Réforme des retraites : La pénibilité au cœur des concertations

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Réforme des retraites : La pénibilité au cœur des concertations (22-01-20)

 Par Jérôme Citron et Guillaume Lefèvre (mise à jour 11 février 2020)
  • Depuis le 7 janvier, les concertations se multiplient sur ce sujet sensible.
  • L’un des enjeux est d’obtenir la reconnaissance de dix critères alors que le projet de loi n’en compte que six.
  • Dans le public, la reconnaissance de la pénibilité va s’élargir à de nouveaux agents

Après l’épisode « âge pivot », place à la pénibilité. Dans le projet de loi actuel, le dispositif pénibilité proposé est calqué sur ce qui existe aujourd’hui pour les salariés du privé. Il est étendu à l’ensemble de la fonction publique.

Le dispositif actuel

Chaque salarié dont le travail répond à l’un des six critères reconnus (milieu hyperbare, températures extrêmes, bruit, travail de nuit, travail en équipes successives alternantes et travail répétitif) acquiert des points (qui ne sont pas des points retraite !) dans un compte baptisé C2P (compte professionnel de prévention). Ces points peuvent ensuite se transformer en dispositif de formation afin d’accompagner une transition professionnelle, en temps partiel de fin de carrière ou en départ anticipé à la retraite (au maximum deux ans avant l’âge légal).

Les salariés ayant une incapacité reconnue de 20 % peuvent également partir à la retraite plus tôt ainsi que les salariés à 10 % qui peuvent prouver qu’ils ont été exposés à la pénibilité pendant au moins dix-sept ans au cours de leur carrière. Dans le futur système, tous les salariés concernés bénéficieraient d’un décalage de deux ans sur l’âge légal et sur l’âge d’équilibre.

Les multiples enjeux des concertations

L’enjeu des concertations en cours est donc multiple. Il s’agit à la fois de peser pour améliorer la prise en compte de la pénibilité dans le nouveau système, de s’assurer que les droits acquis dans la fonction publique au titre de la catégorie active sont bien pris en compte dans la période de transition entre les deux systèmes et d’obtenir des avancées dans le système actuel, c’est-à-dire pour les salariés nés avant 1975. La CFDT revendique notamment l’extension du dispositif aux quatre autres critères de pénibilité qui avaient été reconnus en 2010 mais qui ont été retirés du dispositif pénibilité en 2017 : charges lourdes, postures pénibles, vibrations mécaniques et agents chimiques dangereux.

Le gouvernement poussé à revoir sa copie

Les discussions en cours consistent notamment à déterminer comment identifier les salariés exposés à ces facteurs et ainsi amener le gouvernement à revoir sa copie. Le Medef avait en effet obtenu du gouvernement leur retrait – au motif que le dispositif prévu en 2010, très individualisé, constituait une « usine à gaz » impossible à mettre en place dans chaque entreprise. « L’abandon des quatre critères en 2017 a vidé le système d’une grande partie de sa pertinence. Environ 500 000 salariés ont été exclus du dispositif, insiste Catherine Pinchaut, secrétaire nationale chargée de la santé au travail. Cette réforme est l’occasion de pousser le gouvernement à aller plus loin. »

L’enjeu est énorme : au total, entre un et deux millions de salariés, tous régimes confondus, seraient susceptibles de prendre leur retraite de manière anticipée en fonction du nombre des critères et des seuils retenus.

jcitron@cfdt.fr

Reconnaître la pénibilité dans la fonction publique

« L’extension du compte professionnel de prévention (C2P) à la fonction publique est une avancée certaine pour les agents et salariés concernés », expliquait Mylène Jacquot, secrétaire générale de la CFDT-Fonctions publiques, à la sortie d’une réunion bilatérale organisée dans le cadre des concertations prévues par le projet de loi retraite. « C’est un début. Il faut aller plus loin ! » Alors que l’article 33 de l’avant-projet de loi sur les retraites prévoit l’extension du bénéfice du C2P aux agents des services publics, l’ensemble des organisations syndicales étaient invitées à présenter leurs revendications en la matière au secrétaire d’État Olivier Dussopt. La plupart ont refusé cette invitation ou ont adressé une fin de non-recevoir tandis que la CFDT a pris ses responsabilités, profitant de ce rendez-vous pour afficher ses ambitions.

Ce qu’elle demande ? L’ouverture d’un compte pénibilité à l’ensemble des agents exposés, dans les trois versants de la fonction publique, quel que soit le statut, et indépendamment de la taille des établissements. Et la réintégration des quatre critères de pénibilité retirés du C3P en 2017 (postures pénibles, port de charges lourdes, vibrations et risque chimique). Le ministre a d’ores et déjà affirmé qu’il n’y aurait pas de retour aux quatre critères. Il n’empêche, la CFDT poussera à tous les niveaux pour avancer sur la définition et la mesure de nouveaux facteurs. « Il est nécessaire de revoir les seuils d’exposition sur chacun des critères. Il est aussi nécessaire de revoir certains planchers, comme sur le travail de nuit », avertit la CFDT-Fonctions publiques, qui souhaite enfin l’adaptation des seuils pour les personnels à temps partiel ou non complet.

Transition entre la catégorie active et le compte pénibilité

Autre sujet de préoccupation des agents : la disparition annoncée de la catégorie active, c’est-à-dire les emplois qui présentent un risque particulier ou des fatigues exceptionnelles pouvant justifier d’un départ anticipé à la retraite (aide-soignant, égoutier…). Une mesure qui concerne près de 500 000 agents (hors personnels en uniforme). « Pour nous, les droits acquis par les agents en catégorie active nés après 1975 doivent être retranscrits dans le nouveau système. Nous n’accepterons pas que ces années soient perdues ! » Alors que les échéances vont se succéder à un rythme effréné, la CFDT-Fonctions publiques se veut particulièrement vigilante pour que cette concertation ne reste pas sans suite et que les agents ne soient pas perdants. Elle y veillera, en lien avec la Confédération. « Aujourd’hui, la prise en compte de la pénibilité dans la fonction publique n’est pas à la hauteur. Il est enfin temps de mieux reconnaître la pénibilité pour celles et ceux qui la subissent. »

glefevre@cfdt.fr 

photo © N.Tavernier/ RÉA