Mobilisation des agriculteurs : l’heure du bilan …
Publié leD’après l’article publié par le SPAGRI-CFDT
Les collègues du MASA en ressortent fragilisés : ils sont aussi en difficulté et attendent des réponses à leurs questions !
- Des agents blessés par les propos relayés par les médias qui ont mis en cause la légitimité de leurs missions
- Des collègues sous pression pour payer les (des ?) aides PAC au 15 mars, les (des ?) aides conjoncturelles d’ici le salon de l’agriculture, etc. … et pour faire des propositions en lien avec le « mois du choc de la simplification »
- Des contrôleurs inquiets face à un risque accru d’agression et dans le doute quant au niveau d’exigence attendu aujourd’hui
- Des collègues en quête de sens sur l’agriculture à porter aujourd’hui et demain (2ème point de cet article)
Depuis plusieurs années, le monde agricole est en grande difficulté. Les agents publics qui accompagnent la politique publique de l’agriculture, en instruisant, payant les aides et en réalisant des contrôles sont eux aussi mis en difficulté face aux usagers, plus encore depuis la mobilisation de janvier.
Ces derniers jours, on a beaucoup entendu parler de normes, sous entendant que ces dernières sont le fruit d’agents « tatillons ». Ne nous trompons pas ! Les agents ont pour mission de mettre en œuvre les lois, règlements et normes votés par les élus, à quelques niveaux que ce soit. Ces agents sont régulièrement mis en difficulté pour faire appliquer les règles avec des outils pas toujours disponibles à temps et souvent inadaptés (Resytal, ISIS…), dans des temps extrêmement contraints.
Le ministre de l’agriculture nous a assuré par écrit de « [son] plein soutien face aux expressions publiques qui ces derniers jours [nous] ont parfois jetés en pâture ». « [Il] tient à condamner de la manière la plus ferme qui soit les actes de dégradation, de vandalisme qui ont visés nos bâtiments publics ainsi que les attaques inacceptables dirigées contre des agents de la fonction publique ». Il reconnaît « [notre] compétence, [notre] connaissance du monde agricole, les liens de confiance que [nous] avons noués avec lui ». Ce message du ministre était important mais les agents du MASA auraient aimé l’entendre dans les médias durant la crise… et quid des poursuites juridiques ?
A quand le « mois du choc de la simplification des systèmes d’information du MASA » pour mieux répondre aux attentes des agriculteurs ?
Marc Fesneau en appelle à « notre action déterminée [qui] sera essentielle pour traduire concrètement les engagements pris par le gouvernement ». Il nous demande « d’interroger […] les solutions à explorer pour apporter une part de la réponse à l’attente de simplification exprimée par les agriculteurs ». Mais sur le terrain, les marges de manœuvre pour simplifier semblent très limitées car les agents du MASA n’ont pas attendu cette crise agricole pour mettre comme le demande le ministre de « la cohérence, de la clarté et de l’intelligibilité du cadre ». Les agents du MASA s’interrogent : à quand la simplification de nos systèmes d’information » afin de raccourcir les délais de traitement et ainsi mieux répondre aux attentes des agriculteurs ?! Quand les 60 ETP du PLF 2024 sur le numérique vont-ils impacter favorablement les services ?
Quel pas de temps pour le paiement des aides et des indemnisations et avec quels moyens ?
Le ministre demande une « mobilisation sans faille » en vue du « paiement des aides de la PAC, du déploiement du fonds de soutien exceptionnel suite aux tempêtes et inondations, ou à l’ouverture du guichet pour les indemnisations liées à la maladie hémorragique épizootique (MHE) » … mais quelles aides précisément, avec quels moyens humains et quels outils ? Qui va gérer les indemnisations liées à la MHE et selon quelle procédure ?
Les agents sont inquiets quant à leurs conditions de travail pour les semaines à venir !
Quelles mesures pour limiter au maximum le risque d’agression des inspecteurs ?
Se pose également le problème des incivilités et agressions auxquels sont confrontés les agents, et notamment les contrôleurs, et qui risque d’être accentué au vu des propos désobligeants relayés par la presse à leur encontre. La CFDT a demandé et obtenu lors du dernier CSA ministériel de traiter cette problématique en formation spécialisée. La CFDT demande dès à présent que ce sujet soit à l’ordre du jour de la prochaine formation spécialisée du CSA ministériel.
Pour la CFDT, une protection des contrôleurs et une tolérance zéro s’imposent.
Le ministre a précisé dans son message aux agents qu’il était « soucieux d’un dialogue social constructif et ambitieux » et « [qu’il] sera attentif aux conditions de travail qui sont les [nôtres] ». La CFDT sera présente à chaque instance afin de remonter vos questions, vos inquiétudes. Elle sera particulièrement vigilante quant aux réponses qui seront apportées par le ministre et l’administration.
Agriculture, environnement et santé : changement de cap du gouvernement ?
Si le renforcement des sanctions lorsque la loi EGalim n’est pas respectée va dans le bon sens, force est de constater un recul inquiétant sur l’environnement.
Le 27 septembre dernier, lors du CSA budgétaire (voir compte rendu), Marc Fesneau affirmait avec conviction devant les organisations syndicales : « des résistances existent côté profession agricole et un message clair s’impose : la transition écologique est une obligation, pas une option ! Les agriculteurs savent au fond d’eux qu’ils n’ont pas le choix : c’est la transition ou la disparition. Je souhaite changer l’image du ministère : nous ne sommes pas une forteresse qui refuse la transition, ici aussi cela va changer, il y a des moyens financiers pour faire la transition, et cela va contribuer à redonner du sens aux missions ».
Les propos tenus pendant ces 15 jours de mobilisation sur l’écologie punitive, sur l’Anses ou sur les inspecteurs « tatillons », qui ont fait la une des journaux, ont été perçu comme un virage à 90, voire 180 degrés par de nombreux agents du MASA. Les propos du ministre de la transition énergétique qui s’est enfin exprimé dimanche pour dire que « la santé et la protection de la biodiversité sont des lignes rouges » n’y changent pas grand-chose. Non, ce sont les grands titres de la presse que les citoyens, les agriculteurs et les agents ont en tête, par exemple « Gabriel Attal tente d’éteindre la colère des agriculteurs en cédant sur l’environnement ». Et force est de constater que le mot « transition » n’apparaît plus dans le long message de remerciement transmis lundi par le ministre aux agents du MASA…
La CFDT jugera sur la base des décisions à venir du gouvernement. Mais elle le dit dès à présent : il est plus urgent que jamais de redonner du sens aux missions des agents du MASA en leur donnant un cap clair pour les années à venir… un cap vers une agroécologie juste. Les décisions qui viennent d’être prises sur les produits phytosanitaires ne sont pas pour rassurer la CFDT.
Ecophyto 2030 suspendu… avant d’être revu à la baisse demain ?
Marc Fesneau a annoncé une mise « en pause » jusqu’au salon de l’agriculture du quatrième plan Ecophyto qui fixait un objectif de réduction de 50 % de l’usage des pesticides d’ici 2030 (par rapport à 2015-2017). Pour le gouvernement, il s’agit de « sortir de l’écologie punitive pour être dans une écologie de solution ». Mais le nouveau plan Ecophyto devait justement permettre une réduction des produits phytosanitaires par « l’accélération du développement de solutions alternatives » … alors pourquoi le suspendre alors que la Commission d’enquête parlementaire sur l’usage des pesticides vient de rendre son rapport sur l’échec de la mise en œuvre d’un plan de réduction de l’utilisation des produits phytosanitaires ?!
Depuis, le ministre de la transition énergétique a assuré qu’il ne s’agissait pas d’un retour en arrière et que l’objectif serait maintenu. Il a précisé qu’il jugeait non satisfaisant l’utilisation par la France de l’indicateur de mesure de l’usage des pesticides (le Nodu) et qu’il fallait se donner quelques semaines pour discuter de l’indicateur européen sans remettre en question nos principes. Marc Fesneau a précisé qu’il convient « de retravailler un certain nombre d’aspects [du plan Ecophyto], de le simplifier ». La FNSEA a promis de rester vigilante sur l’application des mesures annoncées. Alors beaucoup d’agents n’y croient pas et sont désabusés :
- « coté environnement nous pourrions voir des années de pédagogie remises en question » ;
- « depuis le premier plan en 2008, on voit que l’incitatif ne marche pas. Pourquoi continuer ? Autant arrêter le plan Ecophyto et passer sur du réglementaire »
Pour la CFDT, les évolutions, les simplifications, le choix du nouvel indicateur doivent se faire en toute transparence et avec la validation d’experts scientifiques indépendants.
La CFDT demandera des explications au ministre et à la directrice générale de l’alimentation sur la (non) prise en compte des recommandations du rapport de la Commission d’enquête parlementaire sur l’usage des pesticides dans le plan Ecophyto 2030 remanié.
L’Anses à nouveau fragilisée
Dans ses revendications, la FNSEA réclamait de « placer l’Anses sous l’autorité politique ». Concrètement, aujourd’hui, c’est l’Anses qui délivre et retire les autorisations de mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques sur la base d’une évaluation de leur efficacité et des risques qu’ils représentent pour la santé humaine et les écosystèmes. Historiquement, cette mission a été confiée à l’Anses parce qu’il y avait des doutes quant à la capacité du MASA à bien traiter ces dossiers !
Le gouvernement n’a pas cédé sur cette revendication. Il faut dire qu’en novembre dernier, lors de son audition par la commission d’enquête parlementaire sur les pesticides, sur les causes de l’incapacité de la France à atteindre les objectifs de maîtrise des impacts des produits phytosanitaires sur la santé humaine et environnementale, Marc Fesneau avait affirmé vouloir préserver les missions actuelles de l’Anses.
Mais un pas a néanmoins été franchi : le gouvernement vient en effet de décider que l’Anses devra désormais s’aligner sur le calendrier de l’autorité européenne de sûreté des aliments. Pour mémoire, le retrait du S-metolachlore a fait beaucoup de bruit il y a un an, mais ce sont en fait les tutelles de l’Anses, dont le MASA, qui avaient demandé à l’Anses de devancer le calendrier européen…
Pour la CFDT, il n’est pas question de remettre en cause l’indépendance scientifique d’une agence qui a pour mission d’apporter un regard transversal sur les questions sanitaires, au croisement de la santé de l’Homme, des autres organismes vivants et des écosystèmes. Au vu des enjeux de santé publique et environnementale, le politique ne doit pas décider en contradiction avec une expertise scientifique indépendante.
Propositions de la CFDT pour une agro-écologie juste
Pour la CFDT, l’agriculture a besoin d’un cap clair fixé dans la durée et de politiques cohérentes. Nous sommes à l’heure des choix. Le dérèglement climatique n’est pas une crise, il ne peut être traité en fonction d’une échéance électorale. La protection de la biodiversité n’est pas une option. La santé du consommateur est prioritaire. Le niveau de vie des agriculteurs ne doit pas être la variable d’ajustement.
La CFDT fait des propositions et insiste sur deux dimensions :
1- Mieux répartir la valeur tout au long de la chaîne :
- A court terme, en confortant et en faisant appliquer la Loi EGALIM qui a déjà donné des effets positifs. Il faut des filières plus équitables, avec une meilleure répartition de la richesse entre agriculteurs, industriels et distributeurs, qui permette à chacun de s’engager dans cette transition écologique juste.
Que peut faire de plus le gouvernement ? Un exemple concret : la loi EGalim prévoyait 50% de produits durables et locaux dont 20% de produits bio en restauration collective publique au 1er janvier 2022. Deux ans plus tard, ce n’est toujours pas le cas. L’Etat doit, dès à présent et avec tous les maillons de la filière, faire en sorte que cet objectif soit atteint. Cela garantirait un marché aux filières dans lesquelles les producteurs maîtrisent mieux la répartition de la valeur. Un chiffre : en 2022, le bio représentait 7% des approvisionnements en restauration collective, soit un marché de 400 millions d’euros. Si on passait à 20%, cela représenterait un marché de plus de 1,4 milliard d’euros. C’est un premier levier pour soutenir la création de filières à l’échelle des territoires. L’aspect territorial des organisations des circuits alimentaires est fondamental pour recréer un modèle plus vertueux économiquement, socialement et environnementalement, tant pour les professions que pour les citoyens.
- A moyen et long terme, une évolution des modèles économiques des exploitations agricoles et des entreprises de la filière alimentaire pour résister aux aléas et aux crises, mais aussi contribuer au bien vivre, en composant avec les contraintes biophysiques et sans dépasser les limites planétaires.
2- Ne pas perdre le cap ! Accompagner la transition agro-écologique et l’Europe
Quelle est la finalité de notre agriculture ? Produire avec l’objectif de souveraineté alimentaire une alimentation saine et durable accessible à tous. Nous réaffirmons en outre que l’Europe est un échelon essentiel pour notre agriculture. Ainsi, la PAC devrait prendre une dimension alimentaire européenne supplémentaire pour produire en Europe cette alimentation saine et durable accessible à tous, en harmonisant le plus possible les cahiers des charges environnementaux et sociaux de la fourche a la fourchette, avec une traçabilité européenne des produits effective sur l’alimentation proposée aux populations.
Des clauses miroirs extra européennes sont légitimes pour élever les standards alimentaires et éviter le dumping social et environnemental, tout en préservant la santé planétaire (concept One Health).
Pour la CFDT, moins de normes environnementales et sociales ne sont pas une solution pour la pérennité de l’agriculture qui passe par un bon état de l’environnement et des écosystèmes et l’attractivité des métiers. Affirmer que le mal-être des agriculteurs serait du aux normes et à l’environnement et dire que la simplification va tout régler est un miroir aux alouettes. Pour nous, le problème principal provient du modèle économique, de l’aval de la filière qui capte la plus grande partie des revenus. Une agriculture responsable, saine et souveraine est possible, il faut s’en donner les moyens.
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Pour la CFDT, il est nécessaire de donner une ligne claire vers une transition écologique juste permettant aux agriculteurs de vivre dignement de leur travail, qui valorise l’engagement de ceux qui ont déjà pris ces virages, qui garantisse la santé des consommateurs et la préservation de la biodiversité, qui permette de redonner du sens au travail des collègues du MASA, d’améliorer leur qualité de vie au travail tout en simplifiant, sans devenir simpliste et céder aux visions populistes !
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