Les impacts territoriaux du télétravail : une révolution silencieuse ?

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Depuis la crise du Covid, le télétravail s’est imposé comme une nouvelle norme pour de nombreux salariés. En 2023, ils étaient 19 % en France à travailler à distance au moins un jour par semaine, principalement dans les grandes villes et parmi les cadres. Mais au-delà des bureaux et des horaires de travail, c’est l’organisation même des territoires qui est impactée.
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L’Inspection générale de l’Environnement et du Développement durable (IGEDD) et France Stratégie ont produit un rapport commun sur ces impacts territoriaux du télétravail. Il traite de l’échelle nationale avec un focus sur trois grandes métropoles françaises : Lyon, Rennes et Toulouse. Choix de lieu de résidence, trafic routier et fréquentation des transports en commun, stratégies immobilières des entreprises… sont passés au crible ainsi que les politiques publiques concernées par ce thème. Les effets restent inégalement répartis à l’échelle nationale soulignent les chercheurs.

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Une transformation de la mobilité urbaine

L’une des premières conséquences visibles du télétravail concerne les déplacements. Moins de trajets domicile-travail signifient une réduction des embouteillages dans certaines villes, comme à Rennes ou Toulouse. Toutefois, en Île-de-France, le phénomène est plus complexe : si le trafic routier n’a pas diminué, les transports en commun connaissent une baisse de fréquentation aux heures de pointe (-15 % à la RATP depuis 2019).

Autre paradoxe : bien que le télétravail limite les navettes quotidiennes, il encourage d’autres types de déplacements. Les salariés télétravailleurs vivent en moyenne à 28 km de leur lieu de travail, contre 14 km pour les autres. Cela modifie les flux et les besoins en transports, notamment en région, où les TER enregistrent une hausse de fréquentation (+21 % depuis 2019).

Un effet sur l’immobilier et l’aménagement du territoire

La généralisation du télétravail redessine également le paysage immobilier.

D’un côté, les bureaux se vident partiellement. Les grandes entreprises cherchent à optimiser leurs espaces et à se recentrer dans les centres-villes, laissant des surfaces vacantes en périphérie.

De l’autre, la demande de logements évolue. Les salariés cherchent davantage d’espace, une pièce supplémentaire pour travailler et un cadre de vie plus agréable. Cette tendance alimente la hausse des prix dans certaines régions attractives (zones touristiques, villes moyennes bien desservies). Dans ces territoires, le télétravail renforce la concurrence entre résidents locaux et nouveaux arrivants, parfois au détriment des plus modestes.

Un levier sous-exploité des politiques publiques

Malgré ces transformations profondes, le télétravail reste un angle mort des politiques publiques. Peu de collectivités disposent de données précises sur son impact local. Il n’est que rarement pris en compte dans la planification urbaine, les infrastructures de transport ou les politiques du logement.

Pourtant, ce changement pourrait être un levier puissant pour rééquilibrer les territoires. Encourager le télétravail dans les villes moyennes, adapter les offres de transport en fonction des nouveaux rythmes, intégrer les besoins en télétravail dans la construction de logements : autant de pistes qui permettraient d’optimiser cette révolution silencieuse.

Conclusion : une mutation en cours

Le télétravail modifie en profondeur nos villes, nos modes de vie et nos habitudes de travail. Mais son impact territorial reste encore difficile à quantifier. Si certains effets sont déjà perceptibles, d’autres prendront du temps à se concrétiser. Il appartient désormais aux décideurs publics d’accompagner ces mutations pour en faire un outil au service d’un aménagement plus durable et équilibré.

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Pour aller plus loin :

La note d’analyse de France-Stratégie

Le rapport de l’IGEDD

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