Agence de cohésion des territoires (ANCT) : le Sénat y ajoute sa patte

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Agence de cohésion des territoires (ANCT) : le Sénat y ajoute sa patte (la Gazette des Communes – 09-11-18)

Par Delphine Gerbeau

Le Sénat a adopté le 8 novembre, en procédure accélérée, la proposition de loi portant création d’une Agence nationale de la cohésion des territoires. Les sénateurs semblent cependant dubitatifs sur l’efficacité de ce nouvel outil, dont ils ont élargi les missions

Enfin, la première étape législative est franchie pour l’Agence nationale de cohésion des territoires, dont la création avait été annoncée en juillet 2017 par le président de la République. Mais la mise en route a été bien longue et chaotique, avec la nomination tardive d’un préfet préfigurateur Serge Morvan, en avril dernier, qui a rendu son rapport en juillet, en principe non public mais finalement dévoilé par les syndicats.

Les sénateurs ont donc adopté la proposition de loi déposée par le sénateur Jean-Claude Réquier, après que la ministre de la Cohésion des territoires Jacqueline Gourault soit venue les rassurer le 31 octobre devant la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable.

Le rapporteur du texte, le sénateur Louis-Jean de Nicolay, avait en effet des mots plutôt sévères : dans son rapport, il regrettait « la méthode utilisée sur ce texte et les incertitudes entourant les moyens de la future Agence ainsi que l’impréparation du Gouvernement sur le volet de la simplification des normes applicables aux porteurs de projets locaux ».
De plus, il déplorait « l’absence d’évaluations préalables sur ce projet, dans la mesure où celles-ci permettraient de mieux identifier les besoins auxquels l’agence devra répondre et les leviers, notamment législatifs, à activer en conséquence ».

Le rapporteur appelait le Gouvernement à prendre ses responsabilités sur trois sujets de préoccupation majeure : la question des ressources d’intervention dont bénéficiera l’Agence ; celle de la rationalisation des interventions de l’État dans les territoires et, enfin, celle de l’association des élus locaux et nationaux à la gouvernance de l’ANCT. Les amendements adoptés par les sénateurs sont revenus sur ces points.

Regroupement a minima

C’est finalement un regroupement a minima qui a été choisi : l’Agence fusionnera une partie du Commissariat général à l’égalité des territoires (CGET), l’Agence du numérique et l’Etablissement public de restructuration et d’aménagement des espaces commerciaux et artisanaux (EPARECA). Pour les autres organismes évoqués un temps pour être fusionnés – Cerema, Anah, Anru, Ademe – ils seront liés avec l’Agence par convention.
Sa mission consistera, en tenant compte des particularités, des fragilités et des besoins de chaque territoire, à soutenir les collectivités territoriales et leurs groupements dans la définition et la mise en œuvre de leurs projets, notamment en faveur du maintien des services publics, de la revitalisation des centres-villes et centres-bourgs, de la transition écologique, de la lutte contre le changement climatique et la pollution des sols, de l’accès aux soins et aux transports et du numérique.

Une aide priorisée sur les territoires en difficulté

Elle devra mobiliser une offre d’ingénierie publique ou privée adaptée aux porteurs de projets et apporter un concours humain et financier aux collectivités territoriales et à leurs groupements, et coordonner l’action de l’Etat et de ses établissements publics en matière d’aménagement du territoire.
Les sénateurs ont par amendement précisé que son action devra cibler prioritairement les territoires caractérisés par des difficultés en matière démographique, économique ou d’accès aux services publics. Ils ont également précisé que l’Agence n’intervenait qu’après accord des organes délibérants des collectivités concernées, veillant à préserver leur rôle.
L’Agence sera gérée par un conseil d’administration composé à parts égales d’une part de représentants de l’Etat, de ses établissements publics, du personnel de l’agence, d’autre part de représentants des collectivités territoriales et de leurs groupements, ainsi que deux députés et sénateurs. Ce conseil d’administration sera présidé par un représentant des collectivités territoriales. Les sénateurs ont tenu à préciser que le conseil d’administration devra être composé de manière à favoriser une juste représentation de tous les territoires et notamment des territoires ruraux.
Enfin, dans chaque département c’est le préfet qui sera le délégué territorial de l’Agence, il sera accompagné d’un comité de la cohésion territoriale, qui réunira les représentants des collectivités et de leurs groupements ainsi que les autres acteurs locaux publics ou privés intéressés.

Quid des moyens ?

Quant aux moyens alloués à l’Agence, la proposition de loi mentionne seulement qu’ils seront composés des subventions de l’Etat et d’autres personnes publiques, des financements par des personnes privées et de la rémunération de ses prestations de services.

La ministre Jacqueline Gourault a également précisé lors de son audition que l’ANCT bénéficiera également de « la mobilisation des fonds de la Banque des territoires, avec 5 milliards d’euros utilisables en fonds propre d’ici 2022 ». « Il n’y aura pas de coût supplémentaire » pour faire fonctionner l’Agence, a ajouté Serge Morvan, préfigurateur de l’ANCT, lors de cette audition.

La ministre a annoncé que l’Agence serait créée le plus rapidement possible, le texte devant être rapidement inscrit à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale .