Recours au contrat et rémunérations : le ministre précise les intentions du gouvernement
Publié leRecours au contrat et rémunérations : le ministre précise les intentions du gouvernement (30-10-18)
Mardi 30 octobre le secrétaire d’État en charge de la Fonction publique a précisé, lors d’un point d’étape sur les chantiers consacrés « au recours accru au contrat, à l’individualisation de la rémunération et à l’accompagnement renforcé des mobilités et transitions professionnelles des agents publics ».
Cette réunion s’est tenue le lendemain de la deuxième séance du Comité interministériel de la transformation publique (CITP) et le surlendemain des déclarations du ministre Darmanin qui a annoncé à la radio la généralisation du contrat dans la Fonction publique « en totale contradiction » avec le compte rendu du CITP et les précisions apportées par Olivier Dussopt mardi 30 octobre (voir l’article d’Acteurs publics sur ce sujet).
Le recours au contrat restera encadré
Si l’on est loin de la généralisation du contrat dans la Fonction publique comme l’affirmait dimanche 28 octobre le ministre Darmanin, le secrétaire à la Fonction publique a rappelé l’ambition du Gouvernement d’étendre largement le recours au contrat sur les emplois permanents de la fonction publique, quel que soit le niveau de l’emploi, tout en améliorant parallèlement les conditions de recrutement et d’emplois des agents contractuels.
L’occupation des emplois permanents par des fonctionnaires n’est pas remise en cause (l’article 3 de la loi statutaire ne sera pas modifié), mais les dérogations à ce principe, qui existent déjà, seront significativement élargies de manière à permettre aux employeurs publics de recruter des agents contractuels. Le compte-rendu du CITP précise clairement que l’élargissement du recours au contrat visera « en particulier pour les métiers ne présentant pas de spécificités propres au secteur public ».
S’agissant du recours au contrat sur les emplois de direction de la Fonction publique, qui visent à permettre d’embaucher sans distinction titulaire ou contractuel sur ces postes, initialement prévues dans le projet de loi pour la Liberté de choisir son avenir professionnel, seront également reprises dans le cadre du projet de loi relatif à la Fonction publique.
Les rémunérations : création d’un bonus sur objectifs individuels et collectifs
Le Gouvernement a l’intention d’instaurer un « bonus annuel » pour toutes les catégories hiérarchiques, corps ou cadres d’emploi, grâce notamment à une évolution des modalités de mise en oeuvre du régime indemnitaire actuel (RIFSEEP). Ce bonus devra représenter une part minimale de la rémunération, dont le niveau reste à arrêter. Les modalités d’attribution de ce bonus, notamment la répartition entre objectifs individuels et collectifs, et son financement seraient définies par l’employeur après concertation avec les organisations syndicales représentatives.
Accompagnement des mobilités et des transitions professionnelles
Le Gouvernement envisage de mettre en place des dispositifs, soit nouveaux soit en améliorant ceux existants, en cas de transitions professionnelles. En langage clair, il s’agit des agents qui suite à la réorganisation de leur service verraient leur poste supprimé et seraient dans l’obligation soit d’une mobilité géographique, soit d’une reconversion professionnelle, soit les deux. Les dispositifs :
- Les règles de mutation en cas de suppression d’emploi seront clarifiées et améliorées dans les trois versants de la fonction publique. Les agents de l’Etat qui ne peuvent être reclassés dans leur service ou ministère bénéficieront d’une priorité locale d’affectation sur les emplois vacants localement, mise en oeuvre sous l’égide du préfet de région.
- Celles et ceux qui souhaiteront changer de métier, et pour lesquels un débouché nécessitant une formation aura été identifié, pourront bénéficier d’un congé de transition professionnelle avec maintien de la totalité de la rémunération contre 85 % du traitement indiciaire dans le cadre de l’actuel congé de formation.
- Pour les agents de l’État, les indemnités d’accompagnement à la mobilité seront harmonisées et améliorées : le plafond de la prime de restructuration de service (PRS) sera porté à 30 000 €, contre 15 000 € aujourd’hui et le complément prévu pour le conjoint sera porté à 7 000 € (augmentation de 15 %) ; en cas de rémunération moins élevée dans le nouveau poste, le différentiel sera pris en charge par l’administration d’origine, pendant une période maximale de 6 ans (3 ans renouvelables une fois) et ce sans dégressivité, contrairement à aujourd’hui.
- Les règles de détachement seront revues pour accompagner les cas d’externalisation de services.
- Les agents souhaitant démissionner pour travailler dans le secteur privé, l’indemnité de départ de volontaire (IDV) sera accessible jusqu’à 2 ans du départ à la retraite, contre 5 aujourd’hui, et donnera droit aux allocations chômage ; – Un dispositif passerelle sera proposé aux agents, sous la forme d’une mise à disposition individuelle pour une durée maximale d’un an, quel que soit le statut juridique de l’entreprise privée, cumulable avec le bénéfice de l’IDV, ce qui leur donne un droit de retour.
Pour accompagner ses transitions professionnelles dans le cadre des restructuration de services de l’État, un pilotage fonction publique sera assuré. Une mission de préfiguration va être lancée et remettra ses conclusions au 2nd semestre 2019. Elle s’appuiera sur des plateformes régionales d’appui à la gestion des ressources humaines (PFRH) renforcées, sur un partenariat avec Défense mobilité et des coopérations avec les acteurs RH des deux autres versants de la fonction publique (Centre National de la Fonction Publique Territoriale, Centres de Gestion, Association Nationale pour la Formation permanente du personnel Hospitalier, etc.). Cette mission pourra évoluer à terme sous la forme d’une agence dédiée.
Ces mesures d’accompagnement RH seront mobilisables en 2019 : dès le 1er janvier 2019 pour ceux nécessitant seulement des évolutions réglementaires, et au 2nd semestre 2019 pour ceux nécessitant des évolutions législatives à prévoir dans le cadre du projet de loi « fonction publique ».
Les déclarations de la CFDT
Monsieur le Ministre
Le gouvernement a annoncé hier ses mesures visant à « alléger le fonctionnement de l’État et des services publics » lors du CITP, Comité interministériel la transformation publique.
En réalité, la CFDT Fonctions publiques craint que les annonces aient pour conséquence d’alléger voire d’amputer les missions de la Fonction publique plus qu’à améliorer les services rendus aux usagers en mettant en oeuvre des politiques publiques ambitieuses.
Sur la méthode et le calendrier, la CFDT attend que le projet de loi fasse l’objet d’un nouveau temps d’échanges et de travail en amont de la réunion des instances, d’autant que celles-ci auront à être renouvelées.
Sur le report de la concertation consacrée aux recrutements, dont les concours, nous souhaitons qu’ils soit l’occasion de traiter au fond le sujet.
Enfin, sur la négociation sur l’égalité entre les femmes et les hommes, la CFDT partage la nécessité d’inscrire sa conclusion dans le cadre législatif qui est celui de la loi de 2010.
Pour faire la transition entre le contexte et les sujets de fond, force est de reconnaître que les propos tenus par le ministre de l’Action et des comptes publics ce dimanche ne sont pas de nature à favoriser le climat propice à une concertation sereine, qui permette aussi de dresser l’inventaire de nos désaccords.
Car des désaccords, il y en a. Le gouvernement a, certes, écarter l’idée de la généralisation du recours au contrat mais l’élargissement tel qu’envisagé, doublé d’un pilotage par la masse salariale, continue de susciter des inquiétudes très vives. Il appartiendra au gouvernement d’assumer non seulement ses choix mais les conséquences de ses choix.
Contractuels : de manière constante, la CFDT pense nécessaire de poursuivre le travail sur les conditions d’emploi, sur la sécurisation des parcours des agents contractuels, sur les conditions d’évolution de leur rémunération ainsi que sur les garanties qui encadreront les « contrats de chantiers ». Car, quels que soient nos désaccords, la CFDT continuera de défendre les agents et de faire des propositions en ce sens.
Sur les rémunérations, la CFDT a eu l’occasion d’exprimer non seulement ses désaccords mais aussi sa colère car les scénarios qui nous ont été soumis, il y a seulement quelques jours, relevaient de la provocation. La CFDT a entendu qu’au moins une partie de ses expressions a été retenue. Très clairement, le sujet mérite d’être précisé. Les déclarations très idéologiques mélangeant mérite et individualisation le tout sur fond de réforme des retraites sont bien loin de créer les conditions d’échanges constructifs. Monsieur le ministre, vous l’avez dit, les enjeux sont bien complexes et sensibles, et la proposition de donner davantage de temps à nos travaux est bienvenue. Elle devra être respectée.
Sur les accompagnements des transformations, nous avons bien noté que les mesures que vous annoncez ne concernent que les agents de l’État et que des concertations spécifiques auront lieu pour les deux autres versants, territorial et hospitalier. Mais on ne peut envisager de construire des possibilités de mobilités inter-versants sans une part de discussions transversales. Et la CFDT entend la création d’un fonds interministériel. Elle formule le souhait que les employeurs territoriaux et hospitaliers soient capables d’en faire de même.
La CFDT est attachée aux deux temporalités indispensables. D’une part, la transformation ne se mène pas par à-coups calqués sur les calendriers politiques mais bien sur le long terme. Il convient donc de construire des accompagnements, notamment en matière de formation et de parcours, en continu.
D’autre part, concernant les agents impactés par des restructurations, la création d’une agence de reconversion suscite de nombreuses interrogations. Quels seront ses moyens, ses prérogatives, son statut, son articulation avec les services RH ministériels ? Les solutions à trouver seront-elles construites dans un cadre collectif ? Les agents auront-ils les moyens de construire un nouveau projet professionnel qui tiendra compte de leurs souhaits ? Bénéficieront-ils d’un conseil en évolution professionnelle à hauteur des enjeux ? Quels dispositifs d’accompagnement seront proposés ?
Les mobilités devront être accompagnées, construites de manière éclairée avec les agents eux-mêmes. Vous posez la question de la place du dialogue social et des représentants des agents. La CFDT l’a déjà dit, elle vous le redit : les organisations syndicales représentatives devront être associées à la mise en oeuvre et au suivi des reclassements et mobilités. Sur la question des départs volontaires, avant la question du chômage, nous souhaitons poser la question de la période et des dispositifs de conseil en évolution professionnelle dont l’agent disposera avant de faire son choix.
Pour finir, avant que la concertation connaisse une trêve électorale, et quels que soient ses craintes ou ses désaccords sur les décisions de restructurations, la CFDT Fonctions publiques est bien décidée à rester mobilisée aux côtés des agents qu’elle représente.
Réponses du ministre
Il a confirmé que l’emploi contractuel ne se substituera pas à l’emploi titulaire.
S’agissant de la rémunération, il a déclaré que ce ne sera pas un jeu à somme nulle (on ne prendra pas aux uns pour donner aux autres).
Lors d’une restructuration de service, les instances de dialogue seront obligatoirement consultées. Au-delà, il est favorable à ce que les représentants des agents soient davantage associés au suivi et la mise en oeuvre des plans d’accompagnement.
Sur l’agence : ce sera un moyen de ne pas laisser les agents dans un tête-à-tête singulier avec leurs employeurs.
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En pièces jointes ci-dessous :
- l’article ci-dessus au format PDF
- le communiqué de presse du secrétaire d’Etat Olivier Dussopt
- L’article de Acteurs Publics sur les déclarations du ministre G. Darmanin