Rupture conventionnelle : Retard à l’allumage

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Rupture conventionnelle : Retard à l’allumage (CFDT Finances – 10-02-20)

Le gouvernement, en incluant dans la loi de transformation de la fonction publique une rupture conventionnelle indemnisée, a suscité des attentes chez certains agents. On ignore encore qui pourra en bénéficier.

Instituée par l’article 72 de la loi du 6 août 2019, la rupture conventionnelle entraîne la radiation des cadres des fonctionnaires qui l’acceptent. Elle est compensée par une indemnité non imposable représentant pour une carrière complète entre 10,9 mois de salaire au minimum et 24 mois au maximum. Après la rupture, les agents perçoivent les allocations pour chômage.

L’administration comme les agents peuvent prendre l’initiative de proposer la rupture et les deux peuvent également la refuser. Elle n’est donc pas un droit et l’administration peut la refuser sans avoir à motiver sa décision.

A ce jour, aux Finances, des agents ont déjà déposé des demandes et des entretiens ont eu lieu. Cependant aucune réponse n’a encore été apportée. Le dispositif juridique est complet (voir ci-dessous) et applicable depuis le 1er janvier 2020. Il ne manque plus qu’un guide que la Fonction Publique (DGAFP) est en train de rédiger. Mais l’administration tarde à dire à qui elle veut appliquer la rupture conventionnelle et avec quels moyens.

Pour que les agents sachent s’ils ont une chance de voir leur demande aboutir, pour que les services RH puissent traiter leurs demandes, l’administration doit se fixer une doctrine et elle le fera, ne soyons pas naïfs, à partir de ses choix RH et de ses priorités en matière de réduction des effectifs : quels métiers, quels services, quelles zones géographiques, quels grades, quelles anciennetés des agents ?

D’autre part, la rupture conventionnelle aura un coût et rien n’a été budgété pour le faire. Là encore, l’administration devra se doter d’une enveloppe et choisir les budgets sur lesquels elle sera prélevée. Quels que soient ces choix, l’enveloppe constituera un plafond qui limitera les possibilités de ruptures conventionnelles.

Maintenant que l’exercice de communication politique de la loi de transformation publique est passé, le gouvernement et les ministères doivent prendre leurs responsabilités, se doter de moyens, parler clairement et rapidement aux agents. Pour la CFDT Finances, si la rupture conventionnelle est le mode de négociation individuelle qu’elle prétend être, elle doit prendre en compte les aspirations des agents, y compris dans les secteurs qui ne subissent pas de diminution d’effectifs, et pas seulement les objectifs de l’administration.

Les agents qui demandent ou qui sont visés par une rupture conventionnelle peuvent faire appel, conformément à la loi, à un représentant syndical pour les accompagner lors des entretiens avec l’administration. Les équipes de la CFDT se tiennent à leur disposition pour les défendre et les assister.

Par Damien Leroux

Dispositif juridique :

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Ruptures conventionnelles dans la fonction publique : un “pétard mouillé” en perspective ? (Acteurs Publics – 17-02-20)

Par Bastien SCORDIA

Entré en vigueur dans la fonction publique le 1er janvier dernier, le dispositif de rupture conventionnelle doit encore faire la preuve de son efficacité. Et les incertitudes demeurent en raison du potentiel coût des indemnités versées aux agents souhaitant quitter le secteur public.

Le secrétaire d’État auprès du ministre de l’Action et des Comptes publics, Olivier Dussopt, l’a affirmé lundi 17 février sur CNews : “Plusieurs milliers de demandes de rupture conventionnelle sont aujourd’hui en cours d’examen.” “Au-delà de l’image désastreuse de la fonction publique que donne l’annonce de milliers de demandes, c’est de la pure communication. L’introduction de ce dispositif dans la fonction publique risque de faire l’effet d’un véritable pétard mouillé”, a réagi dans la foulée un directeur des ressources humaines de la territoriale.

Si le cadre réglementaire de ces ruptures conventionnelles est désormais complet et applicable depuis le 1er janvier [cliquez ici pour consulter notre article sur le sujet], plusieurs incertitudes demeurent en effet quant à l’efficacité réelle de ce dispositif prévu par la loi du 6 août dernier de réforme de la fonction publique. Un dispositif qui, pour rappel, est prévu à titre expérimental pour les fonctionnaires (pour une durée de cinq ans) et à titre pérenne pour les contractuels sur des contrats à durée indéterminée (CDI).

Coût des indemnités non budgété 

Le peu d’optimisme des représentants du personnel, responsables des ressources humaines et praticiens du secteur public trouve en particulier ses sources dans les impacts financiers prévisibles du dispositif. Des impacts imputables aux indemnités spécifiques de rupture conventionnelle (ISRC) qui pourront être versées en cas d’accord entre l’agent et son administration [lire notre encadré sur le montant plancher et plafond de ces indemnités]. 

“À ce jour, aux finances, des agents ont déjà déposé des demandes et des entretiens ont eu lieu, cependant, aucune réponse n’a encore été apportée, souligne la CFDT Finances. L’administration tarde à dire à qui elle veut appliquer la rupture conventionnelle et avec quels moyens.” Et d’ajouter que la rupture conventionnelle “aura un coût et rien n’a été budgété”. 

“Là encore, l’administration devra se doter d’une enveloppe et choisir les budgets sur lesquels elle sera prélevée, poursuit cette organisation syndicale. Quels que soient ces choix, l’enveloppe constituera un plafond qui limitera les possibilités de rupture conventionnelle.” 

Indemnisation chômage “en prime”

Le son de cloche est le même dans la fonction publique hospitalière ou dans la territoriale, où l’on estime que la réalisation de ruptures conventionnelles sera encore plus difficile à acter en raison de la diversité des capacités budgétaires des collectivités.

“Je ne crois pas que les employeurs vont se jeter dans ce dispositif aux effets financiers très lourds, notamment pour les petites collectivités”, souligne ainsi Jean-Robert Massimi, directeur général du Conseil supérieur de la fonction publique territoriale (CSFPT).

Mais les craintes sont aussi de mise dans les “grandes” collectivités territoriales. “Il faut éviter des effets d’aubaine, en particulier en accordant des ruptures conventionnelles à des agents qui n’ont pas de véritable projet professionnel”, souligne-t-on ainsi chez France urbaine. Le risque, y ajoute-t-on, est que la collectivité se retrouve aussi à assurer la charge de l’indemnisation, au titre du chômage, de ses anciens agents. Et ce en plus du versement de l’indemnité de rupture conventionnelle.

Question soulevée par le CNEN 

Cette problématique avait notamment été soulevée par le Conseil national d’évaluation des normes (CNEN) dans sa délibération du 28 novembre dernier sur les projets de décret relatifs à la procédure et à l’indemnité spécifique de rupture conventionnelle.

À cette occasion, les membres représentant les élus avaient ainsi fait valoir que l’introduction du dispositif de rupture conventionnelle dans la fonction publique pouvait “représenter une charge financière difficilement soutenable pour certaines collectivités dans la mesure où devront être pris en compte, en plus de l’indemnité de rupture conventionnelle versée, le maintien des droits de sécurité sociale et le versement des cotisations au chômage à l’issue de la radiation des cadres de l’agent”. 

Refus à prévoir 

Il y aura donc forcément des déçus, comme l’a affirmé le secrétaire d’État Olivier Dusssopt ce 17 février : “Les demandes sont examinées, les employeurs vont accorder des ruptures conventionnelles, mais ils vont aussi en refuser, cela fait partie de la règle du jeu”. Un point que Bercy avait aussi fait valoir devant le CNEN en novembre dernier en indiquant “qu’il reviendra toujours à l’employeur territorial de décider si la rupture conventionnelle doit être mise en œuvre”. Le gouvernement avait malgré tout reconnu qu’il pourrait “s’avérer difficile” de refuser la rupture conventionnelle “si la demande vient de l’agent public”.  

“Le seul champ de développement de la rupture conventionnelle risque d’être celui des cas les plus critiques d’agents, ceux avec qui la relation de travail se passe vraiment mal et que les employeurs souhaitent voir partir, et vraisemblablement pas celui des démarches volontaires”, souffle une praticienne de la fonction publique.  Pour rappel, dans son évaluation préalable des articles du projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2020, le gouvernement envisageait 1 000 agents bénéficiaires de l’ISRC en 2020, 1 500 en 2021 et 2 000 en 2022 pour un coût de plusieurs dizaines de millions d’euros [cliquez ici pour consulter notre article sur le sujet]. Les paris sont pris.

Les montants planchers et plafonds prévus pour l’indemnité de rupture conventionnelle 
Comme le stipule un décret du 31 décembre dernier, le montant de l’indemnité spécifique de rupture conventionnelle de la fonction publique ne pourra être inférieur aux montants suivants : un quart de mois de rémunération brute par année d’ancienneté pour les années jusqu’à dix ans ; deux cinquièmes de mois de rémunération brute par année d’ancienneté pour les années à partir de dix ans et jusqu’à quinze ans ; un demi-mois de rémunération brute par année d’ancienneté à partir de quinze ans et jusqu’à vingt ans et trois cinquièmes de mois de rémunération brute par année d’ancienneté à partir de vingt ans et jusqu’à vingt-quatre ans. Quant au montant maximum de l’indemnité, celui-ci ne pourra pas excéder une somme équivalente à un douzième de la rémunération brute annuelle perçue par l’agent par année d’ancienneté, dans la limite de vingt-quatre ans d’ancienneté.

Par Bastien Scordia

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