A la recherche de l’attractivité perdue …
Publié leArticle publié le 10-12-24, modifié le 12-12-24 à 00h15
Les ministres se suivent en tenant les mêmes discours, mais le malaise persiste : l’attractivité de la fonction publique traverse une crise d’une ampleur inédite, mettant en péril l’avenir des services publics en France.
A découvrir dans le rapport de France Stratégie (Déc 2024), sur la crise d’attractivité de la fonction publique.
A la recherche de l’attractivité perdue …
Si le désintérêt pour le statut FP n’est pas nouveau, cette désaffection semble s’installer dans la durée, menaçant un secteur qui emploie 5,6 millions de personnes, soit un actif sur cinq. Pourtant, ce désamour n’est pas irréversible. Dans un rapport publié le 9 décembre, intitulé « Travailler dans la fonction publique : le défi de l’attractivité », France Stratégie (organisme rattaché au Premier ministre) dresse un état des lieux alarmant mais propose également des solutions concrètes. Ce document, fruit de dix-huit mois de réflexion, offre un panorama inédit des ressorts d’un malaise touchant l’ensemble des métiers et des versants de la fonction publique – État, territorial et hospitalier.
Loin des réformes controversées portées par les ministres successifs – Stanislas Guerini prônant, entre 2022 et 2024, la suppression des catégories A, B et C, ou Guillaume Kasbarian, plus récemment, souhaitant augmenter la carence à 3 jours et baisser les indemnités maladie des agents publics – le rapport de France Stratégie appelle à consolider les avantages spécifiques du statut. Il préconise notamment de « combiner la garantie de l’emploi avec des perspectives d’évolution et de progression ». Augmentations salariales, amélioration des conditions de travail, et mise en avant des spécificités positives de l’emploi public figurent parmi les pistes explorées pour enrayer une spirale descendante.
Ce constat, qui fait écho aux revendications syndicales de longue date, appelle les décideurs à agir de manière urgente mais structurée pour répondre à une crise qui s’étend depuis plus d’une décennie.
Voici une synthèse du contenu du rapport de France Stratégie ainsi que des pistes d’analyse.
Contexte et diagnostic : une crise structurelle
Le rapport met en évidence une crise d’attractivité durable et multidimensionnelle de la fonction publique française, affectant ses trois versants : État, territoriale et hospitalière. Les principaux constats incluent :
- Baisse des candidatures : 15 % des postes aux concours de la fonction publique d’État sont restés vacants en 2022.
- Concurrence accrue avec le secteur privé : Une meilleure dynamique salariale et des perspectives de carrière attractives dans le privé ont détourné les jeunes diplômés.
- Conditions de travail dégradées : En particulier dans les métiers en tension (soins, éducation, administration), ce qui affecte l’attractivité et la rétention des agents.
Les raisons de la crise
- Facteurs structurels :
- Vieillissement de la population dans la fonction publique.
- Contraction des viviers de recrutement, notamment dans les filières universitaires traditionnelles.
- Érosion des avantages perçus :
- La garantie de l’emploi, jadis un atout majeur, est désormais perçue comme un frein potentiel à la mobilité et à l’épanouissement.
- Salaires moins compétitifs par rapport au secteur privé.
- Défis organisationnels :
- Bureaucratie rigide et concours déconnectés des réalités des métiers.
- Manque de reconnaissance et tensions croissantes avec le public.
Propositions et leviers d’action
Pour restaurer l’attractivité, le rapport recommande :
- Revaloriser l’image de la fonction publique :
- Promouvoir ses valeurs fondamentales : service public, utilité sociale, stabilité.
- Déconstruire les idées reçues sur les métiers et mieux communiquer sur les conditions réelles d’exercice.
- Améliorer les conditions matérielles et symboliques :
- Renforcer les salaires, notamment pour les métiers en tension.
- Faciliter l’équilibre vie professionnelle/vie personnelle en valorisant la flexibilité organisationnelle.
- Réformer le recrutement et les carrières :
- Moderniser les concours pour les rendre plus accessibles et attractifs.
- Mieux valoriser les opportunités de progression et de formation continue.
- Adapter les stratégies aux spécificités locales et sectorielles :
- Répondre aux besoins spécifiques des territoires et des métiers les plus en difficulté.
Analyse critique
- Force du rapport :
- Une analyse transversale et approfondie, combinant données qualitatives et quantitatives.
- Une vision équilibrée entre diagnostic et pistes de solutions.
- Limites :
- Nécessité d’un suivi concret : les propositions restent générales et nécessitent des déclinaisons opérationnelles précises.
- Enjeu de financement : les revalorisations salariales et les réformes structurelles demandent un engagement budgétaire significatif.
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Le rapport conclu (page 32 de la synthèse du rapport) :
Pour rendre ces métiers à nouveau attractifs, l’action publique devra combiner :
- un discours de revalorisation de la fonction publique, qui passe à la fois par la reconnaissance de la diversité et de la spécificité de ses versants – missions et métiers – et par celle de son sens propre, celui du service de l’intérêt général dans une société en mutation ;
- une action pour mieux faire connaître les atouts de la fonction publique, pour déconstruire les perceptions erronées et améliorer la transparence sur ses conditions d’exercice et la visibilité de ses carrières ;
- une consolidation des avantages à travailler dans la fonction publique pour en faire des arguments d’attractivité : combiner la garantie de l’emploi avec des perspectives d’évolution et de progression, valoriser les possibilités de maîtrise du temps de travail et de son organisation pour répondre à la demande de conciliation des temps professionnels et personnels, renforcer la reconnaissance, y compris salariale, pour (re)donner les moyens aux agents de faire leur travail et de satisfaire leur volonté d’être utiles.
- la pleine réussite de ce chantier suppose enfin d’associer les agents et leurs représentants pour s’appuyer sur leur aspiration à servir et leurs propositions pour relever ce défi.
En conclusion, le rapport de France Stratégie souligne un défi majeur pour la pérennité des services publics, appelant à une mobilisation collective pour redonner sens et attractivité à la fonction publique.
Pour la CFDT il est important que les responsables politiques arrêtent immédiatement le « fonctionnaires bashing« . Cela a pris une ampleur démesurée depuis quelques mois. Les attaques médiatiques répétées présentant les agents publics comme des bureaucrates, des fainéants, des tire-au-flanc, ont durablement endommagé l’image de la fonction publique. Les déclarations du ministre Kasbarian (dénigrement permanent de ces propres agents !) ou encore la récente sortie de Nicolas Sarkozy, affirmant que les enseignants ne travailleraient que « 24 heures par semaine » et « six mois dans l’année« , illustrent à quel point ce discours de dénigrement est devenu systématique.
Le rapport de France Stratégie consacre un chapitre à ce « fonctionnaires bashing » (Cf à partir de la page 226 du rapport), pratique relayée par certains médias, qui contribue aussi largement au déficit d’attractivité de la fonction publique (voir ici l’article de Marianne sur son site web).
Par UFETAM-CFDT
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Pour aller plus loin :
Nos articles :
- L’attractivité de la fonction publique en question – (24-03-23)
- Fonction publique : une politique de rémunération à revoir d’urgence ! – (11-04-23)
- Une « indexation des salaires » s’impose pour maintenir l’attractivité de la fonction publique – (19-01-23)
- Conférence sur les perspectives salariales de la Fonction publique – Contribution de la CFDT – (24-03-22)
- Attractivité de la Fonction Publique : Groupe de travail du 20 octobre 2020 – Bilan d’étape – (20-10-20)
Autres articles :
- Le think tank « Sens du service public » a publié un communique de presse le 11 décembre 2024.
- Article de Marianne du 10-12-24 au format PDF sur le « fonctionnaires bashing »
Source :
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