Plan de formation de 100% des agents publics pour combattre le racisme, l’antisémitisme et les discriminations

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Le 30 janvier, la Première ministre a présenté un plan de 80 mesures pour lutter contre le racisme, l’antisémitisme et les discriminations liées à l’origine. Ce plan, dans la fonction publique, prévoit notamment la formation de la totalité des agents publics, ainsi que des peines aggravées en cas d’agression, au titre de l’exemplarité de l’administration.

1,2 million. C’est le nombre de victimes, chaque année en France, qui subissent une discrimination ou une atteinte à caractère raciste ou antisémite. Pour faire face à ce fléau, la Première ministre Elisabeth Borne a présenté le 30 janvier à l’Institut du monde arabe le plan national contre le racisme, l’antisémitisme et les discriminations liées à l’origine.

Ce plan gouvernemental couvre la période 2023-2026. Il est le fruit de travaux menés avec 35 structures issues de la société civile et plusieurs institutions indépendantes. Au total ce sont 80 mesures qui sont prévues autour de cinq axes majeurs :

  • Mesurer la réalité du racisme, de l’antisémitisme et des discriminations,
  • Oser nommer la réalité de la haine,
  • Mieux éduquer et former,
  • Sanctionner les auteurs,
  • Accompagner les victimes.

Un volet complet du plan concerne ainsi la formation des agents de la fonction publique à la lutte contre le racisme, l’antisémitisme et l’ensemble des discriminations.

Un vaste plan de formation des agents de la fonction publique

Ce plan de formation concerne :

  • tous les agents des administrations de l’État,
  • les forces de sécurité intérieure,
  • les inspecteurs du travail,
  • les agents d’accueil de Pôle emploi relevant de la fonction publique d’État,
  • les agents de l’État des Maisons France Services,
  • les personnels des établissements culturels ou sportifs de l’État.

Cette formation doit « permettre à tous ces personnels d’incarner, dans leurs fonctions professionnelles, les principes de dignité, d’impartialité et d’intégrité, entre eux et à l’égard des usagers du service public« .

Pour y parvenir, le marché interministériel doit être déployé pour former 100 % des agents de l’État en fonction. Ainsi, le Centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT) et l’Association nationale pour la formation permanente du personnel hospitalier (ANFH) vont être invités à décliner des formations de même nature auprès des agents publics territoriaux et hospitaliers.

Au cours de sa présentation, la Première ministre a pour sa part réaffirmé le devoir d’exemplarité des agents publics : “Nous aggraverons les peines en cas d’agression racistes ou antisémites quand elles seront commises par des personnes dépositaires de l’ordre public ou par des personnes chargées d’une mission de service public.” L’idée étant, plus précisément, de compléter le code pénal pour les infractions de provocation non publique à la haine raciste, de diffamation non publique raciste et d’injure non publique raciste.

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Présentation ci-dessous, de six des principales promesses de ce plan
  • Une visite mémorielle obligatoire pour chaque élève 

La première mesure mise en avant par l’exécutif est l’organisation d’une visite, « pour chaque élève durant sa scolarité », d’un lieu historique ou mémoriel en lien avec le racisme, l’antisémitisme ou l’antitsiganisme. « Pour combattre les préjugés dès le plus jeune âge, nous devons renforcer la connaissance de notre histoire, (…) dans ses heures les plus nobles comme les plus sombres », explique le gouvernement.

Pour faciliter cette mesure, notamment dans les territoires « les moins dotés en musées ou sites mémoriels », l’exécutif compte soutenir les expositions itinérantes dans les collèges et les lycées, comme celles organisées par le Mémorial de la Shoah, situé à Paris. Il va également participer au lancement, en 2026, d’un musée dédié aux gens du voyage déportés lors de la Seconde Guerre mondiale. Enfin, le financement des visites des divers lieux consacrés aux génocides, à l’esclavage ou encore à la colonisation sera facilité par un développement de la part collective du pass culture.

  • Des formations pour les agents publics

L’exécutif prévoit aussi de former l’ensemble des agents de la fonction publique d’Etat aux questions de racisme, d’antisémitisme et de discriminations. Ces formations seront réalisées par vagues, dès cette année et d’ici à 2026. Ces professionnels doivent « incarner les principes de dignité, d’impartialité et d’intégrité », souligne Matignon, qui appelle à en faire de même dans la fonction publique territoriale et hospitalière. Le gouvernement veut aussi sensibiliser « 100% des éducateurs sportifs, professionnels ou bénévoles », en vue notamment des JO de Paris 2024.

Un accent particulier sera mis sur les enseignants et le personnel des établissements scolaires. Ils devront participer, tous les cinq ans, à une journée de formation continue obligatoire, destinée à les doter « des clés et des outils pour réagir » face aux situations problématiques. Le plan 2018-2020 contre le racisme et l’antisémitisme (PDF), présenté durant le premier quinquennat d’Emmanuel Macron, prévoyait déjà de « renforcer la formation de l’ensemble du personnel » éducatif.

  • Le testing des discriminations à l’embauche « systématisé » dans les entreprises

Face aux discriminations à l’embauche, qui demeurent « une réalité vivace », Matignon veut « systématiser » le testing dans les grandes entreprises et les administrations. Cette pratique consiste à envoyer deux CV identiques pour la même offre d’emploi, avec pour seule différence l’origine du candidat. Confiées à des cabinets spécialisés ou des laboratoires de recherche, ces opérations permettront de « mieux mesurer » les pratiques discriminatoires lors du recrutement et durant la carrière. L’exécutif espère ainsi « permettre aux acteurs de prendre conscience du problème ».

Les services de la Première ministre ne cachent pas leur intention de « mettre en avant les bonnes pratiques » et « dénoncer les mauvaises ». Ils se disent ainsi prêts à publier le nom des entreprises qui ne corrigeraient pas le tir. « Si ces testings doivent déboucher sur du ‘name and shame’, nous assumerons de le faire », soulignent-ils. « En plus des sanctions pénales ou financières qui existent déjà », ils entendent aussi « aller vers la création d’une amende civile dissuasive » et faciliter les actions de groupe.

  • Des peines plus lourdes pour les agents publics condamnés

Le gouvernement souhaite modifier le code pénal pour durcir les peines encourues par les personnes dépositaires de l’autorité publique (forces de l’ordre, maires, huissiers de justice…), ou chargées d’une mission de service public (enseignants, chauffeurs de bus, facteurs…), en cas d’infraction non publique à caractère raciste ou antisémite. Pour une injure prononcée sans témoin dans l’exercice de leurs fonctions, les agents s’exposeraient à une sanction allant jusqu’à 3 000 euros d’amende, contre 1 500 euros actuellement pour l’ensemble de la population.

  • Des dépôts de plainte facilités

Soucieux de « lever les freins rencontrés par les victimes » de discriminations, le gouvernement veut déployer des dispositifs d’« aller-vers » permettant de déposer plainte ailleurs que dans les commissariats, par exemple dans les locaux d’associations. Il estime que l’anonymisation partielle des plaintes doit être rendue possible, « pour protéger la victime ». Il souhaite aussi aider les forces de l’ordre à mieux identifier la circonstance aggravante de racisme ou d’antisémitisme lors du dépôt de plainte, grâce à une grille d’évaluation.

Plus loin dans la chaîne pénale, l’exécutif entend doter les juges de la possibilité d’émettre des mandats d’arrêt contre les personnes condamnées pour racisme, antisémitisme ou apologie de crime contre l’humanité. Objectif : « lutter contre le sentiment d’impunité », et permettre l’exécution des sanctions en cas de fuite des auteurs à l’étranger.

  • Un bouton d’alerte mobile pour les taxis et VTC

Enfin, Matignon souhaite lancer « une plateforme unique » destinée aux usagers et aux chauffeurs de taxis et de VTC. Cet outil, qui pourrait être accessible via « un bouton d’alerte sur l’application mobile des réservations », permettrait de signaler les actes et propos de haine raciste, antisémite ou de discrimination liée à l’origine. En parallèle, l’exécutif veut étendre « à l’ensemble des discriminations à caractère raciste et antisémite » la charte contre les violences sexistes et sexuelles, signée en 2020 par les opérateurs de VTC.

 

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