Des mesures drastiques pour réduire les arrêts de travail des agents publics ?
Publié leDans le rapport dit “revue des dépenses” remise au gouvernement par l’inspection générale des finances (IGF) et l’inspection générale des affaires sociales (IGAS), il est question de la réduction de l’absentéisme et des absences pour raison de santé dans la fonction publique. Ce rapport propose notamment un renforcement des contrôles de ces arrêts, mais aussi d’augmenter le nombre de jours de carence ou encore d’abaisser le taux de “remplacement” de la rémunération des agents publics durant leurs arrêts.
Contexte et problématique
Le rapport (juillet 2024) de l’Inspection Générale des Finances (IGF) et de l’Inspection Générale des Affaires Sociales (IGAS) propose des mesures pour réduire l’absentéisme dans la fonction publique. Celui-ci a fortement augmenté depuis la crise du Covid, atteignant en moyenne 14,5 jours d’absence par agent en 2022 dans la fonction publique dans sa globalité, avec des disparités selon les secteurs :
- 18,1 jours en 2022 dans l’hospitalier (FPH),
- 17,1 jours en 2022 dans la territoriale (FPT)
- 10,7 jour en 2022 pour l’État (FPE)
Ces chiffres sont comparés à ceux du secteur privé, où la moyenne d’absentéisme était de 11,7 jours en 2022. On notera que l’absentéisme dans la fonction publique d’Etat (FPE) est plus bas (10,7) que dans le privé (11,7).
L’absentéisme représente un coût de près de 15 milliards d’euros, soit l’équivalent de 353 000 emplois à temps plein.
Raisons de l’écart avec le secteur privé
Les écarts d’absentéisme entre le public et le privé sont en grande partie dus aux caractéristiques démographiques des agents publics (population plus âgée, présence accrue de femmes, prévalence de maladies chroniques). Ces facteurs expliquent 95 % de l’écart pour la fonction publique de l’État et hospitalière, mais seulement 53 % pour le versant territorial.
Propositions du rapport
Pour réduire cet absentéisme, le rapport propose plusieurs mesures controversées :
- Augmenter les jours de carence : Actuellement fixé à un jour, le rapport suggère de passer à deux voire trois jours de carence, comme dans le secteur privé. Un deuxième jour de carence pourrait générer 174 millions d’euros d’économies pour l’État, tandis que trois jours représenteraient 289 millions d’euros d’économies.
- Réduire le taux de remplacement de la rémunération en arrêt maladie : Les agents sont actuellement indemnisés à 100% de leur salaire pendant trois mois. Les rapports suggèrent de diminuer cette indemnisation à 90%, voire 80%, permettant des économies annuelles de 900 millions d’euros.
- Renforcer les contrôles administratifs et médicaux des arrêts de travail des agents publics : Il est suggéré de multiplier les contrôles administratifs et médicaux, incluant des visites à domicile pour vérifier les arrêts de travail. Un cadre réglementaire plus strict serait mis en place pour encadrer ces contrôles.
Réactions et critiques
La CFDT a fermement critiqué ces propositions, dénonçant une approche strictement budgétaire qui cible injustement les agents malades. Pour la CFDT, les propositions des inspections s’apparentent à « de vieilles recettes dont l’impact positif n’a jamais été prouvé, et qui pénalisent les malades qui – décidément- sont une cible budgétaire« . Voir notre article du 06-09-24 : Revue de dépenses publiques : les vieilles lunes ont la vie dure ! C’est encore une façon de stigmatiser les fonctionnaires déjà soumis à de fortes pressions liées aux restructurations et aux conditions de travail difficiles.
La CFDT reste également opposée au jour de carence, rétabli en 2018, dont l’impact reste controversé. Si celui-ci a permis de réduire le micro-absentéisme, il a également conduit à une augmentation des arrêts de longue durée, comme l’a observé l’Insee dans plusieurs études.
Tous les syndicats de la fonction publique ont unanimement rejeté ces propositions, les qualifiant de « mesures injustes », et insistent sur le fait que les conditions de travail, la réduction des effectifs et les restructurations sont les vraies causes de l’absentéisme croissant.
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Des préconisations pour le privé
Un autre rapport, publié en mai 2024 par la Cour des comptes, propose des mesures similaires pour réduire les dépenses liées aux arrêts maladie dans le secteur privé, qui ont atteint 12 milliards d’euros en 2022, en hausse de 56 % par rapport à 2017. Cette augmentation est liée à la crise sanitaire et à un absentéisme accru, notamment en raison de troubles psychologiques et de l’évolution des salaires. La Cour propose de modifier les règles d’indemnisation pour maîtriser ces coûts.
Deux principales options sont évoquées. La première consiste à ne plus indemniser les arrêts de moins de huit jours, ce qui permettrait d’économiser 470 millions d’euros. La seconde suggère d’allonger le délai de carence de trois à sept jours pour tous les salariés, générant une économie de 945 millions d’euros. Dans ces deux cas, les employeurs privés absorberaient une partie des coûts, car nombre d’entre eux maintiennent les salaires dès le premier jour d’arrêt.
Un jour de carence obligatoire dans toutes les entreprises
Le Medef préfère une autre approche : instaurer un jour de carence obligatoire pour tous, durant lequel ni la Sécurité sociale ni les employeurs ne verseraient d’indemnités. Cette mesure réduirait les coûts pour les entreprises de 1 milliard d’euros, mais entraînerait une perte de revenus pour les salariés d’environ 600 millions d’euros.
Une baisse du montant versé par la Sécu aux salariés en arrêt
La Cour propose également de réduire de 5 points le taux de prise en charge des indemnités journalières par la Sécurité sociale, le faisant passer de 50 % à 45 % du salaire journalier, pour économiser environ 1 milliard d’euros.
Si la Cour des comptes fait clairement part des pistes qui ont sa préférence pour baisser la prise en charge des arrêts de travail, elle alerte tout de même sur le fait que «la mise en œuvre de telles mesures, bien que financièrement avantageuses pour l’État et les entreprises, peut avoir des effets différenciés selon les catégories de salariés et d’entreprises» et qu’elle devrait donc «être précédée d’une concertation avec les partenaires sociaux». Ah ! c’est sympa de penser que les partenaires sociaux pourraient avoir quelque chose à dire sur de telles mesures !
En conclusion
En conclusion, ces propositions, qu’elles concernent les agents publics ou le secteur privé, soulèvent de nombreuses questions sur leur efficacité réelle et leur impact sur les conditions de travail. Pour la CFDT, toute mesure de réduction de l’absentéisme doit passer par une amélioration des conditions de travail et non par une répression accrue des arrêts maladie.
Par UFETAM-CFDT
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