Agences de l’Etat : le Sénat enquête

Publié le

À l’initiative du groupe Les Républicains, le Sénat a créé une commission d’enquête sur les missions des agences, opérateurs et organismes consultatifs de l’État, réunissant 23 sénateurs représentant l’ensemble des groupes politiques. La commission doit achever ses travaux avant le 5 août 2025.

On dénombre environ 103 agences, plutôt autonomes et à même de structurer un domaine d’intervention, 434 opérateurs chargés de mettre en œuvre une politique définie par l’État et 317 organismes consultatifs qui se limitent à donner un avis .

La commission d’enquête s’est donné pour mission d’examiner « si ces structures, toutes différentes dans leur organisation comme dans leurs modes d’intervention, répondent toujours au besoin qui a suscité leur création, si elles s’inscrivent dans une vision cohérente de l’organisation de l’action publique ou si leur multiplicité conduit à l’apparition de redondances entre leurs missions ou avec celles des administrations. »

Les travaux s’appuient sur des auditions diverses. Toutes publiques et sous serment, elles sont diffusées en direct sur le site du Sénat, et disponible également en différé. La CFDT Fonctions publiques n’était pas disponible pour l’audition consacrée aux organisations syndicales représentatives, mais s’est plié au questionnaire transmis.

Questions – Réponses :

1. Pouvez-vous préciser dans quelle mesure vos organisations, au-delà de l’administration centrale et déconcentrée, représentent les agents travaillant pour les différentes agences de l’État, sachant que leur statut peut être assez varié ?

La CFDT Fonctions publiques a pour mission de représenter les 5,7 millions d’agents publics, qu’ils soient fonctionnaires ou contractuels de droit public. À titre d’exemple, au sein de France Travail, parmi les 53 000 ETP, seuls 3 695 étaient encore sur le périmètre de nos instances CCFP et CSFPE lors des dernières élections professionnelles FP de 2022.

Pour autant, la CFDT prend en charge l’ensemble des travailleuses et travailleurs et la structuration des fédérations permettent d’être représentatif des agents, y compris de droit privé. La CFDT, 1ère organisation syndicale de France, représente et défend les travailleurs et les travailleurs des différentes agences de l’Etat, quel que soit leur statut.

2. Que pensez-vous du choix de recourir à une agence pour mettre en œuvre une politique publique ? Quel impact selon vous sur l’unité de l’action publique ?

La CFDT Fonctions publiques défend une conception exigeante du service public, où :        

L’unité statutaire des agents publics est préservée, garantissant égalité de traitement, lisibilité des droits et devoirs des agents publics et reconnaissance des missions exercées.

Le statut général de la fonction publique est consolidé comme cadre de référence garantissant l’indépendance, l’impartialité et la continuité du service public.

La CFDT reconnaît que des agences peuvent parfois répondre de manière plus souple et efficiente que des administrations de l’État, à la réalisation d’une mission d’intérêt général. Il faut éviter toutefois de créer des doublons, de laisser perdurer des agences devenues obsolètes. Il est donc utile d’interroger régulièrement la pertinence et l’économie de ces agences, notamment au nom de l’unité de l’action publique. La CFDT se préoccupe essentiellement des garanties apportées aux collègues en matière de conditions d’emploi, de travail, de rémunération. Et, en tant que confédération, le souci de l’intérêt amène à s’interroger sur la rationalité et l’efficacité de la dépense publique.

3. Quelles sont, de manière générale, les attentes et/ou revendications actuelles des agents qui composent ces agences et ces opérateurs ? Quelles seraient les conséquences d’un éventuel mouvement de suppression ou de fusion d’agences du point de vue de leurs agents ? À votre connaissance (vous pouvez prendre un ou deux exemples concrets de fusions d’agences ou d’administrations dans le passé), un nombre important de ces agents pourraient-ils être reclassés dans l’administration centrale afin d’assurer la continuité des missions ? Si oui, cela poserait-il des difficultés du point de vue des différences de grilles salariales ?

A la première question : impossible de répondre, tant le paysage est disparate et morcelé. Ce qui rend tout aussi difficile la réponse à la deuxième question. On ne peut qu’examiner le sujet au cas par cas, au regard des conditions d’emploi, de travail, de rémunérations, de droits de chaque opérateur dont les statuts sont différents.

La CFDT tient avant tout à rappeler son exigence que les restructurations soient accompagnées de négociations obligatoires avec les organisations représentatives des agents. Il existe des cas concrets de fusions (ANACT/ARACT ; Office français de la biodiversité/ONCFS…). À chaque fois, les négociations permettent d’organiser les portabilités des droits pour un meilleur accompagnement des collègues et un alignement des droits vers le haut. Les sujets à traiter peuvent se révéler complexes : organisations du travail, primes,… mais aussi différences de statuts et donc régimes de droits très différents. Les harmonisations ont parfois impliqué des pertes d’avantages qui exigent des indemnités compensatoires. 

En cas de ré-internalisation des missions et des agents, la CFDT sera particulièrement vigilante aux intérêts matériels et moraux des collègues, lesquels intérêts incluent les questions de dynamiques professionnelles et de carrières, les questions d’attractivité et de reconnaissance des compétences. Le regard positif sur les perspectives de ré-internalisations n’abaissent pas le seuil d’exigence d’accompagnements. 

Enfin, la CFDT ne peut s’empêcher de marquer une surprise certaine dans le débat actuel : même si le Conseil Constitutionnel a invalidé cette création, il est étonnant de constater que le gouvernement s’obstine à vouloir faire le contraire en matière immobilière de l’État avec la mise en place d’une foncière de l’État par le biais d’un Epic (PLF 2025).

4. Selon plusieurs experts, la circulation des compétences entre, d’une part, les administrations centrales et, d’autre part, les agences placées sous leur tutelle devrait passer par une mobilité accrue des agents entre ces deux types d’administrations. Cette circulation des compétences pourrait notamment bénéficier à l’exercice de la tutelle par les administrations centrales. Quelle appréciation portez-vous sur le niveau actuel de mobilité entre administrations centrales et agences ? Dans quel cadre juridique les mouvements d’agents s’inscrivent-ils ? Le cas échéant, à quelles difficultés de tels mouvements peuvent-ils être confrontés ? Selon vous, quelles mesures pourraient favoriser une mobilité accrue ?

En l’absence de précisions sur la qualité des experts mentionnés (par exemple : sont-ils juges et parties ?), pour la CFDT, avant d’assouplir les règles de mobilité, il faut simplement appliquer les dispositions actuelles qui donnent beaucoup de possibilités aux employeurs publics : https://uffa.cfdt.fr/portail/uffa/vos-droits-et-obligations/carriere/mutations-et-mobilite/droit-au-depart-en-mobilite/le-droit-au-depart-en-mobilite-srv2_1290167

Dès lors que les agents sont de statut de droit public (fonctionnaires ou contractuel·les), il est surprenant de limiter la mobilité entre des agents des administrations centrales vers les agences et inversement. Il serait risqué de croire que les « états-majors » détiennent la compétence, les ressources humaines d’excellence. En effet, les services déconcentrés ont de plus en plus des recrutements « à profil » qui peuvent répondre tant aux besoins des agences, que des administrations centrales. Pour ouvrir d’autres pistes de mobilités, pour la CFDT, il faut prendre la voie obligatoire de la négociation collective, instaurée dans la Fonction publique par la loi de 2019 et une ordonnance de 2021.

5. Plus particulièrement, les rapports du Conseil d’État et de l’Inspection générale des finances (IGF) consacrés aux agences de l’État, publiés en 2012, appelaient à encadrer le recours aux détachements de fonctionnaires d’État sur des emplois de contractuels au sein des agences, qui permet de déroger aux règles de rémunération de la fonction publique, et à développer la position normale d’activité.  L’IGF recommandait même d’interdire le recours aux détachements sur contrats de droit public et de favoriser la position normale d’activité et le détachement simple. Quelle appréciation portez-vous sur le recours aux détachements de fonctionnaires d’État sur contrats de droit public au sein des agences ? À votre connaissance, un tel recours a-t-il été limité, non seulement en droit, mais également en pratique, au cours de la période récente ?

Pour la CFDT, les prescriptions et recommandations de l’IGF en matière d’emploi étaient de bon sens, et replace l’exercice professionnel dans un cadre juridique connu.

 – – –

Pour mémoire :

Notre article du 13-02-25 : Les agences de l’État en ligne de mire 

Notre article du 13-02-25 : Échaudés par les critiques, les militants de l’ADEME réagissent !

– – – – – – – – –