Mission Ravignon : une clarification des responsabilités ?
Publié leBoris Ravignon, maire de Charleville-Mézières, le 5 décembre 2023, s’est vu confié une mission par le ministre chargé des comptes publics, Thomas CAZENAVE, et par la ministre chargée des collectivités territoriales, Dominique FAURE, afin de déterminer les coûts des normes et de l’enchevêtrement des compétences entre l’État et les collectivités (évaluation, constats et propositions). En résumé : combien coûte le « millefeuille administratif ».
Dans le rapport de la mission, chapitre 5-2-2 – page 92, une proposition de « décorrélation » du point d’indice pour la Fonction Publique Territoriale suscite des inquiétudes : nous y revenons en fin d’article.
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Un coût exorbitant de 7,5 milliards d’euros
Le rapport de la mission Ravignon, mené par Boris Ravignon, révèle le coût exorbitant et la complexité de l’enchevêtrement des compétences entre l’État et les collectivités territoriales, chiffrés à 7,5 milliards d’euros. Cette étude déplore la confusion et le manque d’efficacité dans la répartition des responsabilités, malgré les tentatives législatives récentes pour rationaliser l’organisation institutionnelle.
Le rapport souligne l’entrelacement des responsabilités entre l’État et les collectivités qui obscurcit la lisibilité de l’action publique. Les efforts pour clarifier cette organisation, comme les lois RCT de 2010, Maptam de 2014 et NOTRe de 2015, n’ont pas permit de dissiper cette complexité. Le partage des compétences, surtout dans des domaines cruciaux comme le développement économique, reste une source majeure de confusion. En outre, les outils de coordination locaux, tels que les conférences territoriales de l’action publique (CTAP), sont décrits comme inefficaces, de simples coquilles vides.
L’intervention persistante de l’État dans des domaines pourtant décentralisés, tels que l’urbanisme et l’aménagement, aggrave cette situation. Parfois, l’État revient sur des politiques déjà transférées aux collectivités, comme la lutte contre la pauvreté, réintroduisant ainsi une couche supplémentaire de complexité. Ce retour en arrière non seulement brouille les responsabilités, mais il alourdit également les finances des collectivités locales, déjà évalué à 6 milliards d’euros, tandis que l’État en supporte 1,5 milliard.
Une réorganisation claire et précise des responsabilités
Face à ce constat, la mission Ravignon appelle à une réorganisation claire et précise des responsabilités. Elle prône une répartition nette des compétences entre l’État et les collectivités, encourageant les regroupements volontaires de communes ou d’intercommunalités par le biais d’incitations financières. Une unification des responsabilités dans certains domaines spécifiques, comme le grand âge, le handicap, les services d’incendie et de secours au niveau départemental, est recommandée.
La gestion des collèges et des lycées devrait également être confiée respectivement aux départements et aux régions, tandis que la politique de la ville et la tranquillité publique devraient être centralisées au niveau intercommunal et municipal pour les grandes villes.
Le rapport insiste aussi sur la nécessité de rénover les outils de coopération territoriale et de clarifier les rôles de chef de file pour des enjeux essentiels tels que la transition écologique et l’accès aux soins. Il propose une décentralisation de la responsabilité du logement et des réseaux de voiries non concédées aux niveaux départemental et intercommunal.
Pour couronner cette réorganisation, la mission Ravignon suggère de repositionner l’État comme garant des libertés et arbitre des responsabilités locales. Cela passe par un renforcement de l’autorité des préfets de département et de région sur l’ensemble des services de l’État, y compris ceux qui échappent actuellement à leur contrôle direct.
En somme, ce rapport plaide pour une vaste clarification des responsabilités et des compétences, sensée améliorer l’efficacité tout en réduisant les coûts de l’administration publique en France, et à instaurer une gouvernance plus fluide et rationnelle.
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Décorrélation du point d’indice pour la Fonction Publique Territoriale
A l’instar du rapport Woerth, le rapport Ravignon, arguant une autonomie de gestion pour les collectivités, préconise une décorrélation du point d’indice pour la Fonction Publique Territoriale (FPT). C’est à dire de déconnecter l’augmentation du point d’indice dans la FPT de celle qui s’applique aux deux autres versants (Etat et hôpitaux).
La CFDT est contre cette mesure qui est une attaque contre le statut, et qui mettrait fin à l’automaticité des augmentations générales des salaires des fonctionnaires. Pour Mylène Jacquot, la secrétaire générale de la CFDT Fonction Publique, “ce sont surtout les agents qui feraient les frais d’une telle décorrélation, (…) accentuant encore les disparités existantes non seulement entre collectivités, mais aussi entre les trois versants de la fonction publique”.
Tous les syndicats sont sur la même longueur d’onde, tandis que les employeurs territoriaux sont très sceptiques et pas prêts à endosser une telle responsabilité. Pour mémoire, Emmanuel Macron avait proposé cette piste au début de son premier mandat, mais l’avait abandonnée devant le refus unanime des employeurs territoriaux et des syndicats. Actuellement, côté gouvernemental pas de réaction officielle pour l’instant. Le ministre Guerini serait “pour une unité de la fonction publique dans le cadre de la décorrélation du point de la fonction publique territoriale”.
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