Budget : une politique de rigueur contestable

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Le projet de loi de finances (PLF) et le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS), bientôt débattus à l’Assemblée nationale, prévoient des économies intenables. Si elle était appliquée, cette politique de rigueur conduirait à une nette dégradation des services publics et fragiliserait notre protection sociale. Plusieurs ministères, tels ceux de l’Éducation nationale et du Travail, risquent d’être fortement impactés.

Environ 60 milliards d’économie ! L’objectif que s’est fixé le Premier ministre lors de l’élaboration du budget 2025 est vertigineux, alors même qu’il ne dispose d’aucune majorité à l’Assemblée nationale. Martelé depuis déjà plusieurs semaines, le message a le mérite d’être clair. La France connaît un dérapage abyssal de ses comptes publics, ce qui nécessite de frapper fort. En 2024, le déficit budgétaire devrait en effet atteindre plus de 6 % du PIB, et la dette 110 % du PIB, alors que nos engagements européens prévoient un déficit maximal de 3 % et une dette ne dépassant pas 60 % du PIB. Et si la nécessite de « redresser » les comptes fait plutôt consensus, les moyens d’y parvenir le font beaucoup moins.

De très inquiétantes suppressions d’emplois

Pour son premier budget, Michel Barnier a décidé d’appliquer une politique de rigueur inédite depuis des décennies. Il demande près de 40 milliards d’euros d’économie à la sphère publique pour seulement 20 milliards de nouvelles recettes fiscales – alors même que ce sont les baisses d’impôts successives et non financées qui ont conduit au dérapage des finances publiques. Ce choix contestable se traduit d’ailleurs très concrètement par 4 000 suppressions d’emplois dans l’Éducation nationale ou encore 500 suppressions à France Travail – deux « postes » pourtant présentés comme des priorités du président de la République. Le réchauffement climatique, autre priorité, voit lui aussi ses crédits fondre – avec notamment la volonté de raboter les dispositifs d’aides aux particuliers visant à accompagner la transition énergétique (MaPrimeRénov’).

Presque tous les ministères sont impactés par des mesures d’économie, et les collectivités locales sont, elles aussi, mises à contribution. De plus, les discussions relatives à la rémunération des agents risquent d’être compliquées puisqu’ils ont déjà beaucoup perdu en pouvoir d’achat, ces dernières années. Du côté de la santé, les annonces sont tout aussi douloureuses. Le PLFSS limite la hausse des dépenses tandis que les besoins de la population augmentent mécaniquement avec le vieillissement. « Alors que la fonction publique fait face à un déficit d’attractivité, du fait de rémunérations plus faibles que dans le privé, qu’il est de plus en plus difficile de recruter des professionnels, on nous annonce un nouveau coup de rabot généralisé. C’est très mal vécu par les agents, qui craignent de ne plus pouvoir assurer leurs missions et une dégradation de leurs conditions de travail », déplore la secrétaire générale de la CFDT Fonctions publiques, Mylène Jacquot.

L’espoir d’une conférence des finances publiques

Autres sujets de mécontentement : le décalage de six mois de la revalorisation des pensions de retraite (la partie régime général) mais aussi le moindre remboursement de la consultation chez le médecin généraliste qui risque d’augmenter le coût des mutuelles. « La CFDT alerte sur le risque d’un rejet massif de ce projet qui altère à la fois le sentiment de justice fiscale et de consentement à l’impôt, et prend le risque de casser le peu de croissance que nous connaissons », souligne le secrétaire national Luc Mathieu, qui appelle à une conférence sur les finances publiques avec l’ensemble des parties prenantes, l’objectif étant de mieux répartir les efforts.

« La politique fiscale et budgétaire, pour être efficace, doit donner à chacun le sentiment que les efforts sont équitablement répartis », insiste le secrétaire national. Dans la situation de crise politique que nous connaissons, le débat parlementaire pourra-t-il jouer pleinement son rôle ? Rien n’est moins sûr, mais le Premier ministre assure aujourd’hui que les députés disposeront de marges de manœuvre. Les débats sur le budget, eux, commencent le 16 octobre en commission, puis le 21 en séance publique (le 28 en ce qui concerne le budget de la Sécurité sociale). Les deux lois de finances (PLF et PLFSS) doivent obligatoirement être adoptées d’ici à la fin de l’année. Le timing se révèle donc très serré, sauf si le gouvernement décide de recourir au fameux article 49.3…

Par Jérôme Citron
rédacteur en chef adjoint de CFDT Magazine

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Pour mémoire :

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D’après l’article initialement publié par Syndicalisme Hebdo
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