Les services publics … dans quel état ?
Publié leLe collectif « Nos services publics », un think tank qui réunit des agents publics de l’État, des hôpitaux et des collectivités soucieux de faire émerger une vision alternative et moins « gestionnaire » des services publics, vient de publier un « Rapport sur l’état des services publics« .
Santé, éducation, transports, justice, sécurité : ce rapport met en évidence « les conséquences d’un décalage croissant entre les besoins sociaux et les moyens des services publics » : développement des inégalités, espace grandissant pour le secteur privé, et ruptures avec les agents publics comme avec la population, s’alarme le collectif.
Avec un discours récurant, déplorant sans cesse des services publics qui s’effondrent ou se dégradent, les citoyens ont une opinion de plus en plus négative des services publics. Avec les transformations subit depuis 40 ans, le service public est devenu un “service minimum” et “dégradé”, confirme le collectif.
Certes réelle, l’augmentation des effectifs et des dépenses en faveur des services publics n’est pas suffisante face à l’explosion des besoins des usagers. Selon le rapport, qui a été nourri par les témoignages d’une centaine d’agentes et d’agents de terrain, de chercheuses et de chercheurs, de cadres de l’administration, de citoyennes et de citoyens, les services publics connaissent une « attrition« .
Ce « décrochage » conduit au développement de l’offre privée, notamment pour les écoles et les cliniques. Or, ces services concurrents du public « se caractérisent par un coût supérieur (…) et une absence d’accueil inconditionnel« , contrairement à la vocation universelle des services publics, fait valoir le collectif.
En plus d’accroître les inégalités, « ce développement d’un secteur privé de niche entraîne progressivement la transformation du service public en un service minimum et dégradé« , caractérisé par exemple par l’explosion des délais de jugement, poursuit-il.
La réponse aux besoins sociaux (accélération du changement climatique, vieillissement de la population, accès en masse à l’enseignement supérieur…) « pourrait constituer un objectif prioritaire des services publics« , estime le collectif, qui ne formule pas de propositions précises. « Redire que les services publics doivent partir des besoins des gens, c’est déjà suggérer une boussole pour les services publics qui serait assez distincte de la boussole dominante en ce moment« , souligne le porte-parole du collectif, Arnaud Bontemps.
Le rapport aborde la question des moyens du service public dans un chapitre consacré « au fonctionnement et au financement des services publics ». Un chapitre qui dépeint de manière sombre l’état de la fonction publique. « L’attractivité des emplois publics est en baisse« , s’inquiète le collectif.
Les chiffres sont sans appel : le nombre de candidats aux concours externes d’accès à la fonction publique d’État est ainsi passé de 640.000 en 1997 à 270.000 en 2017. En cause, les politiques de prévention « limitées », face à l’augmentation des « troubles musculosquelettiques » et de la « souffrance psychique » des agents. La politique de maîtrise salariale des gouvernements successifs est aussi pointée du doigt. Entre 2009 et 2019, le salaire net moyen des salariés de la fonction publique « est resté relativement stable, alors que celui des salariés du secteur privé a augmenté de 13,1% ».
Le rapport rend aussi compte de la percée de l’emploi des agents contractuels, au détriment de celui des fonctionnaires : la part de ces derniers dans l’ensemble des actifs ayant un emploi ne serait plus que de 13,8% en 2030, contre 16,3% en 2006.
Face à ces constats, « un redimensionnement financier et RH de la fonction publique apparaît indispensable« , estime « Nos services publics ». Qui fustige « le paradigme de la réduction des dépenses publiques« . Le collectif considère que « l’augmentation des impôts et des cotisations n’apparaît (…) pas comme un levier impossible pour le financement des services publics« . Il observe cependant que la progressivité du système fiscal, facteur important du contentement à l’impôt, « s’est progressivement érodée« .
Le rapport va être envoyé au gouvernement et un débat avec des élus, des représentants syndicaux et des chercheurs est également prévu le 26 septembre, à l’Assemblée nationale. Ce débat se tiendra la veille de la présentation du projet de loi de finances pour 2024, qui prévoit plusieurs milliards d’euros d’économies, dans les domaines notamment de la santé, du logement et du travail.
– – –
– – – |
Le rapport sur l’état des services publics
Synthèse
- Les besoins sociaux ont augmenté et évolué, souvent d’ailleurs du fait de la réussite, de l’échec ou des effets imprévus des politiques publiques passées
- Les services publics ont été amenés à s’adapter pour répondre à l’évolution de ces besoins, les efforts engagés ont été insuffisants pour les prendre en charge de manière satisfaisante. Bien qu’ils aient été sporadiquement renforcés, les moyens des services publics augmentent depuis vingt ans moins rapidement que les besoins sociaux, et l’écart entre les premiers et les seconds tend à s’aggraver.
- Cet écart croissant entre les besoins de la population et les services publics conduit à l’existence, dans tous les secteurs, d’un espace grandissant pour une offre privée, désocialisée, de prise en charge des besoins. Fortement subventionnés, voire totalement solvabilisés par la puissance publique, ces services privés se développent sur des segments précis : les enfants de familles à fort capital culturel dans les écoles privées sous contrat, ou encore les actes médicaux les plus facilement programmables dans les cliniques privées.
- Les services publics sont également de moins en moins à même de remplir leur mission de réduction des inégalités dans la société. Le rapport des citoyens aux services publics se dégrade. Si l’attachement de la population aux grands services publics est réel, la confiance pratique qu’elle accorde à ces services est amoindrie. Les agents publics assistent, au premier rang, à cette détérioration du lien entre services publics et population, autant qu’ils en subissent directement les conséquences dans leur travail.
Santé
Consulter ce rapport « Santé »
On aborde mal l’état de santé des Français : on parle d’espérance de vie, quand l’important ce sont les affections longue durée. Aujourd’hui, plus de 12 millions de personnes sont aujourd’hui concernées par une ALD, ce qui représente plus de 60 % des dépenses de santé : dans ce contexte, la réussite de notre système de santé est essentiellement liée à la capacité d’adaptation dudit système aux évolutions de la prise en charge des maladies chroniques.
Education
Consulter ce rapport « Education »
Phénomène marquant des 40 dernières années, la massification scolaire, réalisée à modèle pédagogique quasi constant, ne s’est pas traduite par une démocratisation à la hauteur des enjeux de réduction des inégalités. Les pratiques d’évitement des familles dotées d’un fort capital culturel se sont intensifiées, par le recours au secteur privé sous contrat et du fait du développement important des cours particuliers, renforçant la mécanique de reproduction des inégalités sociales par l’école. Par ailleurs, la prise en compte des besoins des enfants apparaît comme le principal impensé de l’institution scolaire, emportant des conséquences pour l’ensemble de ses acteurs.
Transports
Consulter ce rapport « Transports »
L’explosion des distances parcourues dans les soixante dernières années est le produit de la transformation économique et urbaine du paysage français, et a été portée par l’essor de la voiture individuelle. Faute de s’attaquer aux causes de son expansion, les politiques publiques relatives à la mobilité du quotidien n’ont pas permis de réduire la dépendance à la voiture individuelle, qui constitue le principal défi écologique et social pour le secteur des transports. Tandis que les politiques publiques se centrent sur la décarbonation des transports, celles-ci risquent d’apparaître comme insuffisantes et inégalitaires, et la réflexion sur la réduction des besoins de mobilité reste dans l’impasse.
Justice et sécurité
Consulter ce rapport « Justice et sécurité »
Sur le temps long, on observe une baisse du nombre de crimes et de délits et une stabilité de la délinquance, cependant le sentiment d’insécurité demeure élevé. Malgré une augmentation récente des moyens alloués à la justic, la dégradation de la qualité du service public et de l’efficacité de la réponse judiciaire est continue depuis vingt ans, à la fois en termes de délais, de taux d’élucidation des affaires et d’exécution des décisions de justice. Par ailleurs, malgré un renforcement considérable des services de police et de gendarmerie dans les dix dernières années, la répartition des moyens entre les territoires et les missions traduit des priorités politiques qui ne sont pas nécessairement corrélées avec les besoins.
Fonctionnement et financement des services publics
Consulter ce rapport « Fonctionnement et financement »
Le service public repose pour l’essentiel sur les agents publics, or force est de constater que ceux-ci viennent à manquer. Conséquence de choix politiques et gestionnaires contre-productifs, la perte du capital humain contribue aux difficultés croissantes rencontrées par les agents publics et alimente un phénomène de désaffection à l’égard des emplois publics. Aujourd’hui, au besoin de redimensionnement financier et humain des services publics s’ajoute désormais l’enjeu du financement d’une transition écologique socialement juste.
(Sources : « Nos services publics » – Localtis)
– – –
Sur le même sujet :
Article du Monde (14-09-23) : Services publics : un collectif alerte sur un secteur de plus en plus en décalage avec les besoins des usagers
– – – – – – – –