Se réapproprier l’esprit de la loi handicap
Publié leÀ l’occasion de l’anniversaire de la loi du 10 juillet 1987 en faveur de l’emploi des travailleurs handicapés, la CFDT cosigne une tribune revendiquant un monde du travail plus inclusif. Après trente-cinq ans de mobilisation sur ce sujet, il reste en effet beaucoup à faire.
Aux côtés de l’Agefiph (Association de gestion du fonds pour l’insertion des personnes handicapées) et d’une vingtaine d’autres signataires engagés pour l’emploi des personnes en situation de handicap, la CFDT cosigne une tribune engagée. Avec un message fort : le handicap est un vecteur de progrès social. « L’inclusion des personnes en situation de handicap constitue un véritable “laboratoire de la diversité”, un cas pratique idéal pour mieux appréhender l’ensemble des problématiques professionnelles liées aux relations humaines, managériales et sociales. »
De fait – sachant que 80 % des handicaps surviennent au cours de la vie professionnelle –, en réduisant les risques de maladies professionnelles, d’absentéisme ou de licenciements pour inaptitude, l’aménagement des postes des personnes en situation de handicap bénéficie à l’ensemble des salariés d’une entreprise. Pourtant, le bilan dans les entreprises est bien en deçà des objectifs de la loi de 1987.
Une loi contraignante mais pas assez incitative
La loi du 10 juillet 1987 a été la première à imposer une contrepartie financière aux établissements ne remplissant pas leur quota d’emplois de travailleurs handicapés, un quota qu’elle a porté à 6 % des effectifs d’une entreprise (contre 3 % auparavant). Pour atteindre ces 6 %, les employeurs ont plusieurs possibilités : emploi direct de travailleurs en situation de handicap, emploi indirect par des contrats de sous-traitance et recours aux entreprises adaptées, établissements ou services d’aide par le travail. Ils peuvent aussi accueillir des stagiaires de la formation professionnelle ou négocier des accords pour investir leur contribution obligatoire dans un programme d’insertion ou de maintien en emploi dans leur entreprise. Mais l’effet incitatif de la loi n’a pas donné tous ses fruits puisque beaucoup d’établissements ont choisi de s’acquitter de leur obligation d’emploi par la seule contrepartie financière.
Ainsi, malgré la loi handicap de 2005 – qui a étendu les dispositions contraignantes de la loi de 1987 à la fonction publique et durci les sanctions financières en cas de non-respect de cette obligation –, malgré la loi du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel, qui impose aux entreprises de plus de 250 salariés la désignation d’un référent handicap, le taux d’emploi des travailleurs handicapés demeure moitié moins élevé que celui des autres actifs : 36 % des personnes reconnues handicapées sont en emploi, contre 64 % dans l’ensemble de la population, et 18 % des personnes reconnues handicapées sont au chômage, contre 10 % de l’ensemble de la population (chiffres du ministère du Travail).
Des chiffres qui stagnent
« Depuis 1987, le taux d’emploi direct dans les entreprises privées a augmenté de 1 % et stagne à 3,5 %. Ça ne bouge pas ! La direction générale du travail estime à seulement 0,8 % l’augmentation des recrutements dans les entreprises qui ont passé des accords agréés », renchérit Pascal Anglade, de la Fédération Communication, Conseil, Culture (F3C-CFDT) et administrateur à l’Agefiph. La CFDT dénonce d’ailleurs l’efficacité toute relative de ces accords. « Ils permettent à une entreprise de s’acquitter de son obligation d’emploi de travailleurs handicapés en adoptant un programme en faveur de ces travailleurs, lequel ne débouche pas systématiquement sur des actions concrètes », poursuit Pascal Anglade.
Qu’il s’agisse d’accords agréés ou d’accords en faveur de l’inclusion des travailleurs handicapés, « leur mise en œuvre est souvent laborieuse », déplore pour sa part Ali Benhadjba, du « Pôle handicap CFDT » de la SNCF. « Une de nos sections a dû ferrailler pour la réintégration d’un agent déclaré inapte parce qu’il a demandé… un tabouret ! » Agent commercial « debout » en gare de Metz, il ne pouvait tenir sur ses jambes toute la journée. Mais le tabouret lui a été refusé, et l’agent a été déclaré inapte. L’intervention de la CFDT lui a permis de réintégrer son poste. « C’est un exemple parmi beaucoup d’autres. Dans certains établissements, il est plus facile de déclarer inapte que d’aménager des postes de travail, en dépit des moyens que l’entreprise ferroviaire consacre au handicap », relève-t-il.
« La situation est encore pire dans des petites ou moyennes entreprises, qui constituent une réserve d’emplois considérable mais ne sont pas toutes assujetties à l’obligation d’emploi et disposent de possibilités de reclassement plus limitées lorsque des salariés développent un handicap au cours de leur vie professionnelle », ajoute Pascal Anglade.
Remobiliser l’ensemble des acteurs
« Aujourd’hui, il est possible de favoriser le maintien dans l’emploi et l’évolution professionnelle des travailleurs en situation de handicap, devenus handicapés ou dont le handicap s’aggrave », rappelle néanmoins la tribune publiée le 6 juillet. « Il faut bien avoir en tête que tout le monde est touché par le handicap dans sa vie et que cette réalité doit irriguer l’ensemble de l’emploi et de la vie active. Nous saluons l’initiative de l’Agefiph de nous unir pour écrire ce texte. Il faut remobiliser les partenaires sociaux, les associations et les institutions sur la question du handicap, confie Catherine Pinchaut, secrétaire nationale chargée du dossier. Il nous paraissait cependant indispensable d’intégrer une référence au dialogue social dans les branches professionnelles, les entreprises et les organisations publiques, à l’égalité d’accès des personnes en situation de handicap à tous les stades de leur formation comme conditions essentielles à leur insertion dans l’emploi et à leur évolution professionnelle. Mais le fait est qu’il reste de gros efforts à faire pour permettre l’accessibilité des locaux et des équipements et l’accompagnement adapté afin que ce droit soit effectif. »
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D’après l’article initialement publié dans Syndicalisme Hebdo
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