Rémunération des fonctionnaires au mérite
Publié leEmmanuel Macron l’a confirmé lors de sa conférence de presse à l’Élysée, le 16 janvier : les agents de la fonction publique seront davantage payés au mérite. Cette rémunération des fonctionnaires au mérité sera certainement au cœur de la réforme à venir du secteur public.
Le chef de l’État a en déclaré que «le principal critère d’avancement [dans la fonction publique] devra être, avec l’ancienneté, le mérite». Une volonté présidentielle qui sera concrétisée dans la future réforme de la fonction publique que Stanislas Guérini, ex ministre de la Fonction Publique (que les milieux informés donnent comme reconduit mais simplement en tant que ministre délégué ou secrétaire d’État).
Mais aujourd’hui, une grande partie des employeurs publics pratiquent déjà le système de rémunération au mérite en fonction de l’engagement de leurs agents.
Le point sur les rémunérations actuelles des agents publics
La rémunération de la majorité des quelques 5 millions d’agents publics (fonctionnaires, contractuels et militaires) se décompose en deux parties :
- le salaire de base, appelé «traitement indiciaire», et
- les primes et indemnités, qui constituent – comme leur nom l’indique – la part «indemnitaire» de leur paie.
Le montant du traitement indiciaire est déterminé par des grilles salariales par corps ou cadres d’emploi des 3 fonctions publiques (Etat, hôpitaux, collectivités). Il est donc identique pour tous les agents publics à ancienneté et poste identiques.
Les primes et indemnités (ou régime indemnitaire) ne profitent pas à tous les fonctionnaires (notamment les enseignants) et peuvent, par exemple, permettre à ceux qui en touchent, de prendre en charge leurs frais de logement (indemnité de résidence), rémunérer leurs heures supplémentaires mais aussi récompenser leur «manière de servir», en sorte une reconnaissance du mérite individuel.
La rémunération au mérite dans la fonction publique, c’est combien ?
La principale prime permettant de rémunérer le mérite individuel des agents publics est le «complément indemnitaire annuel» (CIA). Selon la définition de l’administration, c’est «une prime facultative qui tient compte de l’engagement professionnel et de la manière de servir du fonctionnaire». Une forme de rémunération du mérite individuel qui bénéficie à une grande partie des fonctionnaires, et qui représente un certain pourcentage de la paie de ceux la touchent.
Un rapport commandé par l’ex-ministre de la Fonction publique, Amélie de Montchalin, soulignait en mars 2022 que la part du CIA avait vocation à rester «largement minoritaire» pour les fonctionnaires qui perçoivent des primes. En effet, elle ne peut excéder :
- 15% pour la catégorie A (les fonctionnaires les mieux payés),
- 12% pour la catégorie B
- 10% pour la catégorie C (la moins bien rémunérée).
En 2021, l’ensemble des primes et indemnités représentaient environ un quart (23,8%) de la rémunération des fonctionnaires. (voir notre article : Les primes et indemnités représentent un quart du salaire brut des fonctionnaires de la fonction publique)
Pour mémoire, il faut souligner que la grande majorité des primes (comme le CIA) et indemnités ne sont pas prises en compte dans le calcul de la retraite des fonctionnaires.
Une réforme de la Fonction Publique, … vraiment ?
Comme le rappelait dernièrement Mylène Jacquot, la secrétaire générale CFDT Fonctions Publiques, à Acteurs Publics : » la CFDT ne revendique pas un projet de loi. Ce que nous revendiquons, c’est la prise en compte de la parole des agents, de leurs attentes, avec des réponses satisfaisantes de la part de l’ensemble des employeurs. La priorité qui nous remonte du terrain et de nos équipes, c’est le pouvoir d’achat, les salaires, les perspectives de reconnaissance.«
Sur la rémunération au mérite, Mylène Jacquot, toujours à Acteurs Publics, affirmait : « Le mérite, notion à la fois morale et très individuelle, très marqué idéologiquement (y compris de manière fluctuante au fil du temps), est une notion que nous avons du mal à appréhender et à mesurer et surtout, dont on a du mal à jauger objectivement du lien avec le travail. Des dispositifs existent déjà, le RIFSEEP étant composé de deux parts dont l’une, le CIA, est individualisée et liée à l’évaluation de l’agent. Ce dispositif peut certainement être amélioré, mais cette amélioration passe d’abord par une révision de l’exercice d’évaluation lui-même. Quant à la qualité du travail et du service rendu, cela passe par la prise en compte du collectif. Cet aspect est un chantier à ouvrir. « .
Mylène Jacquot qui vient d’avoir un entretien avec l’hebdomadaire Marianne que nous reproduisons ci-dessous.
Mylène Jacquot : « Les fonctionnaires redoutent des augmentations ‘au mérite’ à la tête du client »
Par Laurence Dequay
Pour le premier syndicat des fonctionnaires, être rémunéré davantage au mérite ne constitue pas la priorité des agents de l’État, des hôpitaux et des collectivités territoriales. En revanche, tous souhaitent des augmentations générales, de meilleures carrières et des formations. « Marianne » s’est entretenu avec la secrétaire générale de la CFDT Fonctions publiques, Mylène Jacquot.
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Marianne : Cinq millions de fonctionnaires de l’État, du secteur hospitalier et des collectivités territoriales perçoivent déjà 23 % de leurs traitements sous forme de primes diverses. L’Élysée et Matignon cependant souhaitent augmenter leur part de rémunération « au mérite ». À vos yeux, est-ce le bon levier pour attirer les jeunes ou un piège tendu aux fonctionnaires ?
Mylène Jacquot : Sur la forme, je déplore fortement que les syndicats n’aient pas été concertés en amont sur ce sujet. Car l’exécutif ne nous a toujours pas communiqué le projet de loi d’une vingtaine d’articles que préparait le ministre Stanislas Guérini. La semaine où la CFDT Fonctions publiques devait le rencontrer en bilatérale, notre rendez-vous a été annulé en raison du remaniement gouvernemental…
Sur le fond, rémunérer davantage au mérite les fonctionnaires n’est pas du tout notre priorité. D’abord, je ne pense pas que ce levier attire les jeunes. Toutes les études qui ont été menées le démontrent : ceux qui nous rejoignent recherchent avant tout un métier intéressant, utile à tous, s’exerçant collectivement. Ensuite, selon d’autres enquêtes, des primes trop nombreuses ont plutôt tendance à tuer la motivation des fonctionnaires, car ils n’en discernent plus les critères d’application.
Cependant, depuis des années, la CFDT et d’autres syndicats exigeaient la tenue dans le public de NAO, ces négociations annuelles obligatoires, sur le modèle du privé. Cette perspective devrait figurer dans le projet de loi. Elle ne vous enchante plus ?
Nous réclamons effectivement des NAO… qui aborderaient tous les sujets salariaux : augmentations générales, mesures ciblées, mesures individuelles à l’instar de ce qu’il se passe dans le privé. Et en mode pluriannuel pour l’évolution des carrières et des parcours professionnels. Or, aucun de ces chantiers n’a été ouvert depuis le vote de la réforme des retraites ! De surcroît, nous n’avons aucune perspective de hausse de notre point d’indice en 2024.
De votre point de vue, que doit donc faire l’exécutif pour satisfaire ses agents ?
Logiquement, avant de vouloir rémunérer davantage « au mérite » les fonctionnaires, il faudrait commencer par évaluer correctement leur travail. Or, ce n’est pas du tout le cas aujourd’hui ! Ensuite, nos collègues savent qu’ils doivent se former sur la transition écologique et sur le déploiement de l’intelligence artificielle. Mais si l’on nous parle de former 25 000 agents, à ce jour, seuls les managers ont été épaulés afin d’acquérir ces compétences.
Ce n’est pas tout. Contrairement aux idées reçues, les fonctionnaires ont très envie d’évoluer dans leurs fonctions, mais moins géographiquement. Or ces mobilités entre les différents services n’ont pas été réellement travaillées au niveau des bassins d’emploi. Il faut les négocier avant même d’adopter une loi.
Craignez-vous que des fonctionnaires rémunérés davantage au mérite soient sous pression des élus, notamment dans les collectivités territoriales ?
Naturellement, nos collègues redoutent que leurs augmentations « au mérite » soient décidées de façon discrétionnaire, c’est-à-dire à la tête du client. Avec le risque d’accentuer les inégalités de rémunération de 12 % qui persistent encore, à qualification égale, entre les hommes et les femmes en 2024…
Toutefois, par le passé, les politiques reprochaient surtout aux managers des trois fonctions publiques de ne pas utiliser suffisamment les outils mis à leur disposition pour distinguer leurs agents. Simplement pour mobiliser ces outils, ces cadres doivent disposer d’une marge budgétaire ! Or, Bercy nous annonce vouloir économiser 12 milliards d’euros en 2024 sur la dépense publique…
En augmentant la part des primes dans la rémunération des fonctionnaires, l’État cherche-t-il aussi à économiser sur leurs retraites ?
C’est un sujet que nous allons devoir négocier pied à pied. Une part importante des primes accordées aux agents de l’État n’est en effet pas prise en compte dans le calcul de leur pension à leur départ. Il faut à l’avenir que cela change.
Par Laurence Dequay (Marianne)
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Pour aller plus loin :
- L’article : Mylène Jacquot (UFFA-CFDT) : “Il faut redonner de la perspective aux agents et valoriser les montées en compétences”
- Notre article : Les primes et indemnités représentent un quart du salaire brut des fonctionnaires de la fonction publique)
- Fiche pratique : le régime indemnitaire des fonctionnaires de l’État (RIFSEEP)
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