“Décentralisation : le temps de la confiance” – les grandes lignes du rapport Woerth
Publié leÉric Woerth a remis un rapport contenant 51 propositions pour revitaliser la décentralisation en France. Ce rapport, intitulé “Décentralisation : le temps de la confiance”, vise à alimenter la future loi de décentralisation prévue par le gouvernement d’ici la fin de l’année.
Dans ce rapport, il est notamment question de répartition des compétences entre les collectivités, avec des préconisations pour chaque échelon. Le fonctionnement de l’intercommunalité est aussi questionné. S’agissant des modes d’élection, le semi-retour du conseiller territorial risque de faire débat. Tout comme le retour du cumul des mandats. Parmi ses 51 propositions, l’enjeu des finances est aussi largement abordé. Une importante redistribution des ressources entre échelons ainsi qu’entre Etat et collectivités est imaginée.
Eric Woerth n’entend proposer « ni un ajustement technique, ni un vaste ‘chamboule-tout » (voir notre article du 12 avril), en sachant bien que « les modifications proposées ne feront pas toutes l’objet d’un consensus politique immédiat ». « Nous voulons donner un nouveau souffle à la décentralisation », a t-il déclaré.
Les principales propositions :
1. Réorganisation des compétences :
- E. Woerth appelle à une répartition des responsabilités plus précise entre les différentes strates de collectivités pour améliorer la clarté et l’efficacité.
- Il propose de faire du bloc communal l’échelon des services publics locaux, du département celui des solidarités et des réseaux, et de la région l’acteur principal du développement économique et de la transition écologique.
2. Transformation de l’Île-de-France :
- Suppression de la Métropole du Grand Paris (MGP) et transformation des établissements publics territoriaux (EPT) en établissements publics de coopération intercommunale (EPCI).
- Redistribution des compétences de la MGP entre les EPCI, les départements et la région pour faire de l’Île-de-France une région-métropole.
3. Renforcement des moyens financiers et réglementaires :
- Ancrer dans la loi le partage de la fiscalité nationale entre l’État et les collectivités.
- Modifier la structure de financement pour aligner les recettes avec les politiques publiques de chaque échelon.
- Attribuer à chaque collectivité un pouvoir de taux effectif pour renforcer le lien entre le citoyen et la collectivité.
- Augmenter le pouvoir réglementaire des collectivités et encourager des délégations de compétences plus larges.
4. Statut unique pour les intercommunalités :
- Suppression des quatre statuts actuels des intercommunalités pour un statut unique offrant plus d’autonomie.
5. Renforcement des départements :
- Création d’un “service départemental des solidarités” avec des financements sanctuarisés.
- Décentralisation de “MaPrimeAdapt’” et recentralisation de la tutelle et du financement des Ehpad.
- Transfert de la majorité des routes nationales non concédées aux départements et attribution d’une compétence en matière d’eau.
6. Propositions diverses :
- Retour du cumul des mandats député-maire et sénateur-maire.
- Réduction de 20 % du nombre de conseillers municipaux.
- Modification des règles électorales à Paris, Lyon et Marseille pour des scrutins de listes à deux tours.
- Réintroduction du conseiller territorial, élu lors d’un scrutin cantonal avec double rôle au conseil régional et départemental.
Ce rapport met en avant la nécessité de retisser des liens de confiance entre l’État, les collectivités et les citoyens, tout en leur donnant plus de moyens adaptés aux besoins actuels des territoires, et plus de responsabilités pour une gouvernance plus efficiente et transparente.
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Les 51 propositions :
1 : Consacrer le rôle du maire comme « premier mètre » de l’action publique, en lui permettant d’obtenir rapidement des réponses de la part des services de l’État et des autres échelons, et d’aider les citoyens dans leurs démarches.
2 : Compléter les compétences du bloc communal en matière de logement et d’habitat. Conforter la place du maire dans l’attribution de logements sociaux. Transférer les aides à la construction de logements sociaux aux intercommunalités et expérimenter la délégation des aides à la rénovation énergétique aux grandes intercommunalités volontaires.
3 : Créer un établissement public local, « service départemental des solidarités », présidé par le président du conseil départemental, avec des cofinancements et une gouvernance de l’État et du département sur l’ensemble des compétences sociales obligatoires.
4 : Faire du département l’acteur principal de la prévention de la perte d’autonomie en renforçant sa compétence d’accompagnement à domicile, notamment à travers la décentralisation de MaPrimeAdapt’. Recentraliser le financement et la tutelle des Ehpad et des foyers d’accueil médicalisés.
5 : Faire du département l’échelon des réseaux en lui transférant la majorité des routes nationales non concédées, et en lui conférant une compétence en matière d’eau.
6 : Renforcer les compétences des départements en matière de prévention des aléas climatiques dans les territoires (recul du trait de côte, inondations, retrait-gonflement de l’argile, adaptation de l’agriculture).
7 : Faire de la région l’échelon de la transition écologique et du développement économique en lui confiant des outils de planification, en la faisant participer aux CRTE ainsi qu’à la définition des zonages en matière de logement et/ou fiscaux.
8 : Puissamment renforcer les prérogatives des régions en matière de développement économique en faisant d’elles le premier partenaire des entreprises dans les territoires.
9 : Affirmer le rôle des régions dans la gestion des infrastructures régionales structurantes (ferroviaires, ports, aéroports)
10 : Impliquer plus fortement les régions dans la stratégie et le financement de l’enseignement supérieur.
11 : Faire du bloc communal le chef de file en matière de sport et la seule collectivité gestionnaire d’infrastructures sportives. Transférer au département les musées de l’État, service à compétence nationale, et les équipements culturels régionaux.
12 : Mettre en place, par la loi, une gouvernance durable et partagée des finances locales, associée à une loi d’orientation des finances locales et de simplification, des conférences annuelles et pluriannuelles de financement. Créer un nouvel observatoire des finances publiques locales.
13 : Inscrire en loi organique la nécessité de définir les modalités de partage de l’impôt national, en associant les collectivités territoriales.
14 : Mobiliser la nouvelle gouvernance des finances locales pour modérer les recettes nationales des collectivités territoriales, via un couloir de recettes et un régime d’autoassurance.
15 : Créer, sous leur contrôle, un service d’appui aux collectivités territoriales pour les accompagner dans l’amélioration de leur performance et la revue de leurs dépenses.
16 : Concentrer davantage la fiscalité foncière, dont les DMTO, sur le bloc communal et renforcer les pouvoirs de taux sur certains impôts.
17 : Reconfigurer le schéma de financement du département grâce à une dotation de solidarité finançant les compétences sociales obligatoires, une nouvelle fiscalité locale avec pouvoir de taux et une fraction de CSG.
18 : Affecter une part d’impôt sur les sociétés territorialisées et une fraction de CFE avec pouvoir de taux aux régions pour les intéresser au développement économique.
19 : Réformer les dotations de fonctionnement de l’État pour mettre fin aux ancrages du passé et renforcer la solidarité nationale vis-à-vis des communes, notamment pour la protection de l’environnement et du patrimoine culturel.
20 : Rénover les dotations de fonctionnement des EPCI et développer la péréquation horizontale grâce aux DMTO.
21 : Modifier l’article 21 de la constitution en ajoutant « et en tenant compte de l’article 72 » afin d’améliorer l’articulation du pouvoir réglementaire des collectivités territoriales avec celui du Premier ministre.
22 : Modifier la loi organique sur les études d’impact pour y imposer la justification de la nécessité de légiférer et la justification de l’intervention du pouvoir réglementaire du premier ministre plutôt que de celui des collectivités territoriales.
23 : Redonner la main aux employeurs territoriaux en structurant une « branche » fonction publique territoriale qui aurait notamment la responsabilité de l’évolution du point d’indice. Simplifier la gestion des ressources humaines du quotidien (recrutement, promotion, rémunération) sous l’égide de cette nouvelle branche. Obliger les employeurs territoriaux à plus de transparence dans leur gestion des ressources humaines.
24 : Elire, lors d’un même scrutin au niveau cantonal, les conseillers régionaux et les conseillers départementaux.
25 : Elire les conseillers de Paris et les conseillers municipaux de Lyon et Marseille au scrutin de liste à deux tours. Maintenir une élection des conseillers d’arrondissement ou de secteur au scrutin de liste.
26 : Généraliser l’élection au scrutin de liste paritaire pour l’ensemble des communes. Réduire de 20% le nombre de conseillers municipaux.
27 : Donner un véritable statut aux élus locaux pour améliorer les conditions d’exercice de leur mandat tel que proposé par les propositions de loi déposées par les députés Violette Spillebout et Sébastien Jumel, et les sénateurs Françoise Gatel, Mathieu Darnaud, François-Noël Buffet, Bruno Retailleau et Hervé Marseille.
28 : Dans le cadre de la mission confiée à Christian Vigouroux sur la responsabilité pénale, étudier les modalités de dépénalisation de certains délits au profit d’infractions financières relevant de la Cour des comptes.
29 : Revaloriser les indemnités des maires et adjoints des communes de moins de 20.000 habitants.
30 : Permettre à tout parlementaire d’exercer le mandat de maire, d’adjoint au maire ou de président d’EPCI. Interdire le cumul de la présidence d’un EPCI avec celle d’un département ou d’une région.
31 : Engager une révision constitutionnelle afin de faire du chef de file le détenteur du pouvoir réglementaire et l’organisateur des financements dans le champ de sa compétence. Assouplir les modalités d’organisation des compétences partagées en supprimant ou rendant optionnelles les instances de coopération prévues par la loi, telles que la CTAP.
32 : Simplifier les intercommunalités autour d’un seul statut juridique associé à une liste unique de compétences obligatoires.
33 : Engager un processus de dissolution des pôles d’équilibre territorial et rural (PETR) et d’une partie des syndicats intercommunaux.
34 : Renforcer la place des maires au sein de l’EPCI en donnant la possibilité à la conférence des maires de voter une motion d’alerte. Rendre obligatoire l’adoption d’un pacte de gouvernance, d’un pacte fiscal et financier et d’un projet de territoire.
35 : Réformer les modalités d’attribution de compensation des EPCI aux communes.
36 : Relancer le processus de création de communes nouvelles en levant les freins associés aux effets de seuil, et par un accompagnement renforcé de l’Etat.
37 : Rendre obligatoire la contractualisation entre le département et l’EPCI dès lors que la population intercommunale représente une part significative de la population départementale.
38 : Mettre en place une contractualisation obligatoire entre la métropole et le département, et la métropole et la région pour partager les compétences sur le territoire métropolitain. Prévoir une contractualisation entre la métropole et les EPCI alentours.
39 : Supprimer la Métropole du Grand Paris, transformer les EPT en EPCI et répartir les compétences entre les EPCI, les départements et la région. Faire à terme de l’Île-de-France une « région-métropole ».
40 : Mettre en cohérence la gestion des axes routiers stratégiques en Île-de-France, notamment en nationalisant le boulevard périphérique de Paris.
41 : Supprimer la clause générale de compétence de la métropole de Lyon. Mieux associer les maires à la gouvernance en leur conférant la possibilité de voter une « motion d’alerte ». Élire le conseil métropolitain sur un scrutin de liste avec une circonscription unique et une prime majoritaire de 25%.
42 : En cas de blocage politique persistant, adopter une loi spécifique à la métropole d’Aix-Marseille-Provence afin de réformer les modalités de gouvernance, d’attribution de compensation et d’exercice des compétences.
43 : Créer un syndicat de transports sur le périmètre de la métropole d’Aix-Marseille-Provence.
44 : Maintenir la collectivité européenne d’Alsace dans la région Grand Est. Étudier la possibilité de transférer ou déléguer de nouvelles compétences comme la gestion de lycées, l’artisanat et le commerce de proximité.
45 : Rendre obligatoire une mobilité dans une administration déconcentrée ou décentralisée pour tout fonctionnaire d’État avant d’accéder à des postes à responsabilité.
46 : Créer une dotation unique d’investissement à l’usage flexible, confiée aux préfectures de département.
47 : Encadrer drastiquement les appels à projets nationaux à destination des collectivités territoriales dans l’objectif d’en réduire le nombre et de mieux les adapter aux territoire
48 : Créer une plateforme départementale de financement et d’ingénierie territoriale pour faciliter le dépôt et l’accompagnement des projets des collectivités territoriales et renforcer le rôle des préfets vis-à-vis des agences nationales.
49 : Étendre le pouvoir de dérogation des préfets.
50 : Recentrer les contrats État-collectivités autour de quelques grands dispositifs, mieux territorialiser ces contrats et solidifier les engagements financiers.
51 : Créer un mécanisme encadré de substitution en cas de carence d’une collectivité territoriale sur un service public essentiel. Étendre les cas d’inscription d’office et de mandatement d’office afin de permettre au préfet de contraindre, dans les cas les plus flagrants, une collectivité à financer en priorité ses compétences essentielles.
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Pour mémoire :
Le 03 novembre 2023, le président de la République, Emmanuel Macron, avait confié une mission au député Eric Woerth au sujet de la réforme des institutions. Pour cela il lui avait adressé une lettre de mission que vous pouvez télécharger ICI.
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