Les modifications apportées par les députés au projet de loi “Fonction publique”
Publié leLes modifications apportées par les députés au projet de loi “Fonction publique” (Acteurs Publics – 22 mai 2019)
Six jours de débats en séance et une centaine d’amendements adoptés. Dans la nuit du mardi 21 mai au mercredi 22 mai, les députés ont achevé l’examen en première lecture du projet de loi de réforme de la fonction publique.
Après celles intervenues en commission des lois les 2 et 3 mai dernier, Acteurs Publics passe en revue les principales modifications apportées en séance par les parlementaires, soit :
- Durcissement du mécanisme des ruptures conventionnelles.
- Temps de travail : les agents de l’État rappelés à leurs obligations.
- Harmonisation des autorisations spéciales d’absence en vue.
- Limitation du périmètre des contrats de mission.
- Une prime de précarité pour certains contrats à durée déterminée (CDD).
- Du nouveau concernant le volet “Déontologie” du projet de loi.
- Transparence renforcée des hautes rémunérations.
- Autorités indépendantes : écrêtement des rémunérations et limite d’âge pour leurs présidents.
- Élargissement des compétences des “comités sociaux”.
- Davantage de formations spécialisées “santé, sécurité et conditions de travail” en perspective dans la territoriale.
- Un rapport social unique dans chaque administration.
- Montée en puissance du CNFPT sur la formation des apprentis.
L’article d’Acteurs Publics (par Bastien SCORDIA)
Retour sur les principaux amendements adoptés par les députés dans le cadre de l’examen du projet de réforme de la fonction publique qui vient de s’achever. Le vote aura lieu le 28 mai.
Six jours de débats en séance et une centaine d’amendements adoptés. Dans la nuit du mardi 21 mai au mercredi 22 mai, les députés ont achevé l’examen en première lecture du projet de loi de réforme de la fonction publique. Le vote sur le texte interviendra mardi 28 mai, après la séance des questions au gouvernement. Le Sénat se saisira au mois de juin du projet de loi qui, selon le souhait du gouvernement, doit être adopté avant la trêve estivale. Passage en revue des principales modifications apportées en séance par les parlementaires, après celles intervenues en commission des lois les 2 et 3 mai dernier.
Durcissement du mécanisme des ruptures conventionnelles. Les députés ont adopté, contre l’avis du gouvernement et de la rapporteure du texte (Émilie Chalas), un amendement de la majorité portant à six ans (contre trois ans initialement) le délai pendant lequel un fonctionnaire ayant bénéficié d’une rupture conventionnelle ne peut pas revenir dans son administration d’origine. Sans quoi il sera tenu de rembourser la prime perçue à l’occasion de ladite rupture.
Temps de travail : les agents de l’État rappelés à leurs obligations. Les députés ont adopté un amendement du gouvernement prévoyant d’insérer dans la loi statutaire relative à la fonction publique d’État une mention relative à la durée du travail, par référence au code du travail, à savoir 35 heures par semaine. L’amendement complète aussi cette disposition par une référence à la durée annuelle légale de travail (soit 1 607 heures), à partir de laquelle le décompte du temps de travail sera réalisé. Cet amendement préserve néanmoins la possibilité d’adaptation de la durée annuelle de travail effectif afin de tenir compte des sujétions particulières auxquelles sont soumis certains agents de l’État (travail de nuit, le dimanche, travaux pénibles ou dangereux…). Le gouvernement prévoit aussi de “clarifier” par décret cette adaptation concernant précisément le régime juridique applicable aux corps enseignants et aux personnels de la recherche, “lesquels bénéficient aujourd’hui de modalités spécifiques d’application du temps de travail”. Ainsi, l’amendement “vise à ne pas remettre en cause le régime des obligations de service de ces agents, à l’occasion de la modification de la loi statutaire”, précise le gouvernement. Dans son amendement, il prévoit aussi de présenter un rapport au Parlement sur les actions qui auront été mises en œuvre “pour s’assurer du respect” des règles relatives au temps de travail dans la fonction publique d’État (la durée légale donc, mais aussi ses possibilités d’adaptation). Le tout dans un délai d’un an à compter de la publication de la loi.
Harmonisation des autorisations spéciales d’absence en vue. Un amendement de la rapporteure du projet de loi, Émilie Chalas, a été adopté en ce sens. Les autorisations spéciales d’absence liées à la parentalité et à l’occasion de certains événements familiaux sont fixées par le chef de service dans la fonction publique de l’État, par les organes exécutifs des collectivités territoriales dans la fonction publique territoriale et par le chef d’établissement dans la fonction publique hospitalière. “Bien que certaines de ces autorisations spéciales d’absence fassent l’objet d’un cadrage par circulaire, notamment les autorisations spéciales d’absence liées à la parentalité, il résulte de la pratique une grande hétérogénéité des situations”, indique-t-elle dans son amendement. Par exemple, l’autorisation spéciale d’absence liée au décès d’un proche est “variablement appréciée, certains employeurs publics y ouvrant droit au titre des grands-parents alors que d’autres employeurs publics limitent ces autorisations spéciales d’absence aux parents, conjoints et frères et sœurs”, précise la rapporteure. Un décret en Conseil d’État en précisera la liste et les modalités d’octroi, ainsi que le caractère de droit ou soumis aux nécessités de service. Favorable à cette harmonisation, le secrétaire d’État en charge de la Fonction publique, Olivier Dusssopt, a annoncé en séance que ce décret serait publié d’ici la fin de l’année.
Limitation du périmètre des contrats de mission. Les députés ont adopté des amendements identiques déposés par les groupes de la majorité mais aussi de l’opposition, visant à exclure les emplois pouvant être occupés par des fonctionnaires de catégorie C du périmètre de ces contrats de mission. De tels contrats pourront donc être mis en place uniquement sur les emplois relevant des catégories A et B, alors que le projet de loi prévoyait que l’ensemble des catégories soient concernées. “Il est nécessaire d’exclure les personnels de catégorie C par souci de convergence avec les pratiques du secteur privé où les CDD de mission sont destinés à des postes d’encadrement ou d’ingénieur – or tel est bien l’objet du contrat de projet –, par souci de convergence en matière de dialogue social, de lutte contre la précarité”, a notamment estimé le député LREM Guillaume Gouffier-Cha lors de la défense des amendements en question. “Pour les catégories C, le contrat de projet présente un risque de précarité”, a abondé le député LR Raphaël Schellenberger, rejoint par le député communiste Jean-Paul Lecoq, pour qui “il n’est pas certain que l’on ait besoin, dans des équipes de projet, de personnels de catégorie C”. Le député UDI-Agir Pascal Brindeau voyait pour sa part dans l’intégration de l’ensemble des catégories, une “manière détournée” de précariser un “certain nombre de missions”. “Les personnels de catégorie C ne sont pas seulement des exécutants, ils pourraient donc parfaitement être porteurs de projet”, a répondu la rapporteure Émilie Chalas. En ce sens, elle avait émis, au nom de la commission des lois, un avis défavorable aux amendements avant de s’en remettre, à titre personnel, à l’avis du gouvernement. Un avis défavorable motivé par le fait que la généralisation de ces contrats aux trois catégories “répond à un souci de lisibilité, et permettra la création d’équipes dédiées à un projet”, avait expliqué le secrétaire d’État en charge de la Fonction publique, Olivier Dussopt.
Une prime de précarité pour certains contrats à durée déterminée (CDD). En ce sens, les députés ont adopté à la quasi-unanimité (50 voix pour et une abstention de la députée LREM Cendra Motin) des amendements du gouvernement et de la majorité prévoyant “le principe d’une indemnité de fin de contrat permettant de compenser la précarité de la situation de certains agents contractuels de droit public”. Annoncée par le gouvernement en commission, cette mesure sera précisée par décret. Cette mesure concernera des contrats d’une durée inférieure ou égale à un an. Sont exclus les contrats conclus pour faire face à un besoin saisonnier d’activité, ainsi que les contrats de projets prévus par le présent projet de loi. La prime doit bénéficier aux agents contractuels jusqu’à un niveau de rémunération qui sera fixé ultérieurement “mais pourrait être de deux Smic”, a précisé le secrétaire d’État Olivier Dussopt. “C’est très utile de mieux protéger, de reconnaître et donc d’indemniser la précarité des agents publics qui occupent des contrats courts”, a-t-il ajouté en précisant que 180 000 à 200 000 personnes pourraient en bénéficier chaque année. Le coût de cette mesure qui entrera en vigueur en 2021 est quant à lui évalué à 410 millions d’euros par an.
Du nouveau concernant le volet “Déontologie” du projet de loi. Après avoir décidé en commission de la fusion de la Commission de déontologie de la fonction publique avec la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP), les députés ont acté en séance le principe d’un collège unique pour la future structure, mais aussi le fait que le gouvernement pourra nommer 2 personnalités qualifiées au sein de ce collège. Pour rappel, ce n’était pas l’intention initiale des députés, qui souhaitaient que le Parlement garde la main sur l’ensemble des nominations des personnalités qualifiées [cliquez ici pour consulter notre article sur le sujet]. Les amendements transpartisans adoptés par les députés prévoient aussi la possibilité pour les référents déontologues des administrations concernées de siéger (sans voix délibérative) au sein de la Haute Autorité lors de l’examen des avis concernant leurs agents. À noter, par ailleurs, que les députés ont adopté des précisions sur la liste des avis qui devront être obligatoirement publiés par l’ex-Commission de déontologie (fusionnée avec la HATVP) mais ont aussi acté un suivi renforcé des réserves émises.
Transparence renforcée des hautes rémunérations. Outre la transmission par le gouvernement au Parlement d’un rapport annuel sur les plus hautes rémunérations observées dans la fonction publique (une mesure actée en commission), les députés ont adopté un amendement actant l’obligation pour certains employeurs publics de publier sur leur site Internet la masse salariale des 10 plus hautes rémunérations, ainsi que leur répartition entre les femmes et les hommes. Seront soumis à cette obligation l’ensemble des départements ministériels, les régions, les départements, les collectivités de plus de 80 000 habitants et les établissements publics hospitaliers dotés d’un budget de plus de 200 millions d’euros. Les amendements en question ont été déposés par la rapporteure LREM du texte, Émilie Chalas, par le groupe LREM et par le groupe MoDem. Les députés ont également adopté un amendement prévoyant que le gouvernement remettra chaque année au Parlement un rapport précisant le montant des rémunérations des membres nommés au sein du Conseil constitutionnel, des autorités administratives et publiques indépendantes et des agences de l’État.
Autorités indépendantes : écrêtement des rémunérations et limite d’âge pour leurs présidents. Dans l’objectif de fixer un cadre réglementaire “commun et cohérent” aux rémunérations des membres des autorités administratives et publiques indépendantes (AAI et API), les députés ont posé le principe d’un écrêtement de ces rémunérations via l’adoption d’amendements de la rapporteure et du groupe LREM. Ainsi, lorsque le président ou un membre de l’une de ces autorités bénéficie d’une pension de retraite, le montant perçu au titre de cette pension sera déduit de la rémunération qui lui sera versée au titre de ses responsabilités au sein de ladite autorité. Les modalités de rémunération de ces membres seront précisées par décret. Les députés ont aussi adopté des amendements – toujours du groupe LREM et de la rapporteure – introduisant une limite d’âge de 68 ans à la nomination ou au renouvellement des présidents de ces autorités. Actuellement, la nomination de ces présidents peut intervenir (sauf disposition spécifique contraire) à n’importe quel moment et sans condition d’âge. “Dans un contexte où l’exemplarité de la haute fonction publique est l’objet d’attentes fortes de la part de nos concitoyens, l’encadrement des conditions de nomination peut constituer une réponse opportune, afin de limiter les critiques sur les conditions de nomination de certaines personnalités et afin de garantir l’adéquation des compétences à l’évolution des secteurs régulés”, expliquent les députés. Et de préciser que la disposition introduite “ne fera pas obstacle à ce que le mandat se poursuive jusqu’à son terme et porterait ainsi l’âge maximal d’activité à 74 ans, mandat inclus (les mandats durent au maximum six ans)”. La limite d’âge en question s’appliquerait aux présidents nommés, élus ou renouvelés après promulgation de la loi.
Élargissement des compétences des “comités sociaux”. Quatre amendements ont été adoptés en ce sens à l’article 3 du projet de loi, qui acte la mise en place de cette instance issue de la fusion des comités techniques (CT) et des comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT). Le premier amendement, déposé par le groupe LREM, stipule que les comités sociaux connaîtront également des enjeux liés à la déconnexion. “L’objectif est d’offrir aux agents publics les mêmes garanties qu’aux salariés en matière de déconnexion des outils numériques, dans la limite exigée par le respect du principe de continuité de service public et, par conséquent, des spécificités propres à chaque emploi”, souligne l’amendement. Le principe du droit à la déconnexion n’est pas pour autant inscrit dans la loi. Pour chacun des versants de la fonction publique, les 3 autres amendements (déposés par 3 députées LREM) prévoient d’ajouter les questions relatives à l’accessibilité des services et à la qualité des services rendus au champ de compétences des comités sociaux. “L’exigence d’amélioration continue dans la fonction publique suppose que la qualité du service rendu à l’usager soit un critère de la gestion des ressources humaines au sein des administrations”, disent ces 3 parlementaires dans leur amendement, qui “vise à renforcer la participation des agents à la satisfaction des usagers” [cliquez ici pour consulter le premier amendement en question, ici pour le second et ici pour le troisième].
Davantage de formations spécialisées “santé, sécurité et conditions de travail” en perspective dans la territoriale. Les députés ont adopté 4 amendements identiques abaissant de 300 à 200 agents le seuil au-dessus duquel il sera obligatoire d’instituer une formation spécialisée en matière de santé, de sécurité et de conditions de travail au sein des seuls comités sociaux de la territoriale. Pour les deux autres versants, ces seuils seront fixés par décret. Dans le détail, ces 4 amendements ont été déposés respectivement par la députée LREM Anne Brugnera, par des députés au nom de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation de l’Assemblée nationale, par les députés du groupe Socialistes et apparentés et par des députés Les Républicains. “La santé, l’hygiène et les conditions de travail sont des problématiques importantes qui nécessitent la présence d’une formation spécialisée le plus souvent possible”, ont expliqué les socialistes. Cet abaissement du seuil vise à permettre une “meilleure prise en compte des problématiques spécifiques de santé, de sécurité et des conditions de travail des agents de la fonction publique territoriale”, a pour sa part défendu le député LREM Éric Poulliat au nom de la délégation aux collectivités. Comme ce dernier l’a précisé, avec un seuil à 300 agents “environ un millier de collectivités” étaient dans le champ de l’obligation de créer une formation spécialisée. “Avec un seuil abaissé à 200 agents, un millier de collectivités supplémentaires entreraient dans ce champ, soit un total d’environ 2 000 collectivités concernées”, a poursuivi Éric Poulliat. Quant aux collectivités en dessous de ces seuils, la mise en place d’une formation spécialisée se fera de manière facultative, sur décision de l’organe délibérant et “lorsque l’existence de risques professionnels particuliers le justifient”.
Un rapport social unique dans chaque administration. Les députés ont adopté un amendement de la rapporteure LREM Émilie Chalas visant à instituer dans chaque administration un rapport social unique, qui “constituera le premier support de réflexion pour établir les lignes directrices de gestion qui détermineront à terme la stratégie pluriannuelle des ressources humaines”. “L’élaboration de ces lignes de gestion en matière de mobilité, de promotion et de valorisation des parcours professionnels s’appuiera sur les lignes de force qui seront dégagées de l’analyse qualitative et quantitative des priorités stratégiques globales, ou parfois spécifiques à chaque structure, grâce à l’étude des données statistiques agrégées constituée à partir de la base de données sociales”, précise-t-elle dans son amendement. Ces éléments seront relatifs notamment à la gestion prévisionnelle des effectifs, des emplois et des compétences (GPEEC), aux parcours professionnels, aux recrutements, à la formation, à la mobilité, à la promotion, à la rémunération, à l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, à la diversité, à la lutte contre les discriminations, au handicap ainsi qu’à l’amélioration des conditions et de la qualité de vie au travail. Annuel, ce rapport devra être présenté aux comités sociaux et sera rendu public.
Montée en puissance du CNFPT sur la formation des apprentis. Les députés ont adopté un amendement du gouvernement visant à “développer le recours à l’apprentissage dans la fonction publique territoriale” en renforçant le rôle du Centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT) “s’agissant du recensement des métiers et des capacités d’accueil en matière d’apprentissage dans les collectivités territoriales et du financement de la formation des apprentis employés par les collectivités”. La prise en charge des coûts de formation des apprentis par le CNFPT sera prévue par une convention conclue entre ce même centre, l’autorité territoriale et le centre de formation des apprentis (CFA) concernés. Cette prise en charge est fixée à 75 % des coûts de formation.
Par Bastien SCORDIA
Également en pièce jointe, le rapport sur la transformation de la Fonction publique par Emilie Chalas (députée, rapporteure du projet de loi).