Loi de transformation de la fonction publique (6 août 2019) : un dialogue social affaibli ?

Publié le

La Cour des Comptes a publié un rapport sur les effets de la loi de transformation de la fonction publique de 2019. Cette loi avait pour ambition de moderniser et simplifier le dialogue social dans les trois fonctions publiques.

Cependant, selon les conclusions de la Cour, les résultats restent mitigés : la réduction du nombre d’instances est moins significative que prévu, certaines pratiques antérieures persistent, et le coût alloué au dialogue social s’élève à 874 millions d’euros. Le rapport émet également plusieurs recommandations pour instaurer un dialogue social plus efficace et rénové.

Voici une analyse de ce que rapporte la Cour des Comptes.

Un cadre institutionnel remanié mais complexe

La réforme de 2019 visait à rationaliser le dialogue social en fusionnant les comités techniques (CT) et les CHSCT (Comité Hygiène Sécurité et Conditions de Travail) en instances uniques, et en limitant les CAP à des fonctions disciplinaires. Cependant, malgré une réduction d’environ 20 % du nombre total d’instances (de 5 000 en 2019 à 4 000 en 2023 pour la fonction publique de l’État), la simplification reste incomplète. En cause :

  • La création de Formations Spécialisées en Santé, Sécurité et Conditions de Travail (FSSCT), dont l’impact varie selon les secteurs. Par exemple, dans la fonction publique hospitalière (FPH), l’obligation de création d’une FSSCT a été restreinte, excluant de nombreux EHPAD.
  • Une carte des instances encore complexe, avec des disparités territoriales et sectorielles qui ne reflètent pas toujours les besoins réels.
Un dialogue social coûteux et peu mesuré

Le coût estimé du dialogue social pour 2022 s’élève à 874 millions d’euros, soit 0,27 % de la masse salariale publique. Ce chiffre ne couvre pas les frais indirects (locaux, matériels). La gestion fragmentée des données empêche une évaluation précise, fragilisant ainsi l’argument économique de la réforme.

Un dialogue social contractuel peu développé

La réforme encourage la négociation collective, mais fin 2022, seuls 200 accords collectifs avaient été signés dans les trois fonctions publiques, un nombre dérisoire face aux attentes. Les employeurs territoriaux restent peu enclins à négocier des accords sur des sujets sensibles comme le service minimum.

Des ressources humaines sous-exploitées

La gestion rénovée des ressources humaines, qui aurait pu jouer un rôle stratégique, est entravée par :

  • Une charge administrative encore élevée.
  • Une faible utilisation de dispositifs tels que la médiation, encore méconnue des agents.
  • Des indicateurs de suivi trop nombreux et peu pertinents, rendant le dialogue social moins efficace.
Recommandations clés de la Cour

Pour remédier à ces limites, la Cour propose plusieurs pistes :

  • Simplifier et centraliser les données : Développer des outils pour mesurer avec précision les coûts et les impacts du dialogue social.
  • Réduire les pratiques dérogatoires : Harmoniser les droits syndicaux afin de limiter les surcoûts injustifiés.
  • Promouvoir la formation : Renforcer les formations initiales et continues des représentants syndicaux et administratifs.
  • Encourager la négociation collective : Développer les accords-cadres et renforcer une logique conventionnelle.
  • Rationaliser les indicateurs : Réduire le nombre d’indicateurs pour alléger la gestion administrative.

– – –

Position de la CFDT :

La CFDT déplore un affaiblissement notable du dialogue social depuis la mise en œuvre de la réforme de 2019.

Si la réduction du nombre de CAP est atteinte, la simplification des instances spécialisées reste largement inaboutie. La diminution des CHSCT, remplacés par des FSSCT aux prérogatives réduites et qui couvrent un moins grand nombre de salariés dans certains secteurs, a compromis une approche préventive essentielle, notamment dans des secteurs comme au MTEL, où les risques environnementaux et techniques sont élevés.

La réforme a centralisé les décisions, limitant ainsi les échanges de proximité et fragilisant le rôle des syndicats en tant que médiateurs.

Dès 2017, Emmanuel Macron avait exprimé sa méfiance – sinon son mépris – vis-à-vis des corps intermédiaires, y compris les syndicats, qu’il considérait comme un frein aux réformes. La loi de 2019 a effectivement réduit le rôle des organisations syndicales comme interfaces entre les agents et leurs employeurs. Et peut-être était-ce essentiellement le but recherché, … mais pas affiché ! D’ailleurs on a assisté depuis à une baisse de la participation aux élections professionnelles et d’un recul de l’engagement syndical.

Une révision de la réforme apparaît indispensable pour renforcer la protection des agents et promouvoir un dialogue social réellement participatif. Cela nécessite des mesures concrètes pour simplifier les instances, encourager la négociation collective et réhabiliter le rôle des syndicats dans le dialogue social.

Par UFETAM-CFDT

 – – – – – – – – – –