Intelligence Artificielle et dialogue social
Publié leLa mise en place de l’intelligence artificielle (IA) dans les entreprises et administrations se fait souvent sans consultation des salariés, mais dans certaines organisations où le dialogue social est actif, des accords ont été signés pour encadrer cette transition.
Une analyse du CEET Cnam recense 242 accords entre 2017 et 2024, bien qu’ils restent rares comparativement au nombre total d’accords. Ces accords touchent plusieurs domaines, dont l’impact sur l’emploi, les risques de discrimination, et les conditions de travail, et montrent l’amorce d’un dialogue social autour de l’IA.
Principaux axes de discussion :
- Impact sur l’emploi et les compétences : Un tiers des accords aborde la gestion de l’emploi, particulièrement au sein des dispositifs de GPEC (Gestion Prévisionnelle des Emplois et des Compétences). Dans les secteurs financiers, industriels, et des transports, les syndicats insistent sur les risques d’automatisation et la substitution de postes humains. L’adaptation des métiers par la formation est mise en avant pour préparer les salariés aux changements technologiques.
- Lutte contre les discriminations : Des clauses de protection contre les biais algorithmiques apparaissent, surtout pour éviter les discriminations à l’embauche et pour inclure des populations vulnérables, comme les travailleurs handicapés et les séniors.
- Télétravail et surveillance : Le télétravail, favorisé par les outils d’IA, soulève des inquiétudes quant à la surveillance excessive des télétravailleurs. Les accords insistent sur le droit à la déconnexion et cherchent à limiter le contrôle intrusif.
- Formation et nouvelles compétences : Un axe central est le besoin de formation continue pour les salariés, notamment sur la gestion des données, indispensable dans les secteurs manufacturiers et de l’information. Cela permettrait aux travailleurs de s’approprier les outils IA et d’acquérir les compétences nécessaires pour leur utilisation.
Le rôle essentiel du dialogue social
Bien que le dialogue social sur l’IA reste faible, ces premières négociations démontrent l’importance de structurer ce débat pour anticiper les transformations du travail, des organisations, et des conditions de travail. Les syndicats, soutenus par des projets comme DialIA (voir ci-dessous), encouragent le développement de l’IA de manière transparente et bénéfique pour l’ensemble des parties prenantes, tout en s’assurant que l’humain reste au centre des décisions technologiques.
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Le manifeste DialIA (“Dialogue IA”)
Le manifeste DIALIA vise à promouvoir un dialogue social autour de l’intelligence artificielle (IA) pour qu’elle serve le progrès social dans les entreprises et administrations. Dans un contexte d’adoption rapide de l’IA, les syndicats, dont la CFDT, soulignent l’urgence de structurer un dialogue entre toutes les parties prenantes (entreprises, travailleurs, usagers) afin de garantir que l’IA améliore le bien-être au travail, préserve les droits fondamentaux et respecte les données personnelles.
Principales propositions et enjeux :
- Encadrer l’usage de l’IA : Le manifeste prône un équilibre entre le développement technologique et la protection des droits des travailleurs. Il s’agit de prévenir les dérives de l’IA, comme l’automatisation excessive, qui pourrait menacer l’emploi et le sens du travail.
- Répartir équitablement les bénéfices de l’IA : Si l’IA accroît la productivité, il est essentiel que les gains soient partagés équitablement, en évitant une concentration de la valeur entre les grands fournisseurs d’IA et les entreprises dominantes. Les petites entreprises et les administrations doivent bénéficier d’un soutien pour exploiter l’IA de manière bénéfique.
- Dialogue social renforcé : Le dialogue social est essentiel pour structurer l’IA de manière vertueuse. Ce dialogue permettrait d’anticiper les transformations liées à l’IA, d’adapter les compétences et de repenser l’organisation du travail, afin d’éviter des pressions inutiles et de préserver la qualité de vie au travail.
- Participation des représentants du personnel : Le manifeste appelle à inclure les représentants du personnel dans les discussions stratégiques concernant l’IA. En particulier, il s’agit de les consulter avant l’implémentation de systèmes d’IA, et de leur fournir des outils pour mieux comprendre et réguler ces technologies.
- Création d’un dialogue multi-acteurs : DIALIA encourage une collaboration élargie entre entreprises, administrations, et acteurs économiques, pour aborder les enjeux de transparence, de responsabilité et d’éthique liés à l’IA.
Objectifs du projet DialIA
Coordonné par l’IRES avec des syndicats CFDT, CFE-CGC, FO Cadres, UGICT CGT, le projet DIALIA, cofinancé par l’ANACT, vise à déployer un cadre méthodologique pour faciliter le dialogue social et appliquer l’accord-cadre européen sur la numérisation de 2020. Cette initiative veut offrir des outils concrets pour un dialogue social effectif et une transformation numérique durable et bénéfique pour tous.
Le manifeste de DIALIA appelle à une IA au service des travailleurs, intégrée de manière éthique et équitable, et où les valeurs de justice sociale et de transparence priment.
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Sources : Les Clés du Social
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Pour mémoire :
- Article du 31-10-24 : Intelligence Artificielle et environnement : un défi écologique pour nos services publics
- Article du 19-09-24 : IGN : « Cartographier l’Anthropocène » – A l’ère de l’Intelligence Artificielle
- Article du 01-08-24 : Les Français et l’Intelligence artificielle (IA)
- Article du 03-06-24 : Intelligence artificielle (IA) : vers une révolution de nos services publics ?
- Article du 12-05-23 : Intelligence Artificielle, que fait l’Union Européenne ?
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Intelligence artificielle : une (r)évolution ? – Chappatte (Suisse / Switzerland)
« Human resources department, go ahead… »
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