Élections 2022 : le contentieux électoral
Publié leCette fiche, rédigée par le pôle juridique de la CFDT Fonction publique, reprend les dispositions concernant le contentieux électoral : recevabilité des candidatures et des listes, préparation du scrutin, proclamation des résultats…
Il importe de distinguer les conflits qui naissent avant le scrutin, c’est à dire qui relèvent de la recevabilité des candidatures ou des listes, ainsi que ceux relatifs à la préparation du scrutin, des conflits qui naissent du scrutin lui-même, et donc, évidemment, de la proclamation des résultats.
1°) La première hypothèse est celle du contentieux relatif aux opérations pré-électorales.
Il convient ici de distinguer la problématique du dépôt des listes de celle des opérations préparatoires au scrutin.
A/ S’agissant du dépôt des listes, le principe est que seule l’organisation syndicale lésée pourra engager une procédure. En effet, le recours juridictionnel « n’est ouvert qu’aux organisations syndicales dont l’administration a déclaré la liste irrecevable ».
Ainsi, si un syndicat vient à se présenter comme affilié à une confédération, sans y être en réalité affilié, cette confédération ne pourra pas contester l’organisation du scrutin. Elle ne pourra que saisir l’employeur qui devra demander au syndicat la preuve de son affiliation. À défaut, la confédération pourra contester le résultat du scrutin, mais uniquement à son issue, ce qui est susceptible de provoquer l’annulation des élections.
S’agissant des candidatures individuelles, il appartient à l’administration de vérifier l’éligibilité des personnes inscrites sur les listes et, en cas de problème, d’en informer les délégués de liste, dans un délai de 3 jours pour la FPE, 5 jours francs pour la FPT, et 8 jours pour la FPH suivant la date limite de dépôt des listes.
Le délégué de liste doit alors pourvoir au remplacement des personnes déclarées inéligibles dans un délai de 3 jours francs dans la FPE et la FPT, ou 5 jours dans la FPH. Il peut aussi contester la décision de l’administration en saisissant le juge.
Attention : le dernier alinéa du I de l’article 9 bis de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 est toujours applicable du fait de l’article 8, 2°, b) de l’ordonnance n° 2021-1574 du 24 novembre 2021 portant partie législative du code général de la fonction publique. Il est ainsi rédigé :
« Les contestations sur la recevabilité des candidatures déposées sont portées devant le tribunal administratif compétent dans les trois jours qui suivent la date limite du dépôt des candidatures. Le tribunal administratif statue dans les quinze jours qui suivent le dépôt de la requête. L’appel n’est pas suspensif ».
Ainsi, le Juge administratif peut-être saisi de toute contestation relative aux candidatures, c’est-à-dire au rejet d’une candidature ou d’une liste. Il statue dans un délai de 15 jours et l’appel à l’encontre de sa décision n’est pas suspensif.
Par exception, toute organisation syndicale peut saisir le Tribunal Judiciaire (et non le Juge administratif) pour contester qu’un employeur a admis la liste d’une association dont l’activité ne présente pas un caractère d’organisation syndicale. En effet, un employeur ne peut rejeter lui-même une telle liste ; comme les autres organisations syndicales, il devra lui-même saisir le Juge s’il veut contester le caractère syndical de l’organisation.
En tout état de cause, le recours contentieux d’une organisation syndicale devra être doublé d’un recours administratif devant l’organisateur du scrutin afin de parvenir à une solution amiable, dans les meilleurs délais.
B/ S’agissant de l’organisation des opérations de votes (vote par correspondance, vote électronique, erreur sur les listes par exemple).
Le principe est que tout contentieux juridictionnel est exclu, avant la proclamation des résultats du scrutin.
En effet, il s’agit non d’actes décisoires mais d’actes préparatoires, insusceptibles de recours juridictionnel. De sorte, il ne peut y avoir de recours au fond avant la proclamation des résultats.
En conséquence, en cas de conflit, il est impératif de saisir l’employeur au plus tôt, afin de l’informer des anomalies qu’il se doit de rectifier lui-même.
2°) La seconde hypothèse est celle du contentieux relatif aux opérations électorales à l’issue du scrutin.
L’ensemble des opérations relatives à l’élection, c’est-à-dire, depuis l’ouverture du scrutin jusqu’à la proclamation des résultats, peut être contesté devant la juridiction administrative à l’issue de la proclamation des résultats, mais uniquement après avoir exercé un recours préalable : ce recours préalable est obligatoire (RAPO).
Mais un tel recours ne peut prospérer que si le dossier est solide. Aussi, il est fondamental de relever toutes les irrégularités commises sur le PV, à reporter dans la demande envoyée à l’employeur. Il s’agit, notamment, des réclamations faites par les électeurs ou les représentants des listes, des incidents ou des irrégularités constatées au cours du scrutin, ainsi que des décisions prises par le bureau de vote à la suite de ces incidents. Ces irrégularités pourront être, en tant que de besoin, constatées par un huissier, à la demande, et aux frais de l’organisation syndicale, pour intervenir sur place et procéder à la constatation des irrégularités.
Ensuite, et préalablement à tout recours, il importe, avant toute contestation, de bien s’assurer d’y avoir un intérêt subjectif, en ce que la contestation a vocation non pas à rétablir le droit, mais à aboutir à un résultat plus favorable : on ne conteste pas les élections, même irrégulières, que l’on a gagnées, où l’on a fait le plein des voix !
A/ Le recours administratif préalable obligatoire (RAPO)
Ce recours est obligatoire (CE du 13 novembre 1981, Sieur TATAREAU). À défaut, le recours juridictionnel devant le Juge administratif sera déclaré irrecevable, et donc rejeté.
De plus, ne peuvent être invoqués devant le juge administratif que des griefs présentés à l’appui du RAPO.
Les contestations sur la validité des opérations électorales sont portées, dans un délai de 5 jours à compter de la proclamation des résultats, et, selon le cas, devant le ministre, le directeur de l’établissement ou l’autorité auprès de laquelle le comité ou la commission est constitué, puis, le cas échéant, devant la juridiction administrative. Attention, il s’agit d’un délai non-franc dans la FPE et la FPH (délai franc dans la FPT).
Il appartient au délégué de liste, ainsi qu’au représentant légal du syndicat de signer le RAPO.
Le recours doit être effectué selon des modalités qui permettent d’apporter la preuve de son effectivité (dépôt contre reçu mentionnant la date de réception, recommandé avec AR) mais peut être également accompagné d’une autre modalité informative : envoi confirmé par mail par exemple.
Surtout, il doit être précisément motivé et impérativement accompagné de toutes les pièces justificatives, afin que l’autorité soit en mesure de statuer. De sorte, la demande doit indiquer, outre le scrutin contesté, les motifs de la contestation, et, évidemment, les irrégularités constatées. Il importe que ces constatations soient mentionnées sur le PV. Il convient également de joindre les témoignages rédigés par les agents qui ont relevé les irrégularités.
L’autorité devra être invitée à prendre une décision, qu’il s’agisse de la rectification du résultat portant modification de la répartition des sièges, ou de l’annulation du scrutin, par exemple ; il importe donc de formuler une demande.
L’autorité ainsi saisie doit statuer dans les 48h sur le RAPO par une décision motivée (à défaut, il y a rejet tacite), sauf dans la FPE où le délai accordé au ministre est le délai de droit commun de 2 mois, au-delà duquel il y a décision tacite de refus.
Le rejet tacite ou exprès du RAPO ouvre le délai de recours contentieux de 2 mois pour saisir le tribunal administratif territorialement compétent.
B/ Le recours juridictionnel
Pour rappel, la jurisprudence retient que la contestation de la validité des opérations électorales relève de la compétence du juge de l’élection et non du juge de l’excès de pouvoir (CE du 4 janvier 1964, Sieur CHARLET). Ce recours est par ailleurs dispensé de l’obligation de constituer avocat (CE du 13 décembre 1974, FRAGNAUD et BROUSSE).
De sorte, il s’agit non pas d’un recours en annulation, mais d’un recours de plein contentieux, alors même qu’il est demandé l’annulation des élections.
Aussi, il importe que le recours soit particulièrement précis et documenté en ce que le juge recouvre la plénitude de ses compétences, qu’il peut dès lors, en fonction des éléments qui lui sont soumis, soit rejeter purement et simplement le recours s’il considère que les éléments ne sont pas suffisamment significatifs pour modifier les résultats du scrutin, soit rectifier les résultats en proclamant élues d’autres personnes ou même annuler ces résultats, en fonction des irrégularités dont il sont affectés.
Il importe de rappeler que le recours doit être signé par le représentant légal du syndicat, ceci conformément aux statuts qui peuvent imposer qu’une autorisation d’ester en justice lui soit donnée.
Parmi toutes les pièces à joindre au recours, il importe de joindre les statuts du syndicat, le cas échéant, l’autorisation d’ester en justice, le PV des élections qui sont contestées, ainsi que copie du RAPO et son accusé de réception, tout comme l’éventuelle décision qui en a résulté.
Le recours pourra être accompagné d’un recours en suspension à l’encontre de la décision de rejet du RAPO ; il s’agit d’une requête en référé : le référé-suspension. Toutefois, outre qu’il convient de démontrer que les conditions pour engager une telle procédure sont remplies, si elle présente l’intérêt d’accélérer le traitement de la demande principale, elle a l’inconvénient de risquer de provoquer le blocage de la mise en place de l’institution et donc de constituer un frein au dialogue social. Or, si l’institution n’est pas en place, il est à redouter que l’administration passe outre les consultations obligatoires en arguant de la théorie de la formalité impossible qui permet d’écarter le vice de procédure dans la prise en compte de la légalité d’une décision.
Évidemment, le référé-liberté ne peut être exclu en ce qu’il permet d’obtenir du Juge une décision dans un délai de 48h, mais la démonstration de l’urgence semble particulièrement hasardeuse en matière électorale.
Textes en vigueur :
Code général de la fonction publique : Articles L.112-1 et L.211-1 à L.211-4 ;
POUR LA FONCTION PUBLIQUE DE L’ÉTAT :
Décret n°82-451 du 28 mai 1982 relatif aux commissions administratives paritaires ;
Décret n°86-83 du 17 janvier 1986 relatif aux dispositions générales applicables aux agents contractuels de l’État pris pour l’application de l’article 7 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l’État : Article 1-2 ;
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La fiche en pièce jointe comporte les textes en vigueur dans les 3 versants de la fonction publique (Etat, Territoriale, Hospitalière)
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