Ce que les syndicats veulent modifier dans le projet de loi “Fonction publique”
Publié leCe que les syndicats veulent modifier dans le projet de loi “Fonction publique” (Acteurs Publics – 12-03-19)
Retrait pur et simple du texte, suppression d’articles ou modifications de certaines dispositions… Plus de 200 amendements ont été déposés par les syndicats sur le projet de loi de réforme de la fonction publique, en vue du Conseil commun de la fonction publique du vendredi 15 mars. Tour d’horizon de leurs propositions.
Longue réunion en perspective. À quelques jours du Conseil commun de la fonction publique, vendredi 15 mars, plus de 200 amendements ont été déposés par les organisations syndicales sur le projet de loi de réforme du cadre statutaire des agents publics. Au menu : une centaine d’amendements de la CFDT, une centaine de l’Unsa, une quinzaine de la CFE-CGC, 6 de la CFTC, un de Solidaires et un de la FA-FP. Les amendements de ces deux dernières organisations syndicales visent au retrait pur et simple du projet de loi. Les autres organisations syndicales (CGT, FO et SUD) n’ont quant à elles pas déposé d’amendements [cliquez ici pour consulter l’ensemble des amendements déposés]. Au Conseil supérieur de la fonction publique d’État, une dizaine d’amendements ont été déposés par l’Unsa, 6 par la CFDT et 6 par la CFE-CGC.
Sur la fusion des comités techniques et des comités d’hygiène (article 2). Cette disposition du projet de loi vise au regroupement des comités techniques (CT) et des comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) dans une instance unique intitulée “comité social”. Sous certaines conditions, une “formation spécialisée” en matière de santé, de sécurité et des conditions de travail pourra être créée au sein de ces comités. Trois des amendements (déposés par la CFDT, l’Unsa et la CFE-CGC) prévoient tout bonnement la suppression de cet article. Les autres proposent des modifications du texte. Ces amendements concernent principalement le seuil à partir duquel les formations dites spécialisées doivent être instituées. Alors que le projet de loi prévoit actuellement la mise en place obligatoire de ces instances à l’État si les effectifs sont supérieurs à un seuil qui doit être précisé par décret, la CFDT et la CFE-CGC proposent que ces formations soient créées dans l’ensemble des comités quel que soit le nombre d’agents affectés à l’administration ou à l’établissement public. L’Unsa propose quant à elle de rendre obligatoire ces formations spécialisées dès lors que les effectifs sont supérieurs à 50 agents. Par ailleurs, la CFDT et l’Unsa ont déposé un amendement pour que les formations spécialisées puissent examiner les questions portant sur les projets de réorganisation de services alors que cet examen, pour l’heure, n’est prévu que par les nouveaux comités.
Sur le recentrage des missions des commissions administratives paritaires (article 3). Plusieurs amendements (déposés par la CFTC, la CFE-CGC et l’Unsa) visent à la suppression pure et simple de cette disposition. Si elle ne dépose pas d’amendement de suppression totale de l’article en question, la CFDT propose quant à elle de supprimer les dispositions qui vident ces commissions de leur substance. Par ailleurs, la CFDT et l’Unsa souhaitent que les particularités des différents ministères soient respectées en maintenant la possibilité d’avoir des commissions administratives paritaires (CAP) par corps ou par catégories hiérarchiques au sein de la fonction publique d’État. Pour l’heure, le projet de loi prévoit en effet, à l’instar de ce qui existe dans les versants territorial et hospitalier, de structurer les commissions administratives par catégories hiérarchiques et non plus par corps.
Sur l’ouverture aux contractuels des emplois de direction (article 5). Deux amendements de suppression de cette disposition ont été déposés par l’Unsa et la CFDT. Au-delà, ces deux organisations syndicales ont déposé des amendements pour améliorer la procédure de recrutement des contractuels en question. La CFDT propose ainsi d’instituer une formation des agents nommés sur ces emplois et l’Unsa, que des conditions minimales de diplômes ou de capacité soient requises avant l’embauche des contractuels sur ces emplois. L’Unsa a par ailleurs déposé un amendement pour que les conditions de rémunération de ces contractuels soient aussi encadrées par décret, ce qui n’est pas prévu actuellement dans le projet de loi.
Sur l’instauration d’un contrat de mission (article 6). Des amendements de suppression de l’article ont été déposés encore une fois par l’Unsa et la CFDT. Par ailleurs, la CFDT propose que le recours à de tels contrats soit conditionné la mise en place d’un accord majoritaire au sein des administrations concernées, mais aussi que le recrutement de tels contractuels se fasse uniquement sur un emploi équivalent à la catégorie A et que les contrats en question ne puissent être inférieurs à trois ans. L’Unsa, de son côté, souhaite aussi que soit instaurée une période minimale “de garantie d’emploi” pour l’agent contractuel concerné (mais sans fixer de délai précis) et propose que le contrat de projet soit exclusivement réservé au recrutement d’ingénieurs et de cadres.
Sur l’élargissement du recours aux contractuels dans la fonction publique d’État (article 7). En Conseil supérieur de la fonction publique d’État, La CFE-CGC, la CFDT et l’Unsa proposent de supprimer cette disposition. En cas de non-adoption de ces amendements, les organisations syndicales proposent notamment de réduire le nouveau champ de recours aux agents contractuels dans la fonction publique d’État. Pour se justifier, l’Unsa constate notamment qu’“aucune justification fondée sur un état des lieux chiffré n’est présentée dans l’exposé des motifs” du projet de loi. La CFE-CGC considère pour sa part “que les constats et difficultés mis en avant pour justifier le recours accru aux contrats doivent pouvoir trouver d’autres solutions que celles proposées dans le projet de loi”. La CFDT, quant à elle, relève que cet élargissement “prend l’exact contre-pied des dispositions” des accords du 31 mars 2011 sur la sécurisation des parcours des agents contractuels.
Sur la mise en place de nouvelles sanctions à l’État et dans l’hospitalière (article 13). La CFTC propose la suppression pure et simple de cet article et la CFDT, la CFE-CGC et l’Unsa, la suppression des dispositions prévues dans son cadre. Pour rappel, cet article crée, dans la fonction publique d’État et dans l’hospitalière, une nouvelle sanction (en l’occurrence une exclusion temporaire des fonctions de trois jours), qui ne serait pas soumise à l’examen des CAP. Il s’agit en somme de s’aligner sur la situation actuellement en vigueur dans la territoriale.
Sur la rénovation du cadre de contrôle des agents publics effectuant des allers-retours public-privé (article 15). L’Unsa propose que les observations des autorités compétentes portent sur les cinq dernières années d’activité (dans le privé ou le public) et non sur les trois années précédant la demande de départ dans le secteur privé ou bien de retour dans le public après une expérience dans le privé.
Sur la mise en place d’un dispositif de rupture conventionnelle (article 24). La CFE-CGC propose la suppression de cet article destiné à s’appliquer aux contractuels des trois versants et, à titre expérimental, aux fonctionnaires de l’État et de l’hospitalière. Sur le champ d’application de cette mesure, l’Unsa propose la suppression de cette expérimentation pour les fonctionnaires titulaires et la CFDT de l’étendre aux agents de la territoriale. Au-delà, la CFDT et l’Unsa ont déposé des amendements pour mieux encadrer ce dispositif (notamment en l’homologuant). Par ailleurs, l’Unsa propose de supprimer la disposition du projet de loi qui prévoit le remboursement de l’indemnité versée à l’agent dans le cadre de la procédure de rupture dans le cas où celui-ci retrouverait un emploi dans le secteur public dans les trois années consécutives à cette même rupture conventionnelle. L’Unsa propose par ailleurs que les agents puissent être conseillés par un représentant du personnel tout au long du processus de la rupture conventionnelle. De son côté, la CFDT propose que les modalités de calcul de l’indemnité dans l’hospitalière soient définies par décret. Cette précision est aujourd’hui uniquement prévue pour le versant État.
Sur la création d’un dispositif global d’accompagnement des agents en cas de restructuration (article 25). La CFDT et l’Unsa proposent que ce dispositif et les garanties accordées aux agents soient obligatoirement mis en place en cas de restructuration d’un service. Pour l’heure, ces dispositions sont facultatives dans le projet de loi.
Sur le détachement d’office des fonctionnaires en cas de délégation ou d’externalisation (article 26). La CFE-CGC et l’Unsa proposent la suppression de cette disposition. La CFDT refuse quant à elle que ce détachement soit imposé “unilatéralement” et donc d’office aux agents concernés. En cas de non-suppression de l’article en question, l’Unsa propose que ce détachement soit fait à la demande de l’agent. Par ailleurs, la CFDT a déposé un amendement pour que les agents qui refusent ces détachements d’office puissent bénéficier du même dispositif d’accompagnement que celui accordé aux agents touchés par la restructuration de leur administration (voir paragraphe précédent).
Sur l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes (titre V du projet de loi). L’Unsa et la CFDT proposent notamment d’élargir le champ d’application, dans la territoriale, des plans d’action pluriannuels en faveur de l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes. Alors que le projet de loi prévoit d’instaurer cette mesure pour les collectivités de plus de 40 000 habitants, l’Unsa propose d’abaisser ce seuil à 20 000 habitants et la CFDT, de rendre obligatoires ces plans dans l’ensemble des collectivités.
Les nouveaux articles que les syndicats veulent introduire … La CFDT propose notamment de “procéder à des changements d’appellation pour donner une image positive de l’activité syndicale, lutter contre les représentations discriminantes et pour qu’elle ne soit plus associée à une forme d’absentéisme”. En ce sens, l’un de ses amendements vise à substituer dans l’ensemble des textes les mots “autorisation d’absence”, à chaque fois qu’ils concernent une activité syndicale, par les mots “autorisation d’activité syndicale” et les mots “décharge d’activité de service” par les mots “décharge pour activité syndicale”. Elle revendique aussi l’instauration d’une indemnité de fin de contrat pour l’ensemble des bénéficiaires d’un CDD dans le secteur public (équivalente à 10 % de la totalité de la rémunération brute). L’Unsa propose pour sa part que le dispositif de recrutement successif en CDD soit “encadré en renforçant le pouvoir du juge administratif, lorsqu’il est saisi d’une contestation d’un agent contractuel, pour lui permettre de requalifier le contrat irrégulièrement qualifié à durée déterminée, objet du litige, en contrat à durée indéterminée”. Pour que les employeurs soient “exemplaires”, elle propose aussi qu’un décret en Conseil d’État fixe les conditions dans lesquelles les employeurs publics “peuvent faire l’objet de sanctions financières en cas de non-respect des dispositions” sur le recours aux agents contractuels. L’Unsa a également déposé un amendement pour que les agents publics, à l’instar des salariés du privé, bénéficient d’un droit à la déconnexion “reconnu légalement dans les trois versants de la fonction publique”.
Par Bastien Scordia