Retraites : les points clés de la réforme qui se précisent et ceux qui restent à trancher
Publié leLe journal Les Échos a publié un article qui fait le point sur la réforme des retraites. A lire ci-dessous.
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Retraites : les points clés de la réforme qui se précisent et ceux qui restent à trancher
La réforme des retraites présentée cette semaine devrait mettre le cap sur le report de l’âge légal de 62 à 65 ans. Au-delà, plusieurs paramètres clés pour son impact sur l’équilibre financier du système de retraites comme pour son acceptation par les Français se précisent.
Le gouvernement compte adapter le dispositif des « carrières longues » promettant un départ anticipé à ceux qui ont commencé à travailler tôt. (Emmanuel Dunand/AFP)
Une retraite minimum à 1 200 euros pour les nouveaux retraités
Le gouvernement promet d’assurer un minimum de pension pour les personnes ayant effectué une carrière complète, à 85 % du SMIC, soit 1 200 euros courant 2023. Pendant sa campagne présidentielle, Emmanuel Macron avait promis cette revalorisation pour les nouveaux retraités mais aussi ceux qui le sont déjà. La revalorisation du « stock » des petites retraites devrait finalement être écartée, indiquent plusieurs sources.
Elle n’est pas si simple à mettre en œuvre, avait prévenu en novembre le ministre du Travail, Olivier Dussopt. Le coût de la mesure, estimé autour de 2 milliards d’euros, a aussi de quoi dissuader. Du côté des syndicats, la question de l’indexation du minimum de pension sera surveillée de très près, avec l’espoir notamment qu’elle puisse évoluer aussi rapidement que le SMIC afin que le seuil des 85 % soit respecté dans le temps.
Des départs anticipés pour les carrières « très longues »
Promettant « une réforme juste », le gouvernement compte adapter le dispositif « carrières longues » offrant un départ anticipé à la retraite à ceux qui ont commencé à travailler tôt et qui ont suffisamment cotisé. Dans un entretien avec les quotidiens du groupe Ebra vendredi, le ministre du Travail a annoncé la création d’un nouveau dispositif pour les « carrières très longues ». Ceux qui ont commencé avant 20 ans pourraient partir quatre ans avant l’âge légal (contre deux aujourd’hui). À condition d’avoir travaillé 9 ou 10 trimestres avant la fin de leurs 20 ans (contre 4 ou 5 trimestres pour les carrières longues actuelles).
Une autre option serait d’offrir un départ anticipé de quatre ans à ceux qui ont cotisé 4 ou 5 trimestres avant la fin de leurs 18 ans. Le gouvernement avait par ailleurs évoqué le projet de resserrer la vis en ne prenant plus en compte les « jobs d’été » dans le calcul des trimestres pour que des personnes effectuant de longues études ne bénéficient plus des carrières longues. Mais cela pourrait être jugé trop pénalisant pour les étudiants ayant besoin de travailler.
La retraite progressive va s’ouvrir à la fonction publique
Le dispositif de retraite progressive en vigueur dans le privé permet à un salarié, à partir de 60 ans, de réduire son temps de travail entre 20 % et 60 % en continuant à cotiser pour la retraite sur son salaire ainsi réduit. La perception d’une partie de sa retraite permet de compenser partiellement la perte de revenu induite par son passage à temps partiel. Le ministre de la Fonction publique, Stanislas Guerini, l’a dit aux fédérations de fonctionnaires et la Première ministre Élisabeth Borne, l’a confirmé il y a dix jours : le gouvernement est « prêt à élargir [le dispositif] à la fonction publique ».
Pour l’instant cependant, aucune précision n’a été donnée sur les conditions de son application. Sachant que le gouvernement ne veut pas créer de système trop coûteux et veut éviter que trop d’agents réduisent en même temps leur durée de travail dans les secteurs qui manquent de bras (santé, éducation). Parmi les questions clés, figure l’âge à compter duquel sera ouvert ce droit.
Les « catégories actives » de la fonction publiques seront préservées
Dès le début de la concertation avec les fédérations de fonctionnaires, le ministre de la Fonction publique, Stanislas Guerini, a assuré que les catégories actives, dont les agents peuvent partir cinq à dix ans avant l’âge légal, ne seraient pas remises en cause. « Leur âge de départ augmentera comme pour l’ensemble des actifs, fonctionnaires compris », a précisé le ministre du Travail, Olivier Dussopt, dans la presse vendredi.
Se pose cependant toujours la question de la durée de service en catégorie active nécessaire pour bénéficier des avantages associés. A titre d’exemple, elle est actuellement de 17 ans pour les aides-soignants et de 27 ans pour les surveillants pénitentiaires.
Les invalides pourraient partir en retraite tôt malgré le report de l’âge
Le gouvernement est resté discret sur le sujet. Selon nos informations cependant, le report de l’âge de départ en retraite ne devrait pas obliger les personnes invalides à attendre plus longtemps avant de partir en retraite, ni les personnes handicapées. Ces dernières peuvent partir, sous condition, à partir de 55 ans. La pension d’invalidité prend fin, quant à elle, à 62 ans, elle est alors remplacée par la retraite au titre de l’inaptitude au travail accordée avec le taux plein même si les conditions de durée d’assurance ne sont pas requises.
Le sujet est surveillé par les assureurs offrant des garanties aux personnes invalides avant leur retraite, sachant que la prise en charge prolongée de ces personnes leur aurait coûté cher. Le fait de ne pas modifier ces curseurs d’âge représenterait à moyen terme un effort de l’ordre de 3 milliards d’euros pour les finances publiques.
Dans la fonction publique d’État, la situation des agents invalides est particulière : ils peuvent être mis à la retraite d’office dès qu’ils atteignent l’âge légal. Mais contrairement au privé, le calcul de leur pension subit alors une décote s’ils n’ont pas travaillé assez longtemps pour bénéficier d’une retraite à taux plein. « Cela ne concerne pas énormément de monde, mais la conséquence financière pour ceux qui le sont est majeure », souligne un syndicaliste. Les fédérations de fonctionnaires demandent donc un alignement sur le régime du privé.
La meilleure prise en compte de la pénibilité reste floue
Pour favoriser l’acceptation de sa réforme, le gouvernement s’est montré prêt à mieux prendre en compte des facteurs contribuant à la pénibilité de certains métiers. Les syndicats y sont très attachés, notamment la CFDT. Celle-ci plaide pour que les personnes portant par exemple des charges lourdes acquièrent des points dans leur compte pénibilité, pouvant donner droit in fine à un départ anticipé en retraite.
Soucieux de ne pas créer une « usine à gaz », le gouvernement a échangé avec les partenaires sociaux sur la création d’un système tenant compte de facteurs de pénibilité dits ergonomiques. Et ce non pas au niveau de chaque travailleur mais à un niveau plus collectif, par exemple par métiers, via des négociations de branche. Ses modalités concrètes sont cependant ardues à définir. Et le fait de tenir compte de ces éléments pour renforcer les possibilités de départs anticipés n’est pas acquis.
Régimes spéciaux : l’âge de fin de la décote pourrait ne pas bouger
Les directions des entreprises concernées (SNCF, RATP, etc.) et le ministère de la Fonction publique regardent le sujet de près. Si le gouvernement insiste sur le fait que le relèvement de l’âge légal concernera tout le monde, y compris les régimes spéciaux et les carrières actives (aides-soignants, policiers, etc.), il n’a pas précisé comment évoluera l’âge de fin de la décote. Pour les salariés du privé et la plupart des fonctionnaires, cet âge, actuellement fixé à 67 ans, ne bougera pas.
Il devrait en être de même pour les régimes spéciaux et les carrières actives. Exemple : pour les conducteurs de TGV, l’ouverture des droits passerait de 52 à 55 ans, mais la fin de la décote resterait fixée à 57 ans. Pour les aides-soignants, l’âge légal de départ passerait de 57 à 60 ans, mais l’âge de fin de la décote serait maintenu à 62 ans. Cet arbitrage, qui doit encore être confirmé, est jugé essentiel pour éviter une trop forte contestation sociale dans les professions concernées.
Solenn Poullennec et Leïla de Comarmond
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