrait devenir un levier pour attirer de nouveaux talents.
Conditions de réussite

Pour que la semaine en 4 jours fonctionne dans la FPE, plusieurs éléments sont à prendre en compte :

  • Un engagement clair des ministères et des directions pour tester et évaluer l’impact du dispositif
  • Une concertation avec les organisations syndicales et les agents pour éviter les frustrations. Intégrer ce dialogue social à toutes les étapes du processus.
  • Une prise en compte des contraintes spécifiques de chaque service pour garantir la continuité du service public
  • Une évaluation rigoureuse des effets (absentéisme, satisfaction des agents et des usagers)
Rappel : les demandes de la CFDT dans le cadre d’expérimentations :
La concertation :

Le cadre de l’expérimentation de la semaine en 4 jours doit faire l’objet d’une concertation préalable avec les représentants du personnel et d’une information du Comité social avant d’être rendu public. Des évaluations intermédiaires et un bilan de l’expérimentation devront être menés dans les même conditions, garantes d’un dialogue social de qualité, respectueux des organisations syndicales auxquelles les agents ont accordé leur voix.

Le volontariat :

Dès lors que leur service participe à l’expérimentation, les agents sont libres de choisir d’y participer ou non.

La réversibilité :

Moyennant un délai de prévenance fixé en amont, les agents engagés dans l’expérimentation pourront s’en retirer sans avoir à s’en justifier, et revenir à la semaine de 5 jours.

La transparence :

Les conditions précises de l’expérimentation sont communiquées aux agents en amont de leur choix : horaires de travail, nombre de jours de congés, nombre de jours de RTT. Chaque agent engagé se verra remettre une lettre de cadrage dans laquelle figureront a minima ses horaires de travail, ses jours de télétravail le cas échéant, et le nombre de jours de congés et de RTT auxquels il peut prétendre.

Conclusion

La semaine en 4 jours est une modalité de travail qui suscite un vif intérêt parmi les agents publics et pourrait répondre à plusieurs enjeux : amélioration des conditions de travail, attractivité des métiers, modernisation de l’organisation des services.

Toutefois, elle ne peut pas être appliquée de manière uniforme dans la Fonction Publique de l’État. Son déploiement devra être progressif, adapté aux besoins des services et accompagné d’un suivi rigoureux.

A l’échelle de l’Etat, les premières expérimentations débutées au 3ème trimestre 2024 dans 9 services, permettront d’évaluer si cette organisation est viable à plus grande échelle. Une chose est sûre : la question du temps de travail et de son aménagement continuera d’être au cœur des débats sur l’évolution du service public.

 – – –

Pour mémoire :

Notre dossier d’octobre 2023   » Semaine de quatre jours : mirage ou avancée sociale? « 
par Anne-Sophie Balle, Fabrice Dedieu et Claire Nillus

Article 1 : Un débat (encore) très patronal –  (lundi 09 octobre)
Article 2 : “Dans les fonctions publiques, c’est un sujet qui émerge” – (mardi 10 octobre)
Article 3 : Le temps de travail au menu de la rentrée sociale – (mercredi 11 octobre)
Article 4 : La deuxième métropole de France se lance – (jeudi 12 octobre)

Article 5 : Chez Accenture, un premier bilan plutôt positif – (vendredi 13 octobre)

 – – – – – – – –