Retraites : vers une reprise des discussions

Publié le

Lors de son discours de politique générale, François Bayrou n’a pas annoncé la suspension de la réforme des retraites, mais il a bien confirmé l’ouverture de discussions sur le sujet.  La CFDT se tient prête à y participer.

La CFDT réclame la réintégration des quatre facteurs de pénibilité (dont le port de charges lourdes) en cas de nouvelles discussions au sujet des retraites.

Requestionner la réforme des retraites n’est plus un gros mot pour l’exécutif, qui donne des signes d’ouverture en ce sens depuis plusieurs semaines afin d’obtenir un engagement de non-censure du Parti socialiste, des écologistes et du Parti communiste. Mis à part La France insoumise (qui reste opposée à toute négociation avec le gouvernement), la gauche a, elle aussi, évolué dans son vocabulaire. L’abolition de la réforme n’est plus un préalable ; mais elle exige sa suspension pour quelques mois, le temps de trouver un nouveau compromis social.

Le Premier ministre a ainsi annoncé le 14 janvier que les partenaires sociaux auront quelques mois pour proposer des améliorations à la réforme actuelle avec comme contrainte de ne pas créer de dépenses supplémentaires. Afin d’encadrer strictement les travaux des partenaires sociaux, la Cours des comptes se verra confié une mission flash afin de faire « la vérité des chiffres » sur le système de retraite.

Un report de l’âge légal de départ injuste et brutal

La CFDT ne peut que se réjouir de l’évolution actuelle des discussions. Au début du mois de septembre 2024, sur France Inter, Marylise Léon évoquait déjà l’idée d’un gel du report de l’âge légal de départ à 64 ans et l’ouverture de nouvelles discussions. « Nous réclamons une pause de six mois pour trouver un accord qui ne repose pas sur le report de l’âge légal de deux ans », résume Yvan Ricordeau, secrétaire général adjoint de la CFDT et responsable du dossier retraites. Rappelons que la CFDT s’est massivement opposée au report de 62 à 64 ans car il s’agit d’une mesure profondément injuste qui met à contribution les salariés ayant commencé à travailler jeunes et ayant eu souvent les métiers les plus pénibles. Ce report les oblige à rester au travail alors qu’ils ont déjà cotisé le nombre de trimestres nécessaires afin de pouvoir faire valoir leur droit à la retraite. Ce report se révèle particulièrement brutal de surcroît : la génération née en 1963 voit déjà son âge de départ minimal décalé de neuf mois ; et l’âge de départ de la génération 1964 est fixé à 63 ans si la réforme reste en l’état.

Si les discussions devaient reprendre, les partenaires sociaux seraient donc de nouveau en première ligne et face à un défi colossal : se mettre d’accord très rapidement sur quelques grandes mesures qui rendraient notre système plus juste socialement tout en veillant à sa soutenabilité financière. Car il est impossible dans le temps imparti d’imaginer une véritable réforme en profondeur qui conduirait à un système de retraite universel, ce que revendique la CFDT. « L’idée n’est pas d’abroger la réforme, insiste Yvan Ricordeau, mais de revenir sur les 64 ans en prenant en compte des sujets aussi essentiels que la pénibilité, le taux d’emploi des seniors, les polypensionnés (public, privé, indépendant) ou encore les inégalités entre les femmes et les hommes. »

Des pistes d’amélioration du système actuel

En ce sens, la CFDT a d’ailleurs remis à François Bayrou un premier document de travail lors de son entrevue à Matignon, le 7 janvier dernier. Elle y réaffirme son opposition aux 64 ans tout en avançant des pistes très concrètes en vue d’améliorer le système actuel. La CFDT revendique notamment la réintégration dans le C2P (Compte professionnel de prévention) des quatre facteurs de pénibilité exclus en 2017 (charges lourdes, postures pénibles, vibrations mécaniques et agents chimiques dangereux). Elle demande également que les trimestres acquis dans le cadre d’un congé parental d’éducation puissent être pris en considération dans le dispositif carrière longue. Plus globalement, elle souhaite que la situation spécifique des femmes soit mieux prise en compte. Ces dernières souffrent davantage de carrières hachées et de temps partiels imposés. En outre, la CFDT souhaite poursuivre l’harmonisation des droits entre les secteurs public et privé pour que le passage de l’un à l’autre ne soit pas synonyme de perte de droits au moment de partir à la retraite.

« Il ne s’agit pas non plus de nier la question de l’équilibre financier du système ou d’imaginer un possible retour en arrière avant 2014, mais de faire en sorte que les efforts demandés soit mieux partagés entre les salariés, entre les salariés et les entreprises et entre les salariés et les retraités », poursuit Yvan Ricordeau. L’emploi des seniors, par exemple, devrait être au cœur des discussions. C’est d’ailleurs parce que celui-ci est particulièrement bas en France que la question du déficit se pose avec tant d’acuité. « Si la France parvenait à un taux d’emploi des seniors équivalant à celui des pays de l’OCDE, le déficit serait en grande partie comblé. Les entreprises ont donc une responsabilité dans cette situation », complète Thibaut Sellier, le secrétaire confédéral chargé du dossier des retraites.

Un dossier toujours aussi explosif

Le programme des discussions s’annonce donc aussi chargé que complexe. Et le climat politique actuel ne va pas aider à échanger de manière sincère et apaisée. Déjà, des voix se font entendre qui refusent l’idée même d’une nouvelle discussion. La question des retraites est depuis plusieurs années un dossier que l’on dit explosif. Et cela n’est, semble-t-il, pas près de changer.

Par Jérôme Citron
rédacteur en chef adjoint de CFDT Magazine

 – – – – – – – – –