Les fonctionnaires, grands oubliés de la prime exceptionnelle
Publié leLes fonctionnaires, grands oubliés de la prime exceptionnelle (Le Parisien – 14-12-18)
Après les annonces faites ce lundi 10 décembre par le Président de la République, la CFDT s’est déjà inquiétée auprès de Olivier DUSSOPT, le ministre de la Fonction Publique, du traitement fait au fonctionnaires. Pour la CFDT, il est hors de question que les fonctionnaires soit les dindons de la farce.
Le journal le Parisien, dans son édition du 14-12-18, met en exergue les grands oubliés de la prime exceptionnelle : les fonctionnaires !
Acteurs Publics, a également traité le sujet dans un article le lundi 17 décembre.
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Par Delphine Denuit, Matthieu Pelloli et Vincent Vérier
La mesure, promise par Emmanuel Macron, ne devrait pas concerner les agents de la fonction publique. Et rien n’est décidé non plus pour les postiers ou les cheminots.
La coupe était déjà pleine mais là, elle pourrait carrément déborder. Ce jeudi, les principaux syndicats avaient rendez-vous au ministère du Travail avec Muriel Pénicaud et Bruno Le Maire, respectivement ministres du Travail et de l’Economie. A l’ordre du jour : la prime exceptionnelle désocialisée (exonérée de cotisation sociales) et défiscalisée qu’Emmanuel Macron a encouragé les entreprises à verser à leurs salariés pour leur octroyer davantage de pouvoir d’achat. Après deux heures de réunion, le verdict tombe : « Ça n’a pas été conclusif », confie un haut fonctionnaire.
Certes depuis lundi, plusieurs grands groupes – Orange, Publicis, Altice, Iliad… – ont déjà annoncé qu’ils répondraient à l’appel d’Emmanuel Macron mais l’immense majorité des entreprises reste encore à convaincre. Plus grave encore, cette mesure soulève un immense angle mort : le secteur public.
« On regarde ce qui peut être fait »
Car le hic pour bien des agents du service public, c’est qu’Emmanuel Macron invite à faire ce qu’il dit… mais pas ce qu’il fait ! En clair, l’État ne compte pas être bon élève dans les entreprises publiques où il est aux manettes. Pour l’instant, à la SNCF, chez EDF ou encore à La Poste, c’est le même refrain officiel qui est fredonné : « On regarde ce qui peut être fait. »
« Il serait temps qu’ils sortent de leur silence, s’agace Sébastien Menesplier, secrétaire général de la CGT mines-énergie. Nous ce qu’on veut, ce n’est pas une prime mais de vraies augmentations de salaires. D’année en année, les hausses ne suivent pas l’inflation, et les salariés des entreprises publiques perdent du pouvoir d’achat. » A la SNCF, certains syndicats ont pris les devants. Dans des courriers que nous avons pu consulter, la CFDT cheminots a écrit à Guillaume Pepy, patron de la compagnie, tandis que l’Unsa s’est adressé au DRH, Benjamin Raigneau, pour exiger, entre autres, le versement de cette prime exceptionnelle. « D’un montant minimal de 1000 € pour l’ensemble du Groupe public ferroviaire », écrit ainsi la CFDT. Loin des hypothèses étudiées par la SNCF. Car selon nos informations, l’entreprise publique réfléchit à une prime uniquement pour les bas et moyens salaires. « C’est d’autant plus inacceptable que cette prime est basse », confie une source.
Quant aux agents de la fonction publique : « Il n’y a pas eu de discussions particulières sur ce sujet, déplorait ce jeudi la CFDT. De notre côté, nous avons expressément demandé qu’une telle prime soit mise en place pour les agents et fonctionnaires. » Hors de question pour les syndicats de la fonction publique d’être les dindons de la farce.
Variable d’ajustement
Mais ont-ils le choix ? « Les annonces du chef de l’Etat laissent de côté les agents de la fonction publique, soit plus de cinq millions de personnes, s’indigne Baptiste Talbot, secrétaire général de la Fédération CGT des services publics, absent ce jeudi de la réunion. Cela confirme le fait que les fonctionnaires sont les grands sacrifiés de ce gouvernement. » En effet, depuis le début du quinquennat, le fameux « point d’indice » – qui sert de base au calcul de leur traitement – n’a pas été revalorisé. Beaucoup d’agents ont aussi en travers de la gorge la hausse de la CSG, qui a été neutralisée, mais n’a pas donné lieu à une augmentation de rémunération comme celle dont ont bénéficié les salariés du privé.
Mais à vrai dire, il y a encore pire… Non seulement les fonctionnaires ne devraient pas avoir de prime, mais ils redoutent aussi d’être la variable d’ajustement de la générosité présidentielle du début de semaine. « Avec 10 Mds€ à trouver pour financer ces annonces, soupire Baptiste Talbot, nous sommes une cible toute trouvée. Nous craignons des suppressions de moyens, de postes ou un gel ad vitam aeternam du point d’indice. » Même inquiétude chez Solidaires : « La fonction publique risque d’en payer le prix fort, s’insurge Gaëlle Martinez, déléguée générale Fonction publique. « Alors qu’il lui revient de veiller au maintien de la cohésion sociale et à la réduction des inégalités… Un comble ! »
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Par Bastien Scordia
Les syndicats de fonctionnaires regrettent que la prime de fin d’année annoncée par le chef de l’État ne concerne pas la fonction publique. Ils appellent le gouvernement à rectifier le tir. Du côté de l’exécutif, on met en avant les efforts déjà accomplis en faveur des agents publics.
Les agents publics ne doivent pas être les oubliés des décisions du gouvernement en matière de pouvoir d’achat. C’est le message qu’affichent de concert les organisations syndicales de la fonction publique, après la décision de l’exécutif d’exclure les fonctionnaires de la possibilité de recevoir une prime dite exceptionnelle, exemptée de cotisations et d’impôt.
Annoncée par le président de la République le 10 décembre en réponse à la crise des “gilets jaunes”, cette prime d’un montant maximum de 1 000 euros pourra être versée, jusqu’au 31 mars 2019, par les entreprises volontaires à leurs salariés touchant jusqu’à 3 600 euros mensuels nets.
S’agissant des agents publics, “nous aurons l’occasion de discuter de ces sujets dans le cadre de la loi relative à la fonction publique” prévue pour 2019, a expliqué le Premier ministre, Édouard Philippe, vendredi 14 décembre en rappelant la réactivation des mesures d’application du protocole sur les parcours professionnels, les carrières et les rémunérations (PPCR) dès l’année prochaine. Pour rappel, ce protocole avait été gelé en 2018, mesures d’économies oblige.
“Sentiment d’injustice”
L’attribution d’une prime exceptionnelle “aurait été une juste reconnaissance de la charge de travail des agents publics, particulièrement mobilisés pour maintenir un niveau de sécurité, de solidarité et de cohésion indispensable”, explique Mylène Jacquot, de la CFDT, qui craint que les agents du secteur public ne “fassent les frais” des annonces récentes du président de la République. L’occasion pour la syndicaliste de demander au gouvernement “d’ouvrir rapidement des discussions sur le pouvoir d’achat y compris sur des mesures générales, mais pas seulement”.
Même son de cloche du côté de la FSU, sa secrétaire générale, Bernadette Groison, relayant un “sentiment d’injustice” devant l’absence de prime exceptionnelle pour les agents publics. “Il serait quand même malheureux” que l’État, “comme patron-employeur”, “qui décide et qui demande aux entreprises de donner une prime à leurs employés”, “ne le fasse pas pour les plus de 5 millions d’agents qu’il gère”, explique-t-elle. “Nous redoutons non seulement de ne pas bénéficier de ces mesures, mais en plus, de devoir les supporter par de nouvelles suppressions de postes et par un nouveau gel des salaires des fonctionnaires”, conclut la numéro un de la FSU.
Cette carence est jugée comme “scandaleuse” par Christian Grolier, de Force ouvrière. Elle “démontre la piètre opinion que l’État, premier employeur de France, a de ses agents, explique-t-il. Nous en avons ras le bol que les ministres vantent le mérite et le dévouement des fonctionnaires lors de graves éléments et en même temps les traitent comme de simples pions budgétaires”.
Accumulation de mesures “négatives”
Dans une lettre adressée au président de la République, où il lui demande de “bien vouloir mettre en place” une prime exceptionnelle dans le secteur public, le secrétaire général de l’Unsa Fonction publique, Luc Farré, indique que les agents publics ont le sentiment “de ne pas être reconnus à la hauteur de leur engagement au service du pays”. Il regrette notamment le manque de mesures en faveur du pouvoir d’achat des agents publics depuis le début du quinquennat. Et de citer le gel de valeur du point d’indice, le rétablissement du jour de carence dans le secteur public, le report d’une année de l’application du protocole PPCR ou encore le mécanisme de compensation de la hausse de la contribution sociale généralisée, qui “n’a pas permis une hausse du pouvoir d’achat des agents comme pour les autres salariés”.
“Les agents publics subissent depuis des années des mesures négatives impactant leur pouvoir d’achat […]. Ils ne doivent en aucun cas être les grands oubliés et sacrifiés des dernières annonces du président de la République”, renchérit Nathalie Makarski, de la CFE-CGC. “Dans sa décision, le gouvernement continue d’écarter les personnels de la fonction publique des dispositions sociales appliquées dans le secteur privé : prise en charge des jours de carence, accès à la protection sociale complémentaire, prise en compte de la pénibilité”, dit quant à lui Bruno Collignon, de la Fédération autonome de la fonction publique (FA-FP).
Déjà des efforts pour les agents publics
Du côté du secrétariat d’État auprès du ministre de l’Action et des Comptes publics, qui ne souhaite pas faire à ce stade de commentaire précis sur les positions syndicales, on rappelle que la défiscalisation (en plus de leur désocialisation) des heures supplémentaires tout comme la hausse de la prime d’activité concerneront aussi les agents publics, mais également le fait que ladite prime exceptionnelle est facultative et que certains employeurs (territoriaux notamment) voudraient la mettre en place.
Le secrétariat d’État rappelle également que les mesures annoncées dans le cadre du rendez-vous salarial de juin dernier (revalorisation du compte épargne-temps, réactivation de PPCR, revalorisation de barème indemnitaires…) pèsent déjà pour 1 milliard d’euros en 2019, et ce en dehors des mesures concernant les heures supplémentaires.
Dans les couloirs de Bercy, on susurre aussi que le versement d’une prime exceptionnelle aux agents publics aurait un coût non négligeable pour les finances publiques. Si une prime de 1 000 euros était versée à l’ensemble des quelque 5,5 millions d’agents publics, la facture dépasserait en effet largement les 5 milliards d’euros. Une note salée, à l’heure où l’exécutif ne cesse d’afficher sa volonté de réduire les dépenses publiques et cherche des variables d’ajustement pour financer le plan dégainé par le chef de l’État en réaction à la crise sociale actuelle.