Projet de loi “Fonction publique” : les modifications apportées par les sénateurs
Publié leProjet de loi “Fonction publique” : les modifications apportées par les sénateurs (Acteurs Publics – 12 juin 2019)
Les sénateurs examineront le projet de loi « Fonction Publique » à compter du mardi 18 juin. Aujourd’hui les sénateurs, en commission des lois, ont proposés des amendements au texte voté par l’Assemblée Nationale le 28 mai. Acteurs Publics, dans son édition du 12 juin, fait un tour d’horizon des changements.
L’article d’Acteurs Publics (par Bastien SCORDIA)
Mercredi 12 juin, le Sénat a adopté en commission des lois plus de 150 amendements au projet de loi de réforme de la fonction publique. Tour d’horizon.
Un examen sur les chapeaux de roues. Dans la matinée du mercredi 12 juin, la commission des lois du Sénat a examiné l’ensemble des 430 amendements déposés sur le texte, dont l’examen en séance est prévu à partir du 18 juin. Au total, 150 amendements environ ont été adoptés par les sénateurs. “Bien qu’il ne traduise pas une réelle vision de l’action publique, ce projet de loi comporte une palette d’outils pouvant permettre une meilleure gestion des ressources humaines”, expliquent les rapporteurs du projet de loi, Catherine Di Folco (app. LR) et Loïc Hervé (UC). Passage en revue, dans l’ordre de discussion du texte, des principaux amendements adoptés en commission par les locataires du Palais du Luxembourg.
Les compétences des CAP rétablies. La commission des lois a adopté un amendement des rapporteurs qui prévoit que la compétence des commissions administratives paritaires (CAP) soit réintroduite en matière d’avancement et de promotion pour les trois versants de la fonction publique. L’amendement en question prévoit également que la compétence de la CAP est réintroduite dans la fonction publique d’État et la fonction publique hospitalière pour certaines décisions relatives à des fonctionnaires dont l’emploi a été supprimé. Il prévoit enfin la subsistance de l’avis de la CAP en matière de transferts de fonctionnaires territoriaux.
L’ordonnance relative au dialogue social supprimée. “Clarifier les conditions et la portée des accords dans la fonction publique est un objectif louable. Néanmoins, ni le caractère technique des mesures envisagées, ni leur caractère d’urgence ne justifient le recours à la législation par ordonnances”, expliquent les rapporteurs dans leur amendement adopté tendant à supprimer la demande d’habilitation formulée par le gouvernement pour légiférer par ordonnances afin de favoriser, aux niveaux national et local, la conclusion d’accords négociés dans la fonction publique. Une habilitation qui figure à l’article 5 du projet de loi. Des amendements de suppression identiques déposés par les groupes Communiste, républicain citoyen et écologiste (CRCE) et Socialiste et républicain ont également été adoptés.
Garantie qu’un emploi public ne peut être réservé à un contractuel. Un amendement du groupe Socialiste et républicain a été adopté en ce sens afin de généraliser cette garantie aux trois versants de la fonction publique. Pour l’instant, elle ne figurait que dans la loi statutaire relative à la fonction publique territoriale.
Exit la définition des missions des DGS. Introduite par l’Assemblée nationale, la disposition du projet de loi visant à habiliter le Premier ministre à réglementer par décret les attributions du directeur général des services (DGS) des collectivités “constituerait une grave atteinte la libre administration des collectivités comme aux prérogatives des organes exécutifs locaux”, expliquent les rapporteurs dans leur amendement (adopté) supprimant ladite disposition. Conférer aux DGS des “pouvoirs propres ne ferait que renforcer le poids de la technostructure au détriment de l’autorité élue”, argumentent-ils.
Le périmètre des contrats de projet rétabli. Les sénateurs ont adopté un amendement des rapporteurs pour étendre à tout type d’emploi le recours au contrat de projet, et donc supprimer sa limitation aux emplois de catégorie A ou B, qui avait été adoptée par l’Assemblée nationale contre l’avis du gouvernement et de la commission des lois.
Élargissement accru du recours aux contractuels dans la territoriale. Plusieurs amendements ont été adoptés en ce sens par les rapporteurs. Des amendements des rapporteurs eux-mêmes, mais aussi de sénateurs de la majorité sénatoriale, relèvent ainsi de 1 000 à 2 000 habitants la population maximale des communes habilitées à pourvoir l’ensemble de leurs emplois par voie de contrat. A également été actée l’extension à tous les emplois, quelle que soit la catégorie dont ils relèvent (et non aux seules catégories A et B), la faculté pour les employeurs publics locaux de les pourvoir par contrat. Un autre amendement des rapporteurs étend quant à lui “les cas où un employeur territorial peut recourir à un agent contractuel pour remplacer temporairement un fonctionnaire indisponible”.
Encadrement du recours aux contractuels à l’État. Deux amendements des rapporteurs ont été adoptés en ce sens. Le premier afin de supprimer l’extension du recours au contrat à tous les emplois des établissements publics à caractère administratif de l’État. Le second amendement vise quant à lui à supprimer la disposition “déraisonnable” du projet de loi ouvrant au recrutement par contrat l’ensemble des emplois de la fonction publique de l’État “ne nécessit[ant] pas une formation statutaire donnant lieu à titularisation dans un corps de fonctionnaires” .
Réduction du champ de la prime de précarité. Les sénateurs ont adopté un amendement des rapporteurs limitant, dans la fonction publique hospitalière, le droit à une indemnité de précarité aux seuls agents recrutés à “titre permanent sur des emplois permanents”. “Afin d’assurer la continuité des soins, les hôpitaux n’ont d’autre choix que de recruter des agents contractuels pour remplacer des agents absents, faire face à une vacance d’emploi ou à un accroissement temporaire d’activité, expliquent-ils. Vu l’état de leurs finances, il est à craindre que l’institution d’une prime de précarité ne les conduise à renoncer au renfort de contractuels dans de telle situations, ce qui serait dangereux pour les patients.” Un amendement identique du sénateur LR Jean-Pierre Grand a également été adopté.
Le développement de la rémunération au mérite dans la territoriale acté. Les sénateurs ont adopté un amendement des sénateurs visant “à encourager le déploiement de primes dans la fonction publique territoriale et à mieux reconnaître le mérite des agents”. Objectif : “améliorer” le régime indemnitaire tenant compte des fonctions, des sujétions, de l’expertise et de l’engagement professionnel (Rifseep). L’amendement en question prévoit d’une part de permettre aux collectivités territoriales de valoriser les résultats collectifs du service. D’autre part, le Rifseep “prendrait désormais en compte les spécificités territoriales : les collectivités territoriales les plus enclavées pourraient hausser le niveau de leurs primes pour attirer des agents à fort potentiel”, indiquent-ils. Des “avancées” que l’État pourrait, par voie réglementaire, “étendre” à ses propres agents, poursuivent-ils.
Fusion Commission de déontologie-HATVP : suppression du pouvoir de nomination pour le gouvernement. Les sénateurs ont adopté un amendement des sénateurs visant à supprimer la disposition, introduite en séance à l’Assemblée nationale par le gouvernement, qui prévoit la nomination par décret de 2 personnalités qualifiées dans le collège de la future structure issue de la fusion des deux instances.
Capacité de lobbying restreinte pour les anciens agents publics. Les sénateurs ont adopté des amendements des groupes Communiste, républicain, citoyen et écologiste (CRCE) et Socialiste et républicain interdisant à un représentant d’intérêts d’exercer toute action pour le compte ou auprès d’une personne de droit public dont il aurait été le fonctionnaire ou l’agent public au cours des trois années précédentes.
Plus de temps pour les élus locaux afin de revoir le temps de travail dans leur collectivité. Les sénateurs ont adopté un amendement des rapporteurs visant à donner aux employeurs publics territoriaux “le temps nécessaire” pour organiser la concertation avec les représentants du personnel sur la définition d’un nouveau régime de temps de travail. Ainsi, la fin des régimes dérogatoires à la durée annuelle de travail de 1 607 heures dans la fonction publique territoriale devrait, selon le souhait des sénateurs, avoir lieu dans un délai de dix-huit mois à compter du renouvellement général des assemblées délibérantes. Et non plus douze mois, comme le prévoit aujourd’hui le projet de loi.
Réforme de la haute fonction publique : la copie du gouvernement réécrite. Un amendement des rapporteurs a été adopté pour revoir le périmètre de l’habilitation à légiférer par ordonnances sur ce point, une disposition figurant à l’article 22 du projet de loi. Le gouvernement, notamment, ne serait pas autorisé, comme le prévoit la rédaction actuelle, à fusionner plusieurs écoles de service public par voie d’ordonnances. Les rapporteurs privilégient en effet la création d’un tronc commun d’enseignements relatifs aux services publics, à la déontologie et aux ressources humaines.
Réforme du modèle financier du Fonds pour l’insertion des personnes handicapées dans la fonction publique (FIPHFP). En ce sens, les sénateurs ont adopté un amendement de Catherine Di Folco et de Didier Marie, auteur d’un récent rapport sur “la politique du handicap dans la fonction publique”, approuvé à l’unanimité par la commission des lois le 22 mai dernier. Cet amendement prévoit ainsi de créer au bénéfice du FIPHFP une contribution financière assise sur la masse salariale des employeurs et d’instaurer un système de bonus-malus pour valoriser les efforts des employeurs les plus vertueux. Pour l’heure, ce fonds est financé par les contributions des employeurs qui ne respectent pas l’obligation légale sur le travail des personnes en situation de handicap. Il est actuellement en difficulté financière.
Par Bastien SCORDIA