Échéance des concessions d’autoroutes : tenir compte des erreurs du passé pour préparer l’avenir

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Le Sénat s’est penché sur les concessions autoroutières en France. Dans son rapport du 23 octobre 2024 sur l’échéance de ces concessions autoroutières, le Sénat invite à « tenir compte du passé pour préparer l’avenir » et avance des pistes en ce sens.

Le résumé du rapport :

En application de l’article 57 de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances, Hervé Maurey, rapporteur spécial pour les crédits des transports terrestres de la mission « Écologie, développement et mobilité durables », a mené un contrôle budgétaire sur la préparation de l’échéance des contrats de concessions autoroutières.

Au terme de leurs contrats, la rentabilité des sociétés d’autoroutes sera très vraisemblablement bien supérieure aux prévisions réalisées lors de la privatisation en raison de contrats beaucoup trop long et très déséquilibrés en leur faveur. Pour autant, une résiliation anticipée des contrats en cours apparaît juridiquement hypothétique et opérationnellement irréaliste.

Il est beaucoup plus raisonnable et pertinent de se focaliser sur les enjeux de la fin de ces concessions. Si les principales d’entre elles doivent se terminer entre 2031 et 2036, c’est aujourd’hui même que tout se joue. Avant la fin de l’année, l’État devra avoir déterminé l’état dans lequel les sociétés d’autoroutes auront à lui remettre les infrastructures des réseaux qu’elles exploitent actuellement, un patrimoine évalué à 194 milliards d’euros. D’ici au 31 décembre 2024 il est prévu qu’il notifie au concessionnaire du premier contrat à arriver à échéance le programme de travaux qu’il devra réaliser à ses frais d’ici à la fin de la concession. L’ensemble de la procédure, pour les six autres concessions, dépendra des options qui seront prises par l’État dans les toutes prochaines semaines. Plusieurs milliards d’euros sont en jeu. L’État défend-il suffisamment ses intérêts ? Sera-t-il suffisamment exigeant à l’égard des sociétés d’autoroutes ? Rien n’est moins sûr.

Par ailleurs, aussi importante soit-elle, la fin des concessions ne sera qu’une étape et il faut dès à présent réfléchir au « jour d’après ».

De nombreuses questions se posent au sujet de l’avenir du système autoroutier :

  • Quelle stratégie, quel modèle et dans le cadre de quelle gouvernance ?
  • Comment tirer les leçons des errements passés et corriger les défauts manifestes des concessions actuelles ?
  • La réflexion ne devrait-elle pas d’ores et déjà être étendue à l’ensemble des infrastructures routières et même au-delà aux mobilités de demain et à leur transition écologique ?

En formulant quatorze recommandations, c’est à ces questions que le rapporteur entend apporter des réponses dans son rapport d’information.

Liste des recommandations :

Axe n° 1 : L’État doit user pleinement de l’ensemble de ses prérogatives de puissance publique dans le cadre des procédures de fin des concessions historiques

Recommandation n° 1 : s’agissant de la remise en état des infrastructures autoroutières aux frais des concessionnaires, l’État concédant doit user de toute la plénitude de ses prérogatives de puissance publique en :

  • fixant, dans le cadre des indicateurs techniques spécifiquement conçus à cette fin, des cibles techniques exigeantes pour la remise en état des différents types de bien desquelles résulteront les programmes de travaux notifiés aux sociétés d’autoroutes ;
  • imposant aux sociétés concessionnaires des obligations de résultat pour la remise à niveau des biens de retours à l’expiration des contrats ;
  • exigeant la remise en bon état de l’ensemble des ouvrages d’art évolutifs avant l’expiration des concessions historiques.

Recommandation n° 2 : exiger des sociétés concessionnaires d’autoroutes des données beaucoup plus précises et détaillées, notamment relevant de l’historique des indicateurs interne de suivi en termes de maintenance et d’entretien courant des infrastructures.

Recommandation n° 3 : améliorer la qualité des prestations produites par les bureaux d’études privés dans le domaine des infrastructures autoroutières en :

  • créant des qualifications et des certifications professionnelles dédiées ;
  • définissant et harmonisant le contenu de certaines prestations sensibles ;
  • généralisant le recours à l’intelligence artificielle ;
  • affinant les diagnostics de l’état des ouvrages d’art.

Recommandation n° 4 : veiller à garantir l’indépendance réelle des bureaux d’étude auxquels auront recours les services de l’État dans le cadre des procédures d’achèvement des concessions historiques et à éviter tout risque de conflit d’intérêts.

Recommandation n° 5 : la notification aux sociétés d’autoroutes des programmes d’entretien et de rénovation devra prendre la forme d’un avenant à leurs contrats soumis aux avis de l’ART et du Conseil d’État qui veilleront à ce que les intérêts de l’État aient été pleinement défendus dans le cadre de cette procédure.

Recommandation n° 6 : en amont de l’échéance des contrats, l’État devra réaliser une vérification exhaustive et rigoureuse de la réalisation effective de l’ensemble des travaux prévus dans le cadre des programmes de travaux mais aussi un contrôle par sondage des opérations d’entretien et de maintenance courantes effectuées au cours des dernières années de chaque concession.

Recommandation n° 7 : réaliser un recensement précis de l’ensemble des investissements prévus dans les contrats de concessions et déjà financés par les péages puis s’assurer qu’ils soient effectivement réalisés par les concessionnaires ou, le cas échéant, remplacés par d’autres investissements plus pertinents, notamment en lien avec la transition écologique des infrastructures autoroutières.

Axe n° 2 : Pour un modèle concessif autoroutier profondément réformé et rééquilibré

Recommandation n° 8 : au terme des contrats historiques, instaurer un modèle concessif autoroutier profondément réformé et rééquilibré au bénéfice des usagers et des intérêts patrimoniaux de l’État.

Recommandation n° 9 : construire le nouveau modèle concessif sur la base de concessions plus courtes faisant l’objet d’un réexamen tous les cinq ans.

Recommandation n° 10 : définir précisément les paramètres économiques et financiers des nouvelles concessions, en assurer un suivi continu approfondi de façon à prévenir les phénomènes de surrentabilité.

Recommandation n° 11 : demander à l’ART de réaliser et de rendre public une étude visant à objectiver les critères susceptibles d’éclairer une éventuelle révision du périmètre géographique des concessions actuelles.

Recommandation n° 12 : à travers une nouvelle gouvernance intégrant les services des ministères économiques et financiers, en amont du lancement des appels d’offres et des négociations d’avenants puis tout au long des procédures, renforcer le rôle de l’État par une approche interministérielle de la négociation et du suivi juridique, économique et financier des contrats de concessions d’autoroutes.

Axe n° 3 : L’exploitation des autoroutes devra contribuer au financement des principaux enjeux de la mobilité

Recommandation n° 13 : organiser une large concertation de l’ensemble des acteurs concernés (État, collectivités locales, experts, professionnels, etc.) sur l’avenir des autoroutes qui devra notamment débattre du périmètre des concessions, des enjeux de décarbonation des réseaux et des investissements nécessaires à celle-ci.

Recommandation n° 14 : après l’expiration des concessions historiques, dans le cadre fixé par le droit européen, maintenir le niveau actuel des recettes issues de l’exploitation des autoroutes et en affecter la part excédant les besoins d’entretien et de maintenance des réseaux autoroutiers au financement des principaux enjeux de mobilité et de sa transition écologique.

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Réseau des sociétés concessionnaires d’autoroutes

Source : association française des sociétés d’autoroutes (ASFA)

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En pièces jointes :

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