Fiche pratique : Le droit de grève dans la Fonction publique
Publié leCette fiche, rédigée par le pôle juridique de la CFDT Fonctions publiques, reprend les dispositions concernant le droit de grève : De quoi s’agit-il ? Qui est concerné ? Quelles sont les conditions à remplir ? Quelle rémunération pendant la grève ? …
Fiche mise à jour le 2 février 2023
De quoi s’agit-il ?
Le droit de grève est défini par la doctrine comme la cessation collective et concertée du travail, destinée à appuyer des revendications professionnelles.
Ce droit n’est reconnu aux agents publics que depuis 1946, en conséquence du préambule de la constitution du 27 octobre 1946 aux termes duquel « le droit de grève s’exerce dans le cadre des lois qui le règlementent ».
Qui est concerné ?
Tous les agents publics ont le droit de grève, sauf exceptions concernant certains services (cf infra).
Quelles sont les conditions à remplir ?
Le dépôt d’un préavis est obligatoire pour les personnels de l’État, des établissements publics, les autorités administratives indépendantes, les collectivités locales autres que les communes de moins de 10 000 habitants.
Il émane d’une organisation syndicale représentative au niveau national, dans la catégorie professionnelle ou dans l’entreprise, l’organisme ou le service intéressé, et doit préciser les motifs du recours à la grève.
À noter : il peut émaner d’un syndicat, d’une fédération ou d’une confédération, mais non d’une section syndicale qui n’a pas la personnalité juridique.
Il doit parvenir 5 jours francs avant le déclenchement de la grève, ce délai devant être utilisé pour négocier et ainsi parvenir à un éventuel accord qui aboutira alors à la levée du préavis.
Quelle rémunération pendant la grève ?
La grève emporte une retenue sur rémunération. En effet, l’agent a droit à rémunération après service fait. Or, il n’y a pas de service fait en cas de grève. De sorte, il n’y a pas de rémunération.
La retenue est effectuée sur la rémunération en fonction des dates d’ordonnancement et de liquidation de la paye. De sorte, elle est souvent pratiquée 1, voire 2 mois après le mouvement.
S’agissant du montant de la retenue, il convient de distinguer ici le cas des agents relevant du versant de la Fonction publique de l’État de celui des agents relevant des 2 autres versants (territorial ou hospitalier).
Pour les agents de la Fonction publique de l’État, le principe est celui dit du trentième indivisible. Chaque jour de grève emporte retenue de 1/30ème de la rémunération totale (y compris les primes, sauf le supplément familial de traitement, mais dans les limites de la quotité saisissable), même si la grève est inférieure à 1 journée. Plus encore, si un agent fait grève du vendredi au lundi inclus, il supportera 4 jours de retenue sur sa rémunération puisque le samedi et le dimanche sont pris en compte, alors même qu’il n’a pas vocation à travailler le week-end.
Pour les agents des autres versants de la fonction publique, la retenue est proportionnelle à la durée de la grève soit 1/30ème pour une journée d’absence, 1/60ème pour une demi-journée d’absence, et 1/151,67ème par heure d’absence.
En cas de grève se substituant à une garde, la retenue est proportionnelle au nombre de gardes mensuelles.
Quelles conséquences sur la carrière ou le contrat ?
Il ne doit y avoir aucune conséquence sur la carrière de l’agent, sauf en ce que les jours de grève ne sont pas pris en compte pour la retraite.
Il convient ici de distinguer le cas des agents de la fonction publique de l’État, régis par le Code des pensions civiles et militaires (CPCM), de celui des agents de la fonction publique territoriale ou hospitalière, régis par le régime de la Caisse Nationale des Agents des Collectivités Locales (CNRACL).
S’agissant des agents de l’État, le principe réside en ce que le trimestre est validé pour la pension, si l’agent a travaillé 45 jours au moins durant le trimestre.
Pour les agents relevant du régime de la CNRACL, le principe est que 1 jour de grève = 1 jour non cotisé. Tous les jours de grève doivent être rattrapés en fin de carrière. Mais si l’agent travaille au moins 1 heure, et fait la grève le reste de la journée, cette journée compte pour le calcul des droits à pension.
Enfin, toute mention dans le dossier de l’agent de sa participation à une grève, par exemple, est proscrite.
Quelles en sont les principales caractéristiques ?
La grève est un mouvement à la fois collectif et professionnel. De sorte, un agent ne peut faire grève seul, sauf à se rattacher à un autre mouvement plus général, ou encore dans des cas très exceptionnels (agent d’une petite commune qui est seul à pouvoir faire valoir ses revendications : C.A.A. Marseille, 18 juin 1998, Thomas Dr adm. 1998 p.315).
Parallèlement, les revendications doivent avoir un objet professionnel, ce qui exclut les grèves politiques et, en théorie, l’emploi du terme de grève pour désigner des mouvements de protestation non professionnels (grève des contribuables, des retraités, des lycéens). En effet, il doit y avoir interruption du travail au sens d’activité professionnelle.
En revanche, toute interruption du travail ne relève pas de la qualification de grève. Ainsi, une simple réunion durant les heures de travail ne constitue pas une grève (C.E. 18 janvier 1963, Perreur, p.34).
Quels sont les droits de l’agent ?
L’agent non gréviste qui est empêché d’exercer ses fonctions en raison d’un mouvement de grève doit être payé.
Quelles sont les limitations au droit de grève ?
Le problème de la limitation du droit de grève renvoie très généralement à la question théorique « faut-il légiférer sur le droit de grève ? ». En effet, la réglementation se limite à quelques articles épars relatifs aux effets de la grève à titre principal. De sorte, le droit applicable est essentiellement d’essence doctrinale et jurisprudentielle (interdiction des grèves politiques, interdiction des grèves sur le tas, interdiction des grèves du zèle par exemple).
Précisément, il existe 3 catégories de limitation au droit de grève :
1°) L’interdiction de la grève par un texte.
Outre les magistrats et les militaires, certains agents publics ne disposent pas du droit de grève : les policiers, les CRS, les personnels des transmissions du ministère de l’Intérieur, les agents déconcentrés de l’administration pénitentiaire et les personnels de la navigation aérienne pour certaines de leurs missions relatives à la sécurité et la sûreté des personnes et du territoire.
2°) Le service minimum réglementé
Le service minimum constitue le prolongement du principe de continuité du service public. De sorte, le droit de grève doit être aménagé afin d’assurer la continuité du service au public pour certaines missions : l’accueil dans les écoles élémentaires, la diffusion à la radio et à la télévision et la tenue des greffes dans les tribunaux (C.E. 21 décembre 1977, Syndicat National C.F.D.T. des fonctionnaires des cours et des tribunaux, p.873).
3°) Le service minimum issu de la jurisprudence Dehaene ; le pouvoir de réquisition.
Afin d’organiser la continuité d’un service public indispensable à l’ordre public ou à la sécurité des personnes, l’autorité hiérarchique peut apporter une limitation au droit de grève des agents sans s’appuyer sur un texte législatif.
Elle dispose alors du pouvoir de réquisition, ce qui signifie qu’elle peut imposer aux agents indispensables même désireux de faire grève, d’accomplir leur mission.
Il convient de ne pas confondre ce pouvoir de réquisition avec celui dont dispose le préfet en application de l’article L2215-1, 4° du CGCT.
Textes en vigueur :
CGFP : Articles L114-1 à L114-10, L115-1, L711-1 à L711-3 ;
CGCT : Article L2215-1, 4° ;
Code du travail : Articles L2512-1 à L2512-5 ;
Code de l’éducation : Articles L133-2 à L133-10 ;
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