Rencontre avec le ministre Kasbarian : déclaration liminaire CFDT (07 novembre 2024)
Publié leRencontre avec le ministre G. Kasbarian du jeudi 7 novembre 2024, la CFDT a fait une déclaration liminaire.
– – –
Monsieur le Ministre,
C’est peu dire que les semaines qui viennent de s’écouler ont balayé les propos que vous avez pu tenir lors des premiers échanges que nous avions eus dans les jours qui ont suivi votre nomination. C’est peu dire aussi que la succession d’annonces, sur le fond comme sur la forme, a semé la confusion alors que le Premier ministre affirmait son ouverture à un changement de méthode.
Vous avez multiplié les annonces dont aucune n’est positive, ouvrant la porte, voire alimentant, toutes les stigmatisations que l’on pensait d’un autre temps. Des agents publics inutiles dont on pourrait supprimer les postes au prétexte d’une bureaucratie éloignée du public, des agents publics auxquels on peut ne pas accorder d’augmentation salariale en raison de leur poids budgétaire (tout en exhortant les employeurs privés à se préoccuper du pouvoir d’achat), des agents publics dont on ne prend pas la peine de relever l’indice minimum au niveau du SMIC, des agents publics auxquels on ne verse pas la garantie qui limite les pertes de pouvoir d’achat au prétexte qu’elle coûterait cher – et pour cause ! -, des agents publics enfin dont on dénonce les absences, comme si nous signions nous-mêmes nos arrêts maladie, comme si nous mettions sciemment nos collègues et les usagers en difficulté et dont on baisse la rémunération pendant les arrêts maladie. Et sans un mot ni une recherche sur le nombre de maladies contractées en raison des métiers qui sont les nôtres ou des conditions d’exercice qui sont les nôtres.
Bref, oui, les agents publics ont l’impression très concrète d’être les boucs émissaires de la dette.
Et pour finir, ces derniers jours ont ressurgi les propositions telles que la suppression des catégories ou le licenciement qu’il faudrait pouvoir pratiquer à tour de bras alors que vos propos sur le projet de loi de votre prédécesseur avaient été plutôt ouverts lors de nos échanges bilatéraux.
Nous vous avons adressé un courrier commun auquel vous avez rapidement répondu par l’organisation de cette réunion, Monsieur le Ministre. La CFDT attend donc des réponses.
Restons sur le projet de loi. Notre attente est de répondre aux enjeux prioritaires pour les agents, pour les usagers et l’intérêt général du pays en laissant la place la plus large à la concertation et à la négociation collective. C’est ainsi que nous construirons les réponses pour une fonction publique attractive, et pour cela nous vous appelons à renoncer à la méthode qui veut passer par la loi plutôt que par la co-construction. Cette méthode sera indispensable pour retrouver une fonction publique qui attire les effectifs et les talents dont elle a besoin, dont les usagers ont besoin.
Une autre priorité, ce sont bien sûr les rémunérations. La CFDT est consciente de la contrainte budgétaire. C’est un débat à avoir collectivement, et c’est la raison pour laquelle la CFDT propose la mise en place d’une conférence des finances publiques, réunissant notamment les représentants de l’État, des collectivités territoriales et les partenaires sociaux. La réduction des déficits ne doit pas peser essentiellement sur les travailleurs et les plus fragiles qui en paient le prix le plus élevé.
La CFDT se souvient qu’en 2023, plus de la moitié des agents publics étaient éligibles à la prime exceptionnelle de pouvoir d’achat (ce qui veut dire que leur rémunération, primes comprises, est inférieure à 1,8 SMIC ? Donc, pour 2024, la CFDT vous demande de donner les informations en toute transparence : combien d’agents sont privés de la GIPA, à combien s’élèveront leurs pertes de pouvoir d’achat ? C’est cela, l’impact des suppressions de lignes budgétaires à hauteur de femmes et d’hommes.
Nous constatons également combien le manque d’attractivité et les (dizaines de) milliers de postes vacants engendrent des risques pour celles et ceux qui tiennent bon. Car il ne suffit pas d’attirer, il faut aussi fidéliser. Et la fidélisation passe par les perspectives que les employeurs auront la capacité de donner aux plus jeunes : perspectives, perspectives d’évolution professionnelle, amélioration des conditions de travail et de son organisation, meilleure prise en compte des aspirations individuelles dans des cadres collectifs.
Sur ces sujets, la CFDT vous demande donc :
- de tenir une réunion salariale qui traitera aussi de la GIPA et de sa mise en œuvre attendue, et de mettre en œuvre dans la Fonction publique la négociation annuelle obligatoire sur les salaires,
- de reprendre la négociation QVCT au point où la dissolution l’a laissée,
- et enfin d’ouvrir une négociation sur les carrières, les rémunérations, les parcours.
Et maintenant, la dernière de vos mesures : instauration de trois jours de carence et baisse de l’indemnisation des arrêts maladie. La première des attentes de la CFDT serait de voir le gouvernement revenir à la raison en renonçant à cet amendement. Si l’objet est de lutter contre les absences, il ne faut instaurer de mesures qui ne réduiront les dépenses qu’à condition que les agents soient le plus possible absents ! Dans le cas contraire, et reprendre votre argument d’équité avec le privé, alors le monsieur le Ministre, ce qu’il convient de faire sans tarder :
- c’est ouvrir à la négociation la prise en charge de la carence dans le cadre des contrats obligatoires de complémentaire santé et prévoyance
- c’est faire de même pour la compensation des pertes de salaires
- et c’est accélérer la mise en œuvre des contrats déjà négociés sur les versants État et Territorial et mettre immédiatement autour de la table les organisations syndicales qui le souhaitent – et la CFDT en fait partie – pour négocier des avancées absolument indispensables et urgentes pour les agents du versant hospitalier, y compris avec les employeurs hospitaliers.
Enfin, sur le reste de l’agenda social, la CFDT vous épargne d’entrer ici dans le détail de l’ensemble de ce qui nous a été proposé. Quelques points saillants tout de même :
- il est indispensable de construire un nouveau PST et de veiller à ce qu’il soit effectivement mis en œuvre par les employeurs !
- il est indispensable d’ouvrir une nouvelle négociation pour arriver à une égalité réelle entre les femmes et les hommes au travail, y compris en matière de santé tant les travaux scientifiques avancent sur les conséquences des organisations de travail sur la santé des femmes.
Voilà rapidement, monsieur le Ministre. Un dernier mot pour finir. Les enjeux de démocratie sociale ou politique appelle à se donner les moyens de réussir les prochaines élections professionnelles de décembre 2026. Il n’est pas loin d’être déjà trop tard.
La balle est dans le camp du gouvernement qui doit entendre les attentes, les craintes, le manque de reconnaissance, la fatigue mais aussi les propositions et l’engagement sans faille des cinq millions d’agents publics au service de l’intérêt général.
– – – – – – – – –